Avec l’aimable autorisation de Janice Martell

Dans les années 1970, avant chaque poste à la mine d’uranium de Quirke en Ontario, Jim Hobbs et ses collègues étaient incités à inhaler de la poussière d’aluminium (aussi connue sous le nom de poudre McIntyre), censée les protéger contre la silicose, une maladie pulmonaire commune chez les mineurs à l’époque.

Cette pratique quotidienne était monnaie courante dans les mines à roches dures de l’Ontario entre 1943 et 1979, lorsqu’elle a été supprimée après une révélation de Radio-Canada remettant en question son efficacité.

En 2021, la maladie de Parkinson a été diagnostiquée chez M. Hobbs. C’est seulement 10 années plus tard que Janice Martell, la fille de M. Hobbs, commençait à enquêter sur les liens possibles entre la maladie de son père et la poudre McIntyre. Mme Martell a donné suite à une suggestion donnée à sa mère, selon laquelle l’exposition à la poussière d’aluminium pouvait avoir des effets neurologiques nuisibles.

« J’ai commencé à m’interroger sur l’exposition quotidienne à cet environnement et le fait de respirer une substance neurotoxique… Je ne suis pas scientifique, mais peut-être que c’est ce qui avait causé la maladie de Parkinson chez mon père », déclarait Mme Martell, qui indiquait qu’à l’époque, peu de recherches avaient été menées sur cette poudre.

Ce moment de curiosité de Mme Martell est à l’origine d’un parcours d’une décennie sur l’étude des effets potentiels de la poudre McIntyre sur d’autres mineurs.

« Je me disais que mon père ne pouvait pas être le seul à lutter », indiquait-elle. « J’ai voulu contacter d’autres personnes travaillant à la mine qui avaient été exposées à cette [poudre] pour voir le genre de problèmes de santé qu’elles rencontraient, car clairement cette question n’avait pas été abordée. »

En 2015, Mme Martell a lancé le McIntyre Powder Project, un registre bénévole visant à documenter les problèmes de santé des mineurs exposés à la poudre McIntyre. Selon elle, des dizaines de milliers de mineurs en Ontario pourraient y avoir été exposés.

Son registre contient aujourd’hui plus de 700 entrées, la plupart réunies dans le cadre d’entretiens qu’elle a menés à Timmins, à Sudbury et dans d’autres villes minières du nord de l’Ontario. Toutefois, 117 mineurs sont décédés depuis leur inscription au registre, y compris M. Hobbs, qui est décédé en 2017 après avoir lutté pendant 16 ans avec la maladie de Parkinson.

« Je leur ai promis que leurs récits ne resteraient pas dissimulés, et je trouve important de me faire leur porte-parole », ajoutait-elle.

Grâce à la mobilisation tenace de Mme Martell, la Workplace Safety and Insurance Board (WSIB, la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail) de l’Ontario a mandaté une étude de l’Occupational Cancer Research Centre (OCRC, le centre de recherche sur le cancer au travail) sur la poudre McIntyre. Les résultats, publiés en 2020, ont révélé des liens importants entre la poudre McIntyre et la maladie de Parkinson. Sur la base de cette étude, le gouvernement de l’Ontario a officiellement reconnu la maladie de Parkinson comme une maladie professionnelle provoquée par la poudre McIntyre en 2022. Ceci signifie que les mineurs exposés à la poudre McIntyre qui ont développé une maladie de Parkinson ont désormais droit à une compensation de la WSIB.

Pour ses travaux qui ont permis de reconnaître depuis quelques années la maladie de Parkinson comme une maladie professionnelle, Mme Martell s’est vu attribuer la médaille du mérite civique de l’Ontario en mars 2025, la seconde plus haute distinction civique pour les résidents et résidentes de la province de l’Ontario.

« J’ai le sentiment que nous avons atteint un autre degré de légitimité. Je me suis montrée critique envers le gouvernement. J’ai demandé qu’il présente ses excuses à ces personnes et ai fait remarquer qu’il n’aurait pas dû rester sans rien faire et simplement observer la situation évoluer. Je suis très satisfaite qu’il considère ces efforts comme louables », indiquait Mme Martell.

Depuis, des études récentes ont apporté la preuve que la poudre McIntyre est liée à d’autres maladies, telles que les maladies pulmonaires et cardiovasculaires.

Toutefois, la priorité de Mme Martell reste de continuer à aider les personnes concernées à déposer des demandes d’indemnisation, tout en sensibilisant le public, notamment dans l’industrie minière.

« Je suis très fière que mon père ait été mineur », indiquait-elle. « Il n’a pas toujours été facile d’être fière de l’industrie minière en raison des décisions prises, mais j’observe des changements. J’applaudis ces efforts visant à améliorer les choses, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour les soutenir. »

Traduit par Karen Rolland