Photo : avec l’aimable autorisation de Dan Kappes
Un nombre croissant d’études de faisabilité présentent des chiffres qui ne peuvent en aucun cas être comparés à la réalité. Ce problème n’est, bien entendu, pas nouveau. Len Harris et Plato Malozemoff, des figures de proue très respectées de l’équipe de direction de Newmont, ont rédigé des articles dans les années 1980 qui indiquaient qu’en pratique, les coûts d’investissement et d’exploitation dans les études de faisabilité ne pouvaient jamais être atteints. Pendant un temps, au début des années 1990, le problème semblait s’être arrangé, mais il est réapparu récemment. Nous sommes bien conscients que cela ne présage rien de bon.
Pourquoi cela se produit-il ? Les financiers incitent les entreprises à déclarer un maximum d’onces dans un gisement. Toutefois, pour ce faire, la teneur du minerai doit souvent être réduite à des niveaux submarginaux. Quelle préparation préconise-t-on pour une bonne étude de faisabilité ? Afin d’obtenir un financement, les personnes préparant l’étude doivent réduire les dépenses d’investissement et les frais de fonctionnement afin que le projet affiche un taux de rentabilité interne intéressant.
Les personnes qui mènent les études techniques et de faisabilité sont prêtes à expliquer la raison pour laquelle les objectifs de l’étude ne sont pas atteints. Bien entendu, ils accuseront la médiocrité de la gestion sur le terrain. Ceci peut durer longtemps, suffisamment pour que les financiers récoltent les fruits de leurs investissements, et assez pour que tous les autres aient oublié les détails de cette étude obsolète. Le problème se nourrit de lui-même.
Nos ingénieurs à Kappes, Cassiday & Associates reçoivent de nombreuses réactions négatives de la part des directeurs de projets qui accusent nos études d’avoir un coût trop élevé. Toutefois, ils comparent nos coûts à ceux d’autres études, et non aux coûts réalisés véritables. Se pourrait-il que l’industrie canadienne de réglementation ait évolué à tel point qu’elle accorde plus de valeur à la cohérence qu’à la réalité ? Et si tel est le cas, doit-on faire quelque chose à ce propos ?
L’un des facteurs dont il faut tenir compte est que la réserve d’investisseurs pourrait être plus vaste si ces derniers percevaient les données présentées comme réalistes. Un autre point qu’il faut prendre en considération est que les petites sociétés minières pourraient générer des flux nets de trésorerie considérables, ou du moins prévisibles, s’ils recevaient des directives réalistes pendant les étapes de l’étude. De nombreuses petites sociétés minières sont un peu démoralisées par le fait que plus personne ne semble les prendre au sérieux.
Après le scandale de Bre-X, les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières ont mis en œuvre le cadre de la norme 43-101 (NI 43-101), soi-disant pour encourager l’honnêteté dans le secteur. De fait, cette norme a eu un succès retentissant du côté de la géologie et a permis de s’assurer que les ressources se trouvent véritablement là où elles sont supposées être. Mais au-delà de cela, cette norme semble être un échec.
Pour résoudre une partie du problème, une idée serait d’ajouter une section numérotée au format de l’étude NI 43-101 intitulée « Informations comparables sur les coûts d’investissement et d’exploitation ». Dans cette première étape, les organismes de réglementation des valeurs mobilières rendront obligatoire pour les sociétés cotées à la Bourse de publier sur le SEDAR les détails de leurs coûts annuels nécessaires au maintien de la production (AISC, de l’anglais all-in sustaining costs) pour chaque exploitation. Cette étape devrait être obligatoire pour toutes les exploitations qui sont cotées en Bourse depuis au moins deux ans. Comme l’indique l’AISC, ces coûts doivent inclure l’intégralité des postes de dépenses. Puis, dans la section « Informations comparables » du nouveau rapport NI 43-101, l’auteur ou l’autrice principale de l’étude doit comparer les coûts annoncés dans le rapport avec au moins deux autres exploitations sélectionnées dans la base de données de SEDAR et justifier toute variation dans la partie basse de la fourchette.
Étant donné qu’aucune exploitation ne se ressemble exactement, la mise en œuvre de l’idée susmentionnée n’aboutira pas toujours à des conclusions évidentes ou « claires ». Mais le processus de comparaison ajoutera un niveau de confiance à chaque étude, ce qui incitera davantage la communauté de l’investissement à débloquer un financement.
Dan Kappes a plus de 50 ans d’expérience dans le génie minier et métallurgique. Il est le fondateur et le président de Kappes, Cassiday & Associates (KCA).
Cet article a été publié pour la première fois dans l’édition de janvier 2024 de Golden Opportunities, un bulletin d’information de la section des minéralugistes du Nevada de la Society for Mining, Metallurgy & Exploration (SME, la société des mines, de la métallurgie et de l’exploration).
Traduit par Karen Rolland