Nutrien propose des séances de formation régulières pour ses équipes d’intervention d’urgence, qui couvrent les thèmes des premiers secours, des techniques de lutte contre l’incendie, des sauvetages en espaces confinés et autres. La société a récemment étendu sa formation à la santé mentale. Avec l’aimable autorisation de Nutrien

Les interventions en cas d’urgence lorsque des amis, de la famille et des collègues de travail sont impliqués peuvent avoir des incidences considérables sur la santé mentale. C’est ce que nous expliquait Katie Breeze, responsable principale de la santé et la sécurité à Nutrien, qui est bien consciente des conséquences néfastes que ces interventions ont sur ses collègues.

« Tout événement traumatique engendre une réaction émotionnelle forte qui a le potentiel de causer des dommages, et cette réaction est d’autant plus forte quand vous connaissez la personne [impliquée] », expliquait Mme Breeze dans un entretien qu’elle accordait à CIM Magazine. « Souvent, dans nos petites communautés, [nos collègues de travail] font partie de la famille ou sont des amis, nos enfants vont à l’école ensemble, les liens sont nombreux. L’incidence potentielle est plus sévère lorsque l’on connaît la personne, surtout lorsque l’on ne parvient pas au résultat escompté [dans un incident]. »

Nutrien, le plus grand producteur de potasse au monde basé à Saskatoon, employait 24 700 personnes dans le monde en 2023. L’année dernière, la société a organisé une formation sur la santé mentale pour ses équipes d’intervention d’urgence (ÉIU) à la mine de potasse de Cory, en Saskatchewan.

Trevor Hallborg, coordonnateur de la sécurité et des interventions d’urgence à Cory, supervise les cinq ÉIU en surface et les cinq équipes de sauvetage minier du site. Il a demandé à suivre cette formation après avoir été témoin de l’incidence sur les membres de son équipe des interventions à des appels impliquant des personnes qu’ils connaissaient, indiquait-il à CIM Magazine dans un entretien.

« Nous pouvons les aider à mieux se préparer, car la préparation les aidera à surmonter cette épreuve », ajoutait M. Hallborg.

Si les ÉIU suivent une formation physique et technique pour pouvoir intervenir en cas d’incident, Mme Breeze indiquait que la demande de M. Hallborg leur a fait prendre conscience de l’importante d’améliorer la préparation mentale des équipes appelées sur le lieu de l’incident.

« Lorsque je parle avec les membres de l’équipe de secours, ils me répondent souvent que c’est leur travail, qu’ils sont les premiers à aller sur les lieux pour aider, et qu’il ne faut pas s’inquiéter pour eux », expliquait Mme Breeze. « Mais notre travail à nous, c’est de nous occuper [d’eux]. »

Renforcer le programme

Lors de la création de la formation, Nutrien a collaboré avec des professionnels locaux de la santé mentale spécialisés dans la formation en matière de santé mentale sur le lieu de travail. M. Hallborg a fait équipe avec eux pour créer une formation en trois modules sur quatre heures, qui aide les équipes de premier secours à se préparer mentalement pour une urgence, explique les émotions et les sentiments qu’ils peuvent ressentir pendant une urgence et leur apprend à gérer ces sentiments après.

La formation est dispensée en personne par des facilitateurs, et les ÉIU travaillent sur des études de cas et la résolution de problèmes avec eux. « Nous avons mûrement réfléchi pour que [la formation] soit dispensée en présentiel, afin que [les employés] puissent poser des questions », expliquait Mme Breeze.

Nutrien offre régulièrement des sessions de formation à ses équipes d'intervention d'urgence, portant sur les premiers secours, les techniques de lutte contre l'incendie, le secours en espace confiné et autres, et a récemment étendu sa formation à la santé mentale. Avec l’aimable autorisation de Nutrien

L’une des idées au cœur de la formation est qu’il faut s’assurer que les personnes sont émotionnellement prêtes à intervenir dans une situation d’urgence. « Si quelque chose [vous touche], il n’est peut-être pas recommandé de vous exposer à une situation [potentiellement traumatisante] », expliquait-elle. « Lorsque l’on intervient dans une urgence physique, on veut aller aider la personne, sans pour autant se mettre en danger. »

La formation couvre aussi des outils permettant de gérer les émotions pendant une intervention et s’attarde sur l’importance de prendre en compte l’attention ainsi que la compartimentation, ou ce que Mme Breeze décrivait comme « ne pas laisser ces [émotions] surgir immédiatement et uniquement passer en mode d’action ». Le module de la formation concernant la phase suivant l’incident couvre la résilience psychologique, ainsi que des outils pour prendre soin de la santé mentale et du bien-être. Un questionnaire suivant l’incident concernant l’état mental des équipes de secours est également envoyé deux ou trois semaines après l’intervention dans le cadre d’un incident, ce qui suscite un suivi en matière de santé et de sécurité.

Après avoir finalisé le contenu de la formation, M. Hallborg et l’équipe ont invité les équipes de direction et responsables de la santé d’autres sites de potasse à participer à la formation. Ils l’ont plus tard présenté aux équipes de la haute direction et de la direction exécutive de la société. En 2023, 39 personnes au site de Cory, notamment des équipes de premier secours et de la direction, ont suivi la formation.

S’inscrire dans un programme plus large

Maintenant que la formation a été suivie par toutes les ÉIU à Cory, Nutrien cherche à dispenser la formation dans ses autres sites de mines de potasse. M. Hallborg a étroitement contribué au processus, qui impliquait d’envoyer des délégués de chaque site au siège de la société pour leur permettre de suivre la séance de formation et de partager leurs impressions.

« Après chaque module [de la formation], des retours étaient demandés afin que nous puissions modifier légèrement ceci, changer cela. Les impressions [de chacun] étaient vraiment précieuses pour nous aiguiller et adapter la formation à un spectre plus large des sites miniers », indiquait M. Hallborg.

D’autres employés constituent aussi de bons candidats pour la formation : d’après Mme Breeze, 16 des personnes formées en 2024 font partie du département des ressources humaines (RH) de Nutrien. « Nous voulions inclure les RH dans la formation, car c’est généralement ce département qui soutient les familles en cas d’incident. L’exposition est d’une autre nature : elles ne voient généralement pas l’événement, mais elles le vivent au travers du regard des familles. » D’après Mme Breeze, des discussions ont lieu sur le site de Cory concernant l’élargissement de la formation aux superviseurs de première ligne, étant donné qu’ils sont souvent les premiers à arriver sur place lors de l’incident.

Cette formation constitue la dernière initiative de Nutrien axée sur la santé mentale. « Généralement, lorsqu’on pense à la sécurité, on se concentre d’avantage sur l’aspect physique de la chose », indiquait Mme Breeze. « Il est pourtant [question de la] santé et du bien-être de nos employés dans leur globalité. Cela inclut autant la santé physique que mentale, nous les envisageons comme une seule et unique considération. »

Les employés de Nutrien ont déclaré que la nouvelle formation à la santé mentale de l'entreprise a renforcé la camaraderie au travail. Avec l’aimable autorisation de Nutrien

Il y a une dizaine d’années, Nutrien a créé un cours d’introduction à la santé mentale pour ses employés, qui permet de comprendre les enjeux de la santé mentale et enseigne l’importance des stratégies d’adaptation. D’après Mme Breeze, la société prévoit de dispenser la formation à tous les employés de ses sites d’exploitation de la potasse (soit plus de 3 000 personnes), et 85 % à 90 % l’ont déjà suivi. Nutrien dispose aussi d’un groupe de soutien par des pairs bénévoles, qui sont formés dans les premiers secours en matière de santé mentale et aident les employés souffrant de troubles de santé mentale à trouver les bonnes ressources.

M. Hallborg indiquait que la formation sur la santé mentale pour les ÉIU a été très bien reçu, et qu’il en voit les répercussions sur les équipes de premier secours. « Nous avons eu des incidents depuis le début de la formation, et elle a réellement modifié l’état d’esprit des équipes de premiers secours avant même qu’elles ne se rendent sur les lieux de l’incident », indiquait-il. « [Elles demandent] si tout le monde va bien, si tout le monde est prêt, dans quel état d’esprit les employés se trouvent. Après [un incident], les équipes prennent soin l’une de l’autre. Des jours, voire des semaines plus tard, elles prennent des nouvelles, il y a une certaine responsabilisation vis-à-vis de chacun pour s’assurer que tout le monde va bien. La communication après [un incident] est [désormais] très bonne, certains commentaires sont partagés. Selon moi, ils ne seraient même pas évoqués et mettraient mal à l’aise les personnes n’ayant pas suivi cette formation. »

Cody Johnson, superviseur des services intensifs de maintenance des mines et membre du sauvetage minier à Cory, indiquait que la formation lui a ouvert les yeux quant au fait que la santé mentale nous concerne toutes et tous. « [Pendant] cette formation, on comprend que notre perception d’une situation que traverse quelqu’un n’est pas toujours le reflet de la réalité », déclarait-il dans un entretien avec CIM Magazine. « L’aspect de la santé mentale a été une grande courbe d’apprentissage pour moi, une révélation qui m’a appris que l’on a toutes et tous besoin d’aide, d’une manière ou d’une autre. »

Ces changements ont aussi été répercutés au siège de la société. « Si quelque chose se produit, [nos sites] nous appellent et nous [demandent] de les informer de ce qui a trait à la santé mentale », expliquait Mme Breeze. « La culture évolue. Nous accordons de l’importance au fait que nos employés peuvent avoir besoin d’une aide supplémentaire. »

D’après M. Johnson, la formation fait une réelle différence au travail. « L’aspect camaraderie et familial de cette formation est [considérable]. Selon moi, cela découle en partie de la formation sur la santé mentale et du fait que tout le monde [est au courant]. Nous sommes toutes et tous à Cory pour la même raison, et nous faisons notre possible pour nous protéger l’un l’autre. L’impact sur notre site est évident. »

La section « Exploitation minière et santé mentale » sera offerte tout au long de l’année 2024, et mettra de l’avant les gens, les programmes et les initiatives faisant de la santé mentale des travailleurs miniers une priorité. Chaque article examinera des manières d’améliorer la santé mentale des
travailleurs, un élément clé d’un milieu de travail sécuritaire et productif. Si vous avez une idée d’article, n’hésitez pas à adresser un courriel à editor@cim.org.

Traduit par Karen Rolland