Depuis 30 ans, Dick McIvor travaille pour INCO Limited (qui fait maintenant partie de Vale) à Sudbury, en Ontario. En 2000, il a lancé sa propre entreprise d’ingénierie, McIvor Engineering and Maintenance Services Inc., qui propose des services d’ingénierie, de formation et d’entretien pour répondre aux besoins du secteur minier.
M. McIvor est le président de Hoist and Haul 2023, une conférence internationale sur le levage et le transport minier organisée et animée par l’ICM, qui aura lieu du 13 au 16 août à Montréal, au Québec. Sous la direction d’un conférencier principal, plus de 30 articles évalués par des pairs seront présentés durant trois jours de sessions techniques sur des thèmes tels que la maximisation des performances de la mine, les alternatives au levage traditionnel et les solutions du XXIesiècle.
L’ICM : Pourquoi le levage est-il une partie si importante de l’industrie minière ?
M. McIvor : Aujourd’hui, un projet souterrain entièrement nouveau coûte environ un milliard de dollars. L’équipement nécessaire pour une installation entièrement neuve et complète de levage dans une mine, qui comprend la conception, la construction, l’installation et les essais, représente environ 7 à 8 % des coûts d’investissement de ce projet, ce qui n’est pas énorme.
Malheureusement, certaines personnes soucieuses de leur budget essaient de rogner sur les coûts de cette installation. Toutefois, il ne s’agit pas d’économiser sur les coûts d’investissement de cet élément. Il faut tenir compte des coûts d’exploitation et des temps d’immobilisation qui, pour l’installation de levage d’une mine, sont maintenant de l’ordre de 125 000 à 150 000 dollars par heure. Si les bonnes décisions donnent de bons résultats, prendre une mauvaise décision peut considérablement augmenter les coûts d’exploitation d’une mine. Il faudra investir dans une installation de levage offrant le meilleur rapport qualité/prix, à savoir la sécurité la plus élevée, ainsi que le moins d’entretien et la plus grande fiabilité possible. Ce sont ces critères-ci, et non pas le prix d’achat, qui sont importants.
L’ICM : Quels sont les principaux problèmes qui seront abordés lors de la conférence Hoist and Haul 2023 ?
M. McIvor : Hoist and Haul 2023 est la neuvième conférence internationale sur le levage. Elle a déjà eu lieu au Canada en 1988, à Toronto.
Elle portera principalement sur les installations de levage dans une mine, notamment leur conception, leur construction, les essais et l’exploitation. Tous les articles présentés sont évalués par des pairs et seront publiés.
Notre conférencier principal, Roy Slack de Cementation Americas, parlera du sauvetage des 33 mineurs piégés en 2010 à la mine de San José, au Chili. Cet incident aurait pu se conclure par une tragédie, mais le sauvetage a été un succès. Beaucoup d’ingénieurs et d’exploitants miniers y ont participé. Le temps était compté, car les mineurs se sont retrouvés piégés pendant plus de deux mois. Ce n’est pas un accident de levage, mais une chute de matériel dans l’accès principal qui a causé le problème. Toutefois, c’est grâce au levage que les mineurs ont pu sortir en toute sécurité. Lors de l’inauguration de la conférence, M. Slack reviendra sur cet incident qui, une fois de plus, nous rappelle à quel point la sécurité est importante.
La technologie sera un autre grand thème abordé lors de la conférence. Par exemple, une présentation portera sur les mécanismes de sécurité sur des guides en acier, un développement récent de FLSmidth. Le problème avec les guides des puits en bois pour la cage d’extraction, qui servent à transporter du personnel, est que l’on ne peut pas obtenir de bois de bonne qualité comme c’était le cas auparavant pour beaucoup de nouvelles mines, car tous les bons arbres ont été abattus. Le bois est extrêmement sensible à l’humidité et, à mesure qu’il sèche, ses propriétés changent.
Au Canada, et dans certaines autres régions, une législation stipule que, si une seule corde supporte la charge sur les dispositifs de transport pour puits utilisés pour le personnel dans les puits de mine, il faut disposer d’un mécanisme de sécurité, également connu sous le nom de « parachute » ou « arrête-cuffat ». Le Canada est l’une des rares régions où les puits doivent subir des essais rigoureux dans des conditions dynamiques, également appelés « essais en chute libre », avant d’être utilisés pour le transport de personnes. J’ai probablement effectué plus [d’essais de ce genre] que quiconque dans le monde au cours des 49 dernières années, car les parachutes ne sont pas en vigueur dans de nombreuses régions en dehors du Canada et des États-Unis. Si l’humidité du bois est faible, il peut se fendre ou se briser. Si elle descend en dessous de 17 %, le bois pourrait ne pas être retenu pour l’essai. Ainsi, une construction en acier permettra de se débarrasser du bois dans le puits et constituera une amélioration majeure.
L’ICM : Qu’espérez-vous retirer de la conférence Hoist and Haul cette année ?
M. McIvor : Le transfert de connaissances est extrêmement important, tout comme l’information du public quant à la manière de procéder en toute sécurité. L’un des grands avantages de ces conférences Hoist and Haul est que nous pouvons informer les participants quant aux technologies les plus récentes et aux expériences d’autres personnes. C’est une sorte de formation pour les personnes novices dans ce domaine.
L’industrie minière ne représente qu’environ 2 % de la main-d’œuvre canadienne, ce qui est peu. Lorsqu’on se limite aux entités impliquées dans l’installation du levage dans la mine, telles que les préposés à l’exploitation, à l’ingénierie et à l’entretien, ce pourcentage est encore inférieur. Ces conférences Hoist and Haul ressemblent presque à des réunions de famille, car la plupart d’entre nous se connaissent depuis des années. Toute nouvelle personne qui arrive est présentée et accueillie.
La participation à la conférence permet de rencontrer d’autres personnes de l’industrie, d’obtenir des contacts et de tirer des enseignements de ces personnes, ce qui permet d’éviter de commettre les mêmes erreurs qu’elles. J’aimerais que tout le monde retienne quelque chose de nouveau, ou rencontre quelqu’un qui leur a permis de résoudre un problème avec lequel ils ou elles étaient aux prises. Cela est valable pour toutes les conférences, peu importe qu’il s’agisse de la conférence Hoist and Haul ou du congrès annuel de l’ICM, qui a eu lieu en mai dernier. L’objectif principal est l’échange d’informations et les éclaircissements. Et bien sûr, boire une bière en bonne compagnie.
L’ICM : Quelles évolutions avez-vous constatées dans le levage au cours de votre carrière ?
M. McIvor : Le changement le plus important que j’ai observé concerne l’introduction des ordinateurs. Ils ont entraîné une différence importante dans le fonctionnement de l’installation du levage dans la mine. Je dirais que presque aucun ne fonctionne maintenant sans une sorte de système de commande informatique. Auparavant, je faisais des choses [manuellement] qui se font maintenant sur un clavier en quelques secondes.
Les changements physiques sur un système de commande sont aussi notables. Avant, le travail de câblage était un gros travail. Ceci a complètement changé lorsque les automates programmables (PLC, de l’anglais programmable logic controllers) sont apparus et que l’on a pu faire les choses efficacement. Tout le concept a été modifié, et les limitations physiques supprimées.
Bien sûr, l’autre grand changement, lié aux ordinateurs, concerne les moteurs des appareils de levage et les mécanismes de levage qui sont passés du courant continu (DC, de l’anglais direct current) au courant alternatif (AC, de l’anglais alternating current). Dans le passé, les moteurs à courant alternatif étaient principalement commandés par un rotor à enroulement bobiné et n’étaient pas faciles à utiliser, car leur vitesse variait avec la charge. De bons opérateurs de treuil pouvaient les faire fonctionner. C’était une époque où un opérateur humain d’appareil de levage semblait presque avoir trois mains sur lui pour faire les choses. Ces 20 dernières années, la plupart des appareils de levage sont entraînés par des moteurs à courant continu.
Auparavant, le courant continu était obtenu à partir d’un groupe électrogène convertissant le courant alternatif entrant en courant continu sortant. Un très gros moteur synchrone puisait l’électricité dans la ligne électrique et faisait tourner les générateurs. La commande sur le champ des générateurs était ce qui contrôlait l’appareil de levage et les moteurs à courant continu. Tous ces composants avaient des balais de charbon. La poussière de charbon étant très conductrice, se posait également le problème de la propreté. Rien que pour cela, le passage à la climatisation a probablement supprimé des heures d’entretien par semaine.
Cependant, l’avènement des variateurs de fréquence au début des années 2000 a largement facilité la commande des machines à courant alternatif, et leur rendement est désormais supérieur. L’ancien courant alternatif utilisait essentiellement une résistance dans une armature de moteur à rotor à enroulement bobiné. La perte de cette résistance devait passer par une banque de résistance et cela générait de la chaleur. Dans le nord de l’Ontario, ce système était parfait pour créer de la chaleur et de l’humidité en hiver. En été toutefois, il fallait ouvrir toutes les portes et les fenêtres pour se débarrasser de cette chaleur, ce qui constituait un gaspillage considérable d’énergie. De nos jours, les machines à courant alternatif sont très efficaces en termes de puissance.
Tout se résume à la technologie informatique et à la capacité à faire de nombreux calculs rapidement. Le variateur de fréquences peut désormais effectuer la commutation car il prend l’alimentation d’un système de courant alternatif, la convertit en courant continu puis, à l’aide d’un système à circuits intégrés, la reconvertit en courant alternatif à la fréquence souhaitée.
L’autre grande amélioration est que la maintenance du courant alternatif est beaucoup plus facile maintenant, et la conversion en courant alternatif est, de fait, devenue moins chère que les anciennes machines à courant continu. En réalité, une seule entreprise au monde est aujourd’hui capable de construire de gros moteurs à courant continu pour les installations de levage dans les mines, mais elle ne reçoit pas beaucoup de commandes.
L’ICM : Selon vous, quel est l’avenir du levage ?
M. McIvor : La technologie des câbles est une partie importante du levage, et les fabricants de câbles ont développé de bien meilleures méthodes de fabrication de fil d’acier. Une autre chose qui se profile à l’horizon, même si nous avons encore du chemin à parcourir, concerne l’utilisation de fibres synthétiques pour la corde. J’ai récemment participé à un projet de recherche sur une corde synthétique pure. Nous avons effectué des essais pilotes, mais il s’agissait de recherche pure. Un tout autre critère de conception est nécessaire. Il ne s’agit pas d’un simple changement de pièces où l’on se contente de retirer le câble en acier et de le remplacer par un câble synthétique.
Il existe également des modèles de cordes hybrides en cours d’essai en ce moment, et elles présentent un fort potentiel. Les cordes hybrides ont une âme synthétique porteuse et un câblage externe en acier. Des problèmes apparaissent avec la différence de module d’élasticité entre les deux matériaux. Ils doivent être équilibrés dans la charge opérationnelle, mais c’est une étape en cours de développement. Trois ou quatre grands fabricants travaillent au développement de cordes hybrides.
L’avantage des cordes hybrides ou synthétiques est qu’elles peuvent nous aider à descendre plus profond en un seul mouvement. Lorsque l’on descend verticalement dans une mine, la distance que l’on peut parcourir avec les cordes actuelles est limitée. Dans nombre de mines à l’heure actuelle, le minerai n’est plus accessible facilement, et il faut creuser plus profond. C’est donc un domaine de recherche important.
Traduit par Karen Rolland