Martín Vizcarra, le nouveau président péruvien. Avec l'aimable autorisation de Ministerio de Defensa del Perú
Les personnes qui ont assisté au congrès de la Prospectors and Developers Association of Canada (PDAC, l'association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs) en mars dernier n'auront sans doute pas remarqué dans la foule celui qui allait devenir le président du Pérou ; on peut difficilement le leur reprocher. Trois mois auparavant, la plupart des Péruviens et des Péruviennes ignoraient eux‑mêmes jusqu'à son nom. Selon un sondage réalisé en mars dernier, Martin Vizcarra, alors ambassadeur du Pérou au Canada et ancien gouverneur d'une petite région péruvienne, était inconnu de 81 % de ses compatriotes.
Ingénieur de formation, M. Vizcarra a longtemps manifesté son soutien à l'industrie minière ; il veut désormais mettre en avant son rôle social.
« Nous prouverons aux investisseurs du monde entier que nous pouvons créer une exploitation minière responsable sur les plans social et environnemental au Pérou », écrivait-il dans un tweet publié en février, alors qu'il se préparait à assister au congrès de la PDAC.
À l'époque, M. Vizcarra était vice-président, poste purement symbolique au Pérou, et ambassadeur. Le 23 mars, deux semaines après le congrès de la PDAC, il remplaçait le président sortant, Pablo Kuczynski, contraint de démissionner suite à une affaire de corruption. Sa promesse de mettre fin à la corruption ambiante a quelque peu rassuré les investisseurs, ébranlés par l'affaire Kuczynski. La valeur du sol, la monnaie péruvienne, avait fortement chuté pendant le chaos provoqué par le scandale politique, mais elle remonte lentement la pente depuis l'avènement de M. Vizcarra à la présidence.
L'exploitation minière représente 10 % du produit national brut (PNB) et 60 % des exportations du Pérou. De plus, des projets miniers de plusieurs milliards de dollars attendent encore les approbations réglementaires d'usage. Le projet de mine Conga de Newmont, suspendu depuis plusieurs années, et celui de Southern Copper à Tia Maria sont soumis à d'innombrables fardeaux administratifs et contestations judiciaires. Les manifestations à proximité des sites d'exploitation et d'exploration minières dégénèrent souvent en affrontements violents. Les manifestants évoquent notamment leur crainte d'une contamination des eaux et les nuisances sonores inhérentes à ces sites.
Les groupes locaux et environnementaux opposés à l'exploration minière exigent du nouveau président qu'il s'en tienne à sa politique de durabilité au sein du gouvernement péruvien.
Selon l'agence Reuters, M. Vizcarra aurait annulé en mai des contrats d'exploitation pétrolière conclus avec la société britannique Tullow Oil après que les populations côtières aient manifesté leur inquiétude quant aux répercussions de ces activités sur l'environnement. Ces contrats avaient été approuvés par l'ancien président Kuczynski quelques heures avant sa démission. Le nouveau président a dénoncé les projets miniers illégaux et s'est engagé à mettre un terme aux activités des exploitants sans permis. En avril, il a également mis en place un cadre juridique de lutte contre le changement climatique au Pérou, en faisant ainsi le premier pays d'Amérique du Sud à adhérer aux directives des accords de Paris sur le climat de 2015 quant aux engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de financement de l'atténuation des conséquences du changement climatique et de l'adaptation à ces changements.
Ceci étant dit, M. Vizcarra devra essuyer les critiques d'un congrès dominé par l'opposition, ainsi que de groupes non gouvernementaux qui dénoncent l'appui qu'il a longtemps apporté à l'ancien président. Début juin, son ministre des finances a démissionné après le refus de M. Vizcarra d'augmenter les taxes sur l'essence, de crainte de faire fuir les investisseurs privés. L'un de ses ministres a également été contraint de démissionner à l'aube d'un autre scandale.
Malgré ces critiques, cet homme politique discret se montre plus à l'écoute du peuple. Il se rend une fois par semaine dans les régions périphériques les plus pauvres, contrairement à l'ancien président Kuczynski qui quittait rarement la capitale. M. Vizcarra avait annoncé son intention de se rendre dans les 25 régions du pays dans les six mois qui suivraient son entrée en fonction.
Après sa visite à Cajamarca, l'une des provinces les plus pauvres du pays malgré la présence de plusieurs grandes exploitations minières, dont la mine Yanacocha de Newmont et la mine Conga inexploitée, il a publié un tweet dans lequel il s'étonne qu'une région aussi riche et présentant un tel potentiel de développement dans divers secteurs souffre d'un tel niveau de pauvreté. Il s'est également engagé à prendre en compte les commentaires des dirigeants locaux qu'il a rencontrés. « Nous avons pris la décision de promouvoir des projets responsables sur les plans social et environnemental. Je prêterai une attention particulière à cette région et à ses besoins », indiquait-il.
Le mandat de M. Vizcarra prendra fin en 2021. Il a d'ores et déjà annoncé qu'il ne solliciterait pas de deuxième mandat.
Traduit par CNW et Karen Rolland
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