Courtesy of Janice Zinck

Alors que le monde se lance sur la voie de la neutralité carbone, le Canada s’apprête à tirer parti de la hausse de la demande mondiale en minéraux critiques nécessaires à la transition vers une économie numérique à faibles émissions de carbone. Étant le seul pays d’Amérique du Nord à posséder les ressources minérales nécessaires à la fabrication de batteries sophistiquées pour véhicules électriques, c’est une chance inouïe pour le secteur canadien des minéraux et des matériaux. Outre la richesse minérale exceptionnelle du Canada, d’autres facteurs tels que des références incontestées en matière d’ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) ainsi que son expertise dans le domaine des mines, de la métallurgie et des matériaux pourraient faire du Canada le premier fournisseur responsable et fiable de minéraux critiques, pas seulement en Amérique du Nord, mais dans le monde entier.

Il est maintenant clair que la hausse de la demande en minéraux critiques à l’échelle mondiale est vouée à considérablement augmenter dans les années à venir. De fait, elle devra répondre aux contraintes de fabrication d’applications dépendant de l’énergie renouvelable et des technologies propres telles que les véhicules électriques (VÉ) et les batteries de stockage de l’énergie connectées au réseau électrique, les aimants permanents, les panneaux solaires, les turbines éoliennes et les petits réacteurs nucléaires. Par ailleurs, les minéraux critiques continueront à être recherchés pour des applications de pointe dans le secteur de la fabrication, notamment pour les technologies de la défense et de la sécurité, l’électronique de grande consommation et les semi-conducteurs. La Banque mondiale et l’International Energy Agency (IEA, l’agence internationale de l’énergie) prévoient, d’ici 2040, une hausse de la demande mondiale en minéraux nécessaires aux VÉ et au stockage de l’énergie dans des batteries tels que le lithium, le cobalt, le nickel et le graphite, de l’ordre de 10 à 30 fois supérieure aux niveaux de 2020. À terme, le marché mondial des minéraux critiques devrait atteindre une valeur de 400 milliards de dollars américains d’ici 2040, indiquait l’IEA. De plus en plus, le contrôle des minéraux critiques et de leurs chaînes de valeur devient une devise puissante dans l’économie verte, en plein essor.

De nombreuses économies de pays développés et industrialisés ont compilé des listes de minéraux critiques, la plupart reposant sur les vulnérabilités de la chaîne de valeur. En mars 2021, le Canada publiait sa toute première liste de minéraux critiques. Trente et un minéraux sont considérés critiques pour la sécurité économique du Canada, et sont indispensables à la transition du pays vers une économie à faibles émissions de carbone. Le Canada a déjà produit plus de 60 minéraux et métaux. Plus grand producteur mondial de plusieurs minéraux critiques, notamment le nickel et le cobalt, il pourrait approvisionner les marchés national et international. Le Canada possède également des ressources considérables en lithium et en graphite, et abrite une variété de projets à un stade avancé sur les éléments des terres rares (ÉTR).

Notre patrimoine géologique est, certes, un avantage. Toutefois, il faudra bien plus que des gisements riches pour devenir un chef de file dans le domaine des chaînes de valeur pour les minéraux critiques. La main-d’œuvre canadienne hautement qualifiée dans les secteurs de la géologie, des mines, de la métallurgie et des matériaux devra travailler en collaboration pour créer les innovations nécessaires à la transformation des roches du sol en intrants de pointe de la chaîne de valeur pour les minéraux critiques et les produits finaux sophistiqués, qui seront concurrentiels sur les plans économique et ESG.


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Stratégiquement parlant, le Canada a des bases solides en matière d’innovation et de performance en termes d’ESG. Au travers de programmes tels que l’initiative Vers le développement minier durable (VDMD) de l’association minière du Canada (AMC), d’initiatives de traçabilité des minéraux et d’activités de recherche et développement (R&D) de pointe dans le domaine des minéraux, le Canada a consolidé sa place parmi les chefs de file mondiaux dans le domaine des minéraux et des métaux. En s’appuyant sur le programme de R&D sur les éléments des terres rares et la chromite, qui a récemment pris fin, le Canada a injecté un financement majeur dans des activités de R&D pour le traitement en amont des minéraux critiques ainsi que pour la fabrication de précurseurs de batteries et de matériaux connexes à partir de sources primaires et secondaires de minéraux critiques. Le pays a également injecté des fonds dans la création d’un centre d’excellence canadien dédié aux minéraux critiques. Ces investissements contribueront à l’avancement des industries canadiennes des minéraux critiques.

Un effort collectif dans tout le pays et dans toutes les chaînes de valeur est nécessaire pour garantir la réussite. Plusieurs provinces canadiennes ont développé ou développent actuellement des plans ou des stratégies dédiés aux minéraux critiques. La plupart des collectivités publiques sont conscientes que les minéraux critiques sont indispensables pour une reprise écologique après la pandémie, et constituent le fondement d’une richesse durable. On assiste en outre à des investissements nécessaires dans une infrastructure fondamentale pour soutenir ces chaînes de valeur pour les minéraux critiques, par exemple l’investissement de 31 millions de dollars de la Saskatchewan pour construire un centre de traitement des terres rares afin de les transformer en ÉTR individuels très purs.

Nous ne sommes pas les seuls à saisir cette chance. Des alliés prennent exemple sur le Canada pour construire des chaînes de valeur prioritaires comme source d’approvisionnement responsable et sûre en minéraux critiques. En janvier 2020, le Canada et les États-Unis ont annoncé la mise en œuvre d’un plan d’action conjoint pour la collaboration dans le domaine des minéraux critiques mettant en avant notre intérêt commun à sécuriser nos chaînes logistiques. Conscient de ce potentiel, le partenariat international trilatéral (États-Unis/UE/Japon) pour les minéraux critiques a invité le Canada, aux côtés de l’Australie, à se joindre au partenariat.

Une autre facette émergente de l’espace des minéraux critiques concerne le développement de normes internationales. Les normes ISO sont depuis toujours considérées comme strictement techniques. Toutefois, on constate un regain d’intérêt pour les normes internationales sur les minéraux critiques. Le Canada est en tête du développement de plusieurs normes sur les minéraux critiques, notamment la norme de traçabilité pour les éléments des terres rares. Il est aussi un membre actif du nouveau groupe consultatif stratégique de l’ISO sur les minéraux critiques.

Le temps est venu d’exploiter les minéraux et les métaux du Canada pour promouvoir les industries nationales des minéraux critiques et construire des chaînes de valeur complètes et solides. Il faudra pour ce faire avoir recours à des approches circulaires afin d’accélérer la production et de réduire les émissions de carbone. En renforçant et en développant les écosystèmes des minéraux critiques, à l’échelle nationale et internationale, le Canada pourra profiter pleinement de l’opportunité qui se présente à elle.


Janice Zinck est directrice de la division Minéraux critiques et ressources stratégiques à Ressources naturelles Canada.

Traduit par Karen Rolland