Avec l’aimable autorisation de Davide Elmo

Si le monde entier parle de la demande croissante de ressources minérales pour soutenir le virage mondial vers l’énergie renouvelable, on ne mentionne pas souvent le déclin régulier du nombre d’étudiants diplômés de programmes de génie minier.

Des données issues de départements de génie minier et d’écoles des mines du Canada, des États-Unis et d’Australie montrent que le nombre d’étudiants diplômés est en déclin depuis 2016. La dernière tendance à la baisse transcende le phénomène national et reflète la nature internationale du secteur minier.

On pourrait se complaire à imputer la tendance observée uniquement à la nature cyclique de l’industrie minière. Toutefois, des données du rapport sur les mesures de rendement du Minerals Tertiary Education Council (MTEC, le conseil australien de l’enseignement supérieur sur les minéraux) de 2018 montrent que durant la période 2013-2017, le nombre d’étudiants s’inscrivant à des programmes miniers en Australie a considérablement chuté et ce, malgré la stabilité, voire l’augmentation des prix des produits de base.

D’après le conseil des ressources humaines de l’industrie minière (RHiM), les besoins cumulatifs en matière d’embauche pour l’industrie minière au Canada au cours des 10 prochaines années varieront de 49 000 à 135 000 travailleurs. Toutefois, la plupart des besoins sont liés aux départs à la retraite et non à l’ajout de postes. Par ailleurs, toujours d’après le RHiM, les écarts les plus significatifs se retrouvent dans les catégories suivantes : superviseurs, travailleurs de soutien et travailleurs spécialisés. Il est probable que ces postes exigent d’autres compétences qu’un diplôme en génie minier. En parallèle, le RHiM indiquait que l’automatisation et la technologie augmenteront les niveaux d’instruction requis de la part de la main-d’œuvre pour ces fonctions. Cette déclaration a de profondes implications en ce qui concerne les programmes de génie minier et l’inscription à des programmes de génie minier dans des universités canadiennes.

La (pénible) vérité est que, d’après un article de février 2023 de McKinsey intitulé Has mining lost its luster? Why talent is moving elsewhere and how to bring them back (L’industrie minière a-t-elle perdu son éclat ? Pourquoi le talent s’éloigne de ce secteur, et comment l’y ramener, uniquement disponible en anglais), le génie minier n’est pas une discipline populaire parmi les futurs étudiants en génie. Les causes possibles de ce désintérêt sont notamment les suivantes :

La perception qu’a l’opinion publique de l’industrie minière : le génie minier est perçu comme une profession sale et dangereuse, qui n’attire pas la génération d’étudiants préoccupés par l’environnement et l’avenir de notre planète. Ces préoccupations ne sont pas dénuées de tout fondement. Toutefois, l’industrie minière a également fait des pas de géant ces dernières années pour faire face à ces problèmes. Les nouvelles technologies et pratiques ont fait de l’industrie minière un secteur plus propre et sûr que jamais.

Sentiment d’un manque de flexibilité : le nom du diplôme (génie minier et minéralurgie) fait référence à une profession très spécifique. Les éventuels étudiants pourraient penser qu’entreprendre un diplôme en génie minier risque de limiter leurs perspectives professionnelles et de les confiner exclusivement à un emploi au sein du secteur minier. En outre, de nombreux cours de génie minier intègre le terme « industrie minière », ce qui renforce la notion selon laquelle les connaissances acquises pourraient ne pas être facilement applicables au-delà de l’industrie.

Programme universitaire : l’industrie minière est souvent perçue comme désuète et dépassée. Les cours que nous enseignons en premier cycle doivent s’efforcer de dissiper cette idée. Les programmes universitaires sont liés par des exigences de certification, et les cours doivent mener à des unités de certification suffisantes. L’une des manières de moderniser les programmes pourrait émaner de discussions avec des organismes d’accréditation afin de mettre à jour ou de modifier les cours s’inscrivant dans le processus de certification dans le domaine du génie minier. Un futur programme de génie minier pourrait inclure davantage de géologie et de géotechnique (pour la conception des excavations et des parcs à résidus), davantage de technologie (pour l’énergie et l’environnement), de chimie et de traitement (pour la minéralurgie) et de compétences informatiques (pour l’analyse des données). Par ailleurs, ces cours pourraient aussi être proposés dans le cadre de masters en génie minier, ouverts aux étudiants qui ont obtenu un diplôme de génie dans une discipline différente et qui envisagent de diversifier leurs projets professionnels.

Enseignement préuniversitaire : si l’on souhaite que les étudiants potentiels connaissent le rôle des ressources minérales dans l’économie et la transition énergétique actuelles, il faudra enseigner la géologie, les roches et les minéraux dès l’élémentaire.

Équité, diversité et inclusion : malgré l’introduction ces dernières années de bourses universitaires commanditées par plusieurs sociétés minières et réservées à des étudiantes s’identifiant comme femmes, ce n’est pas un secret que les femmes sont encore sous-représentées dans les sociétés minières. Ces dernières doivent déployer davantage d’efforts pour aider les femmes à se sentir en sécurité (par exemple, en installant des toilettes pour femmes uniquement, des vestiaires et des hébergements sur le site). Elles doivent appliquer une politique de tolérance zéro pour les comportements discriminatoires ou non inclusifs. Les perceptions de la tournure que va prendre leur carrière concernant les valeurs fondamentales d’égalité et d’équité sont essentielles aux jeunes étudiants.

Pour aborder ces problèmes, le monde universitaire et l’industrie doivent insister sur la nature interdisciplinaire du génie minier et le vaste éventail de possibilités à leur disposition. Insister sur les compétences transférables acquises durant le diplôme de génie minier, telles que la résolution de problèmes, la gestion de projet, l’analyse des données et la gérance de l’environnement peuvent aider à atténuer les préoccupations relatives à des perspectives professionnelles limitées. Si nous souhaitons encourager les futurs étudiants à poursuivre une carrière dans ce domaine dynamique, nous devons recadrer l’offre pédagogique ainsi que l’industrie minière.


Davide Elmo est ingénieur en géologie appliquée. Il a un doctorat en géomécanique du Norman B. Keevil Institute of Mining Engineering (l’institut de génie minier Norman B. Keevil) de l’université de la Colombie-Britannique (UBC).

Traduit par Karen Rolland