Kevin Urbanski. Photo: Emanuel St-Pierre

Au début de sa carrière, Kevin Urbanski faisait partie de l’équipe de Matrikon (qui fait maintenant partie de Honeywell) qui a bâti l’un des premiers systèmes capables de recueillir des données de capteurs à partir d’équipement minier mobile. Des années plus tard, alors qu’il travaillait chez Teck Resources, M. Urbanski s’est trouvé en position d’utiliser ces données pour évaluer l’état des équipements, et il s’est heurté à un défi majeur. Avec des centaines de capteurs sur chaque engin d’une flotte d’équipements, il y avait presque trop d’informations, ce qui faisait que trouver des données réellement exploitables revenait à « chercher une aiguille dans une meule de foin ».

C’est ce qui a été l’élément moteur qui a abouti à la création de Rithmik Solutions, l’entreprise que M. Urbanski a cofondée avec Kris Isfeld et Amanda Truscott, en 2018. Après avoir quitté Teck, et avoir pris une année sabbatique pour étudier l’intelligence artificielle (IA), M. Urbanski a réalisé que l’IA pouvait aider à trouver ces fameuses « aiguilles » en question, et il a commencé à chercher comment rapidement la déployer de manière efficace.

Le Asset Health Analyzer (AHA) (analyseur de santé des actifs) alimenté par IA et conçu par Rithmik est capable d’élaborer un modèle optimal de mise au point technique d’équipement sur la base de données de capteurs provenant de la flotte d’équipements tout entière d’un site. Le modèle fonctionne en même temps que l’équipement, et identifie le moment où certaines valeurs des capteurs dévient de celles du modèle. Celui-ci est réglé en fonction des données historiques du site. Donc, il se peut que l’état optimal d’un tombereau pour applications minières 793D de Caterpillar soit différent sur des sites miniers au Chili ou au Yukon, en raison des fluctuations saisonnières et des différentes conditions, comme la température, la topographie, la condition des routes, et la formation des opérateurs.

« L’IA trouve des possibilités d’optimisation dès le début, » a expliqué M. Urbanski. Tout en construisant ses modèles, la société Rithmik a mis à jour des occasions permettant d’améliorer les pratiques de maintenance et le comportement de conduite des opérateurs. Certains constats se sont avérés davantage inhabituels. On a notamment identifié un conducteur de camion qui pesait sur la pédale d’accélérateur au rythme de chansons du groupe Metallica.

La société Rithmik est maintenant sous l’aile de l’institut de recherche en intelligence artificielle, Mila-Québec, situé à Montréal. Leur partenariat a débuté en janvier 2023, et Rithmik travaille maintenant avec de grandes compagnies minières et des équipementiers, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, et en Afrique.

M. Urbanski a pu constater un certain enthousiasme à l’égard des possibilités qu’offre l’IA dans le domaine minier, une industrie réputée pour son approche prudente en ce qui a trait à l’adoption de technologies ; et il a aussi rencontré des obstacles. Les projets impliquant la technologie nécessitent des ressources, mais avec la pénurie de main-d’œuvre, les équipes dans les mines sont réduites. Rithmik peut aider à atténuer ce phénomène en gérant certaines tâches, par exemple, en faisant l’inventaire des données d’un client ou en intégrant de nouvelles connaissances à leurs flux de travail. Son système « AHA » peut aussi multiplier le temps du personnel de maintenance en réduisant les heures requises pour du dépannage, et trouver des occasions d’amélioration.

Contrairement au battage médiatique d’il y a cinq ans, lorsque M. Urbanski disait que les gens s’attendaient à ce que l’IA fasse des miracles, l’expérience acquise avec les « Large Language Models » (LLM), c’est-à-dire, les grands modèles de langage, comme ChatGPT d’OpenAI, a aidé les gens à mieux comprendre en quoi consistent réellement les capacités de l’IA, mais cela les a aussi rendus plus pessimistes qu’ils ne devraient.

« Le plus grand obstacle est de comprendre ce qu’il est possible de faire, d’être ouvert par rapport à l’utilisation de l’IA et des LLM, et de leur faire confiance. » a-t-il déclaré.

M. Urbanski pense que les LLM constituent une occasion formidable pour les compagnies minières. Ils pourraient être déployés pour des tâches spécifiques, comme pour le calendrier de l’utilisation de l’équipement minier mobile ou pour la planification de la maintenance préventive, ou bien encore pour des tâches de plus grande envergure.

« Les mines [emmagasinent] tellement d’informations, comme les données des capteurs, les bons de travail, [les informations] de la fosse au port, » dit-il. « Il est vraiment difficile de parvenir à optimiser la totalité de cette chaîne avec des technologies disparates. Les architectures LLM vous permettent de les alimenter avec une tonne d’informations, et elles peuvent trouver des relations et des optimisations. »

En mars, l’entreprise a terminé une phase de financement qui lui a permis de récolter 2 millions de dollars qu’elle prévoit utiliser pour élargir sa clientèle et lancer de nouveaux produits. À ce jour, Rithmik a élaboré des modèles pour des camions et des bulldozers, et la société prévoit élaborer cette année des modèles pour des pelles électriques et hydrauliques, ainsi que pour un assistant pour l’établissement de calendriers afin de recommander à quel moment cela a du sens « tant sur le plan environnemental que sur le plan économique » d’envoyer un actif mobile à la maintenance. 

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Traduit par Michèle Tirlemont