Lee Ann Malley, sPlanificatrice environnementaliste principale Stantec Baccalauréat ès sciences avec spécialisation en sylviculture (B.Sc. sylviculture) Faculté de la gestion des ressources naturelles, université de Lakehead.

Quel est l’événement le plus mémorable de votre carrière ?
Dans les Territoires du Nord-Ouest, le cadre réglementaire souffrait d’un vide juridique en matière de qualité et de gestion de l’air. Il y a environ deux ans, j’ai pris fait et cause pour le projet de rédaction de l’Ambient Air Quality Monitoring Guideline (la ligne directrice sur la surveillance de la qualité de l’air ambiant), qui s’adressait aux exploitants miniers. Au fil des ans, les réglementations en matière de qualité de l’air rencontraient des difficultés. Cette ligne directrice constituait un pas en avant pour combler cette lacune, présentant de manière claire les attentes aussi bien à l’industrie qu’au gouvernement.

Durant sa carrière, Lee Ann Malley est devenue une experte en matière de gestion de l’environnement dans divers secteurs, notamment la sylviculture, l’exploitation minière, le conseil et le service public. Son travail dans le secteur minier l’a amené jusqu’à la toundra des Territoires du Nord-Ouest, aux basses-terres de la baie James et bien des lieux entre les deux. Outre la gestion de l’environnement, elle est devenue une fervente défenseure de la culture de la neuroinclusion et de la sécurité sur le lieu de travail.

Mme Malley a grandi à Red Rock, en Ontario, et a toujours eu un vif intérêt pour l’environnement. « J’ai eu la liberté d’explorer et de pratiquer de nombreuses activités de plein air. L’économie des ressources était aussi juste devant ma porte. De fait, la ville dans laquelle j’ai grandi abritait une usine de pâtes et papiers », déclarait-elle à l’équipe du CIM Magazine. « Un souvenir me revient de mes premières années à l’école, où j’avais dû partager le plus long mot que je connaissais à l’époque. Ma réponse avait été environnement. En y repensant, cela laissait présager de ma future carrière. »

Après avoir obtenu son diplôme, Mme Malley a commencé sa carrière au sein du ministère des ressources naturelles de l’Ontario, à la baie Thunder. « La récession avait de fortes répercussions sur l’industrie forestière du nord de l’Ontario à cette époque », indiquait-elle. « Je voulais diversifier mes compétences, et c’est ainsi que je me suis orientée vers une carrière dans l’environnement avec De Beers Canada en 2013. Je faisais partie d’un programme de formation qui offrait une occasion unique de découvrir toutes les facettes de ce secteur, tout en m’investissant dans ma discipline de prédilection. »

L’un des points forts de sa carrière a mené Mme Malley à lancer et à diriger un programme de collecte de semences indigènes pour soutenir l’assainissement de la mine de Victor de la société en 2014. « En concevant ce premier programme, j’ai établi des cibles élevées pour créer un registre de la biodiversité et fixé des objectifs ambitieux de participation des Autochtones, des démarches volontaires que la société appuyait. Cette démarche a en partie permis de distinguer la mine des cas de figure classiques de fermeture », expliquait-elle. Jusqu’en 2014, la mine avait de vastes engagements en matière de revégétalisation des plantes indigènes et menait des recherches. La concrétisation de ces engagements était toutefois une autre affaire.

Au cours de l’année durant laquelle elle a travaillé sur ce projet, plus de 60 espèces ont été collectées, plus de 10 jeunes autochtones travaillaient (certains hors du site), un enseignement scientifique était proposé et aucun incident lié à la sécurité n’a été enregistré.

« Le programme était mené et a été développé par d’autres au fil des ans, mais les valeurs que j’ai définies sont restées, et sont devenues imbriquées dans l’histoire et le patrimoine de la fermeture de la mine », indiquait-elle. « Je reviens souvent sur ce projet, car j’ai beaucoup appris et j’ai vu les avantages qui découlent de programmes intentionnels fondés sur la valeur. »

En 2017, Mme Malley a rejoint le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en tant qu’analyste de l’évaluation environnementale (ÉE). Elle est plus tard devenue directrice de cette unité. Les projets miniers étaient au cœur de son poste, qui touchait toutefois à d’autres types de développements.

« Les forestiers sont formés en gestion des ressources pluridisciplinaires, une compétence aisément transférable au secteur minier », indiquait-elle. « La planification de la gestion des forêts implique aussi de nombreux processus de réflexion, qui s’alignent avec l’aménagement des mines. Par exemple, les deux industries appliquent des techniques de quantification et le séquençage des ressources pour l’extraction, tout en tenant compte de la gestion de l’environnement, de l’engagement, des facteurs économiques et des contraintes. L’autre force évidente émanant d’une formation en environnement concerne la végétation et l’assainissement. »

Elle faisait remarquer que, tout comme le secteur minier, la sylviculture a provoqué une opposition publique. « L’importance de la participation du public et le renforcement du consentement me sont toujours apparus comme indissociables du succès », déclarait-elle. « Globalement, je pense que mon diplôme m’a donné de bonnes perspectives à partager dans l’exploitation minière et dans d’autres développements des ressources. »

En 2022, Mme Malley a accepté un poste à Stantec, et est repartie à la baie Thunder. En tant que planificatrice environnementaliste principale, elle soutient les clients de Stantec et la livraison de projets liés à l’ÉE et aux solutions d’obtention de permis. Ceci peut inclure l’analyse pour des feuilles de route réglementaires, l’analyse de l’écart, les descriptions de projets, la préparation de demandes de permis et de documents connexes ainsi que la rédaction de chapitres sur l’ÉE, ou encore la coordination d’une soumission globale d’une ÉE.

« Je ne travaille pas nécessairement pour des clients du secteur minier chaque jour, mais on trouve aussi dans d’autres secteurs des solutions d’obtention de permis pour une infrastructure auxiliaire dans une mine », expliquait-elle. « Nous conseillons souvent nos clients sur des approbations de projets et sur la manière de procéder afin de soutenir les autorités réglementaires dans leur prise de décisions. »

Stantec a des coordinateurs préposés à la sécurité et l’environnement dans chaque bureau, qui assistent les équipes de direction dans les programmes dédiés à la santé, la sécurité et l’environnement (SSE). Au bureau de la baie Thunder, c’est Mme Malley qui occupe ce rôle en plus de sa fonction première en tant que planificatrice environnementaliste. Elle offre une formation en SSE aux nouveaux membres du personnel, tient lieu de ressource locale pour aider à comprendre les questions de sécurité liées à la planification de terrain. Elle participe également à un comité conjoint sur la santé et la sécurité.

« Si l’on n’est pas intentionnels en termes de sécurité, on peut assister à l’apparition d’une certaine suffisance et d’incidents », indiquait-elle. « Cela me permet aussi d’être une meilleure directrice de projet, car nous sommes responsables de la sécurité des autres sur le terrain. Ce poste m’a permis de comprendre le cadre de sécurité de Stantec plus rapidement que je ne l’aurais pu autrement. »

Inclure la neurodiversité

Mme Malley préside également le groupe canadien de ressources pour les employés (GRE) de Stantec pour la neurodiversité, qu’elle a cofondé avec un autre collègue en décembre 2022. Avant ce lancement, des groupes similaires avaient été créés dans les bureaux de la société au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

« Lors de ma première semaine à Stantec, j’ai découvert un texte sur la neurodiversité sur une page de l’intranet », se rappelait-elle. « Alors que j’étais enfant, on a diagnostiqué chez moi un TDAH [trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité]. Les premières évaluations ont identifié d’autres différences cognitives. Malheureusement, les problèmes et les obstacles rencontrés par la communauté de personnes neurodivergentes peuvent être considérables, et c’est la première fois dans ma carrière que cette conversation était évoquée. »

Le GRE propose des initiatives et des activités à tous les employés canadiens, dans l’optique d’offrir des possibilités d’enseignement, de soutien et de plaidoyer. « Nous organisons des événements en ligne et des tables rondes, accueillons des conférenciers et mettons en place un programme de soutien aux pairs », ajoutait-elle. « Essentiellement, nous approfondissons la discussion sur la neuroinclusion. »

D’après elle, le groupe a reçu une réponse très positive et les événements ont affiché un taux de participation élevé. « Lorsque l’on dirige en gardant à l’esprit la neuroinclusion, c’est l’intégralité de la main-d’œuvre qui en profite », faisait-elle remarquer. « La neurodiversité en tant que paradigme reconnaît et valorise la variation neurologique dans toute la population. Elle valorise tous les esprits. Nous vivons dans une économie de la connaissance, et notre travail est majoritairement intellectuel. En valorisant la diversité neurologique, et son expression sur le lieu de travail, toutes les organisations gagnent en force et en profondeur. »

Elle expliquait que les personnes neurodivergentes indiquaient souvent ne pas être comprises. Ce genre de GRE peut éliminer les stigmates associés à cette condition, encourager un sentiment d’acceptation et d’appartenance et permettre de partager des expériences. « Il existe un soutien et une sensibilisation chez les enfants neurodivergents au sein du système d’éducation, mais ce soutien ne se poursuit pas nécessairement dans la vie professionnelle », déplorait-elle. « Des groupes comme celui-ci peuvent aider à combler les lacunes. »

Mme Malley expliquait que l’un des domaines avec lesquels les personnes atteintes de TDAH ou d’autres formes de neurodivergence sont aux prises concerne la sensibilité à la justice (autrement dit, le fait de percevoir l’injustice et les actes répréhensibles dans le monde plus fréquemment, et de les ressentir de manière plus marquée que les personnes neurotypiques). Nombre des initiatives dont elle parlait concernant ce profil sont celles revêtant des valeurs sociales. « Mon expérience me montre qu’il y a aussi des inconvénients à être sensible à la justice. Ce n’est pas toujours bien compris en surface », ajoutait-elle. « Je pense que les personnes ayant une sensibilité à la justice font d’excellents responsables et dirigeants, car elles sont naturellement à l’écoute, ce qui leur permet d’identifier et de s’efforcer de corriger de manière sensée une situation donnée. Cela contribue à l’amélioration du lieu de travail. Il reste encore beaucoup à faire pour mieux comprendre le sujet de la neurodivergence au travail et les qualités inhérentes en matière de leadership qu’amènent les personnes neurodivergentes. »

Pour l’avenir, Mme Malley faisait remarquer que les solutions énergétiques pour le changement climatique et l’exploitation minière représentent une difficulté majeure pour l’industrie. Les projets seront de plus en plus passés à la loupe du point de vue climatique. « Je chercherai des possibilités de renforcer les compétences autour des solutions énergétiques et climatiques liées au développement des ressources, ainsi que des manières d’innover en termes de renforcement du consentement et de l’équité des projets autochtones », indiquait-elle. « Ces deux domaines sont importants pour les développements miniers, aujourd’hui et à l’avenir. J’aimerais travailler avec un client ou sur un projet qui me permet de m’étendre dans cette direction. Le paysage des attentes dans l’industrie minière change rapidement. »

Son projet rêvé serait de mener des travaux pour un client dans la région du Cercle de feu, en Ontario. « Ce développement est un projet emblématique de reconstruction d’une nation, et va jouer un rôle majeur dans la transition énergétique et sociétale », concluait-elle.

Traduit par Karen Rolland