Mauro ChiesaL'exploitation minière évolue dans un monde en plein changement. Les exploitations existantes et de nouveaux projets se développent sur plus de continents, les teneurs sont plus faibles, les coûts d'investissements plus élevés, et les sites sont plus isolés (sans parler des gouvernements des pays d'accueil qui hésitent maintenant à assumer des coûts tels que la construction ou l'entretien de routes, ou encore à accorder des subventions dans le domaine de l'énergie). Ainsi, les études de faisabilité doivent inclure un examen méticuleux des devises, des coûts liés à l'énergie et des options en termes d'acquisition.

Pourquoi évoquons-nous ces problèmes ? Le contexte économique change et les investisseurs de plus en plus prudents ne souhaitent pas voir leurs investissements subitement réduits à néant ; ils remettront en question certains problèmes, et la société minière doit faire preuve d'un certain degré de prévoyance et se distinguer de ses concurrents à l'échelle mondiale. L'économie des États-Unis commence à remonter la pente et est devenue plus diversifiée ; en effet, le continent américain est maintenant un exportateur net d'énergie. Ces deux facteurs simultanés contribuent à l'affermissement du dollar américain par rapport aux autres devises, dont le dollar canadien (le loonie). Le ralentissement économique mondial et le déclin de la demande de pétrole sont venus ajouter un frein au prix du pétrole et aux devises d'autres pays exportateurs de pétrole dont les économies dépendent énormément des exportations d'énergie. Quatre pays en particulier (le Venezuela, le Nigeria, la Russie et l'Iran) dépendent énormément du pétrole brut et cherchent donc à augmenter leur production de manière à mitiger les baisses de revenus. Le Canada se trouve dans la même impasse avec un pétrole à prix très élevé qui définit la valeur du dollar canadien. Si la misère qu'entraîne la crise des matières premières généralement associée à un ralentissement de la demande est souvent la première réaction que l'on prend en compte, il faut cependant convenir que certains côtés positifs sont associés à la chute d'une devise et des prix du pétrole, ainsi qu'à la relation entre la devise d'un pays et le prix du pétrole. Une société minière doit bien prendre cet aspect en compte lors de son étude de faisabilité, qu'il s'agisse de projets existants ou de développements prévus de projets de réaménagement de zones désaffectées ou vertes.

La première chose à prendre en compte est que la chute du dollar canadien par rapport au dollar américain n'est pas si terrible qu'on le laisse paraître. Le prix de la plupart des matières premières est affiché en dollars américains ; ainsi, avec un dollar canadien qui équivaut à 0,75 $ US, une once d'or à 1 200 $ US offre le même revenu en dollars canadiens qu'une once d'or à 1 600 $ US lorsque les deux devises étaient équivalentes. En termes de dollar américain, un dollar canadien plus faible signifie que les coûts d'exploitation correspondent à 75 % de leur coût antérieur lorsque le niveau était équivalent.

Deuxièmement, si une mine se trouve dans un pays où la devise est étroitement liée au prix du pétrole, comme c'est le cas au Canada, les avantages sont encore plus complexes. Les charges liées à l'exploitation sont réduites étant donné que le dollar canadien est plus faible, mais les coûts liés à l'énergie d'une société minière sont également moindres car le prix de l'énergie libellé en devises américaines ($ US) a baissé de 70 à 75 %. Si un projet se trouve, par exemple, au Nunavut, où le diesel est indispensable aux activités toute l'année durant, l'effet combiné fait la différence.

Enfin, on arrive à la question de l'acquisition dans les dépenses d'immobilisation, pendant la construction et l'exploitation. De nombreuses études de faisabilité se concentrent sur les coûts libellés en $ US, sans tenir compte des écarts de prix entre l'acquisition au niveau local ou à l'étranger si les devises sont différentes. Si l'on considère la valeur des devises actualisées par rapport au $ US et le coût de l'énergie, une société minière doit réévaluer sa procédure d'acquisition, ou recalculer ses coûts d'acquisition dans son étude de faisabilité et s'assurer que l'estimation des dépenses d'investissement reflète bien un modèle d'acquisition qui vient corroborer ces nouvelles hypothèses. La sélection du personnel technique doit aussi être réévaluée en tenant compte de ces nouvelles hypothèses.

La question de l'identification des options d'acquisition au niveau local ou à l'étranger vient ajouter des avantages qui pourraient accélérer le projet, surtout quand le capital est serré. En s'armant d'estimations concernant l'acquisition au niveau local pour la construction et l'exploitation d'un projet, une société minière dispose des informations et de la validation des tiers nécessaires pour négocier et obtenir une aide financière du secteur public local. Des sociétés de la Couronne telles qu'Exportation et développement Canada (EDC) et la banque de développement du Canada (BDC) se concentrent sur les avantages de l'exportation et sur les apports du Canada à tout projet qui leur demande de les financer. Dans le contexte actuel de ralentissement économique, les gouvernements cherchent à soutenir l'offre au niveau national en matière de biens et services, par exemple la formation ou l'immigration de personnel qualifié. Les gouvernements ont maintenant réalisé que ces projets offrent des avantages diversifiés à leurs régions, surtout aux régions rurales.

En bref, les devises, l'accès à l'énergie et l'acquisition sont des variables qui requièrent une prise en compte minutieuse de chaque exploitation évaluée et de chaque projet envisagé. Au vu des revirements que connaît le secteur depuis 18 mois et du ralentissement économique à l'échelle mondiale, les sociétés minières ont besoin de compétences supplémentaires de manière à ne pas soutenir un projet voué à l'échec ou à ne pas passer à côté d'un futur succès, qu'il s'agisse d'une exploitation ou d'un projet de développement. Elles peuvent aussi accélérer un projet en facilitant le cofinancement et l'obtention d'une aide administrative du secteur public.

Mauro Chiesa a à son actif plus de 35 ans d'expérience en matière de financement et de services-conseils dans le domaine des projets d'extraction et d'infrastructures. Il a notamment travaillé avec des banques multinationales à New York, avec le groupe de la Banque mondiale et chez Exportation et développement Canada (EDC).

Traduit par Karen Rolland


Mauro Chiesa a à son actif plus de 35 ans d'expérience en matière de financement et de services-conseils dans le domaine des projets d'extraction et d'infrastructures. Il a notamment travaillé avec des banques multinationales à New York, avec le groupe de la Banque mondiale et chez Exportation et développement Canada (EDC).

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