Avec l’aimable autorisation de Mauro Chiesa

De nos jours, les sociétés minières doivent aborder la question du capital différemment, car les marchés financiers ont changé. La haute technologie a remplacé l’exploitation minière et est devenue la coqueluche de ces marchés, avec une capitalisation boursière de 4 milliards de dollars américains consacrés uniquement à Facebook, Alphabet, Amazon, Microsoft et Apple. Nombre de fonds d’actions n’ont plus besoin de conserver l’exploitation minière dans leurs portefeuilles, ce qui explique probablement les rapports cours ‑ flux de trésorerie relativement faibles, de six à huit fois pour les métaux communs (rapport de 20 à 50 fois pour la technologie logicielle), soit un rendement de 12 à 16 %. Ainsi, avant de commercialiser votre projet, prenez bien note de certains points.

Les opérations de vente-achat sont souvent des fiascos : de nombreuses sociétés investissent le marché avec le simple désir d’obtenir une proposition d’investissement qu’ils pourront présenter aux spécialistes du capital-risque afin de leur prouver leur sérieux concernant un projet, dans la seule intention de vendre la propriété à profit à un acheteur. Cependant, les banquiers ont besoin d’argent et connaissent très bien ce genre de scénario pour s’enrichir rapidement. Mieux vaut arriver à la table des négociations avec un objectif relatif aux actifs opérationnels, qui laisse ouverte l’option de l’opération de vente-achat. Si votre stratégie repose uniquement sur une opération de vente-achat, vous n’êtes qu’un visage anonyme dans la foule et vous aurez du mal à trouver des propositions d’investissement auprès des financeurs.

Le leadership est roi : si vous souhaitez construire et exploiter la mine, assurez-vous de l’expertise de votre conseil d’administration et de l’équipe de direction. Avec des personnes qualifiées, vous prouvez à vos financeurs que votre projet est sérieux.

Vos locaux ne sont pas le reflet de votre société : la location de bureaux ou locaux au centre-ville de Toronto, de Montréal ou de Vancouver est désormais extrêmement onéreuse. Si les financeurs peuvent s’intéresser à votre projet, ils ne sont pas pour autant prêts à financer des locaux tape-à-l’œil. Envisagez plutôt un site industriel près d’un aéroport, au loyer plus abordable et qui offre à vos financeurs un accès facile. N’ayez crainte, les fonds d’actions ont financé nombre d’entreprises en démarrage aujourd’hui prospères qui ont vu le jour dans la cave de la maison familiale.

Ne confondez pas rente et société à fort potentiel de croissance : un projet minier constitue, de fait, une rente de 10, 15 ou 25 ans sur la durée de vie de la mine, et est considéré comme tel. Commencez donc par chercher des capitaux d’emprunt, car le coût est déductible, plutôt que des capitaux propres qui requièrent « une croissance et des dividendes ». Ne comparez pas non plus un nouveau projet minier à des moyennes industrielles d’entreprises en exploitation ayant plus de 40 années de réserves et/ou de ressources. Bien entendu, la durée de cette rente dépend des prix des métaux qui règnent et qui sont sujets à variation ; ainsi, soyez prêt(e) à débattre des réductions de coût, d’opérations de couverture à terme et de forage intercalaire, des solutions qui peuvent offrir une croissance à moyen terme pendant la construction de la mine. Et rappelez-vous, les investisseurs veulent désormais des dividendes régulièrement, ce qui pourrait se révéler incompatible avec les besoins de réinvestissement dans votre mine au fil du temps. Si votre société a réellement un avenir au-delà de la durée de la rente, concentrez-vous sur les endroits où le corps minéralisé peut offrir un avantage et permet la validation par des tiers.

Définissez des objectifs stratégiques : vous employez sans doute des personnes n’ayant jamais travaillé ensemble, aussi ne prétendez pas que votre équipe maîtrise parfaitement toutes les courbes d’apprentissage. Nombre d’études de faisabilité ne permettront pas de différencier une nouvelle petite société minière d’une société chevronnée de l’industrie bénéficiant d’une plus grande expérience. Anticipez les problèmes de budget avant le commencement du projet et facilitez le processus de mise en service (tout en respectant votre calendrier).

Soyez honnête quant aux risques : l’étude de faisabilité de votre projet doit être claire, concise, d’actualité, complète et cohérente. Par ailleurs, elle doit refléter un cas de figure présentant le minimum de risques. Souvent, les études de faisabilité se concentrent principalement sur l’optimisation de la valeur actualisée nette et non pas sur la réduction des risques politiques tels que l’alimentation d’un village ou d’une petite ville récemment victime d’une panne d’électricité. Si le projet est prévu dans une économie émergente, soyez bien informé(e) de la gestion des risques politiques. 


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Ne sous-estimez pas la valeur de l’indépendance : soyez assuré(e) que tous les conseillers tiers indépendants chargés de la vérification sont payés à l’avance (et non pas avec des options ou des actions) avant que vous ne rencontriez des investisseurs potentiels. À défaut, votre crédibilité sera perdue.

La découverte de nouveaux gisements aurifères ou cuprifères a considérablement ralenti ces dernières années, aussi le besoin de financer l’exploration est imminent. Il est cependant encore difficile de trouver des capitaux pour l’exploitation minière, car d’autres projets tels que la haute technologie comportent beaucoup moins de risques. En outre, les fonds d’investissement sont désormais mis à rude épreuve au vu du nombre grandissant de retraités. Ils aspirent aux rendements et aux dividendes, et non pas à une perte sèche.


Mauro Chiesa a à son actif plus de 39 ans d’expérience en matière de financement et de services-conseils dans le domaine des projets d’extraction et d’infrastructures. Il a notamment travaillé avec des banques multinationales à New York, avec le groupe de la Banque mondiale et chez Exportation et développement Canada (EDC).

Traduit par Karen Rolland