Avec l’aimable autorisation de Larry Clark

Larry Clark a commencé sa carrière en 1978 comme mineur de fond à la mine de molybdène de Henderson, dans le Colorado. Il obtient son diplôme de la Colorado School of Mines (l’école des mines du Colorado) en 1986, puis est embauché par Newmont après avoir travaillé dans une société de conseils et une autre spécialisée dans les logiciels miniers. Après 17 années chez Newmont, alors qu’il occupe le poste de directeur principal de la technologie minière, il rejoint Jolimont Global Mining Systems en tant que directeur pour l’Amérique du Nord. De mars 2018 à mars 2020, il est directeur de l’exploitation à Newtrax Technologies.

Beaucoup de choses ont changé dans l’industrie depuis les années 1970, du temps où M. Clark était mineur de fond, particulièrement la technologie utilisée. L’équipement électrique était alors très rare ; aujourd’hui, les sociétés s’équipent de camions alimentés par batterie, sans parler des téléphones intelligents que tout le monde utilise sous terre. Mais le plus dur, expliquait-il, est que l’industrie est encore réfractaire aux risques. D’après lui, la prochaine génération de mineurs sera celle qui surmontera l’aversion de l’industrie pour la technologie et l’incitera à l’adopter.

L’ICM : Quelle est la qualité la plus importante que vous recherchez chez un(e) jeune professionnel(le) ?

M. Clark : Le dynamisme, la passion, l’énergie et l’auto-motivation. D’un point de vue technique, [n’importe quelle] école est compétente et capable de dispenser la formation nécessaire. Ce que je recherche avant tout, c’est l’éthique du travail. Je suis en quête de la personne qui est enthousiaste à l’idée de prendre part à la résolution de problèmes. Je cherche des jeunes qui, même sans direction, iront recueillir des informations, puis reviendront nous donner leur avis sur l’approche à adopter. Ces qualités sont le propre d’une personne avide d’apprendre constamment.

L’ICM : Quelle qualité professionnelle a été pour vous la plus complexe à acquérir, mais également la plus valorisante ?

M. Clark : La capacité à développer mon écoute active. Maintes fois, je me suis retrouvé dans des salles de réunion où certaines personnes absorbent l’intégralité de l’oxygène de la salle alors que d’autres arrivent à peine à placer un mot. Il faut développer la capacité d’être là et d’entendre, mais aussi d’écouter et d’absorber le contenu. Éteignez votre téléphone, n’amenez pas votre ordinateur portable. Ne pensez pas aux choses qui vous tracassent. Soyez présent, à ce moment précis. Une chose est sûre, j’ai eu du mal à acquérir cette qualité.

L’ICM : En quoi l’échec manifeste vous a-t-il préparé aux réussites futures ?

M. Clark : C’est par l’expérience et l’observation que l’on tire des enseignements. La plupart du temps, on apprend quand les choses ne se passent pas comme prévu. Généralement, c’est notre ego qui nous empêche de tirer les leçons de nos échecs antérieurs. Il se met en travers et nous convainc que l’on n’a pas réellement échoué, que les autres n’ont pas préparé telle ou telle chose à temps pour qu’on l’obtienne au moment voulu. Il faut alors se regarder dans un miroir, car l’erreur émane souvent de nous ou de notre équipe ; il faut juste digérer, abandonner ce refus égoïste d’admettre ses erreurs, et en tirer les leçons.

Ce que j’explique à mes jeunes étudiants lorsque je les encadre, et aux personnes au sein même de notre société, c’est qu’il vaut mieux adopter la stratégie du fail fast and fail cheap (ou comment éviter de gros frais en prenant conscience de nos erreurs rapidement). Ensuite, je leur recommande d’éviter d’échouer deux fois sur le même point car cela devient alors une faute. Mais je ne condamne pas les gens parce qu’ils prennent un risque calculé.

L’ICM : Quelle habitude, de premier abord sans importance, fait toute la différence dans la carrière d’un(e) jeune professionnel(le) ?

M. Clark : [La ponctualité.] Pour moi, lors d’une réunion, on n’est pas à l’heure si on n’arrive pas cinq minutes à l’avance. J’ai sans doute investi de grands efforts dans la préparation de cette réunion, et le fait que quelqu’un n’arrive pas à l’heure montre qu’il ou elle ne respecte pas vraiment le travail que j’ai fait en amont de cette réunion. Quand tout le monde est là et qu’une personne arrive en retard, et que l’on doit alors répéter ce qu’elle n’a pas entendu [parce qu’elle est en retard], on perd en efficacité. En outre, cela n’attire pas le respect et n’est pas propice à une solide éthique du travail. J’essaie d’exiger des gens qu’ils soient ponctuels ; et pour moi, être ponctuel signifie arriver cinq minutes avant le début de la réunion. Je conseille également de venir préparé(e) à la réunion, afin d’encourager les échanges instructifs.


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L’ICM : Si vous pouviez revenir sur une décision que vous avez prise durant votre carrière, quelle serait-elle ?

M. Clark : J’ai souvent affronté des personnes de manière peu compatissante. L’un de mes directeurs, que je considère comme le meilleur de ma carrière, m’a un jour pris à part pour me dire que s’il appréciait ma passion, il ne fallait pas que j’oublie d’y associer de la compassion. C’est une chose que de vouloir être exubérant(e), énergique, plein de vitalité et le reste ; mais cela en est une autre de laisser cette énergie masquer notre propre capacité à comprendre les autres et à faire preuve de compassion. Dans ma vie, j’essaie d’appliquer cette maxime, Always assume positive intent (adoptez toujours une intention positive). Les gens ont généralement tendance à vouloir bien faire, mais il est très facile de sauter sur l’occasion pour critiquer l’autre en l’accusant de ne pas avoir suffisamment prêté attention à une chose, ou lui reprocher de ne pas avoir fait preuve d’initiative, sans réellement connaître le contexte.

L’ICM : À votre avis, quelle lecture est essentielle pour tout(e) jeune professionnel(le) du secteur minier ?

M. Clark : Il faut sans cesse perfectionner ses compétences techniques. Participez à des conférences, lisez des articles scientifiques ou des études sur diapositives, prenez part à des présentations sur les nouvelles technologies ; c’est important. Je suis également convaincu qu’il est primordial d’améliorer ses qualités de dirigeant(e) et de faire preuve d’empathie lorsqu’on dirige une équipe. Je conseille cet ouvrage passionnant intitulé Managing from the Heart [de Hyler Bracey, Jack Rosenblum, et al]. Il porte sur cette passion assortie de compassion que j’évoquais précédemment.

Je recommande toujours aux étudiants et aux nouveaux diplômés de rester proches des associations de l’industrie telles que la Society for Mining, Metallurgy and Exploration (SME, la société des mines, de la métallurgie et de l’exploration) ou l’ICM. Ces associations sont primordiales. D’une part, les revues scientifiques qu’elles proposent offrent des informations sur les événements actuels ; d’autre part, en prenant part à ces sociétés, on crée un lien qui nous permettra de rester informé(e) de tout ce qu’il se passe dans l’industrie. Les conférences sont très enrichissantes car elles présentent les toutes dernières technologies et permettent de rencontrer la communauté d’experts relativement restreinte du monde minier.

Enfin, il ne faut pas négliger l’aspect psychologique. Michelle Ash, ancienne responsable en chef de l’innovation chez Barrick, est une bonne amie à moi. Elle est diplômée en génie minier et a une maîtrise en administration des affaires, mais elle a aussi un diplôme de psychologie. Un jour, je lui ai demandé de m’en dire plus ; elle m’a répondu que c’est quelque chose qu’elle recommande à tous les étudiants ou nouveaux diplômés. Inscrivez-vous à un cours de sciences humaines et sociales telles que l’anthropologie ou la psychologie ; cela vous permettra de développer l’autre côté de votre cerveau. Découvrez ce qui motive les gens. Quel genre de comportements observez-vous chez les différents types de personnes, et comment gérez-vous ces différents comportements ? Des points de vue de la promotion du travail d’équipe et de l’efficacité de l’équipe, il est très important de se découvrir soi-même et de comprendre le fonctionnement des gens. The Five Dysfunctions of a Team de Patrick Lencioni est également un excellent ouvrage. D’ailleurs, n’oubliez pas de lire des livres qui n’ont rien à voir avec votre spécialité. Lisez « Sa Majesté des mouches » ou tout autre roman qui vous distraira de votre travail quotidien.

L’ICM : Quels conseils donneriez-vous à une jeune personne qui souhaite se rapprocher d’un mentor mais se sent intimidée ?

M. Clark : Demandez des conseils à une personne que vous aimeriez avoir comme mentor. Dites-lui, sans détour, que vous cherchez quelqu’un qui puisse vous aider dans tel ou tel domaine. Expliquez-lui que vous avez beaucoup apprécié sa présentation, ou décrivez ce qui vous plaît particulièrement en elle et qui fait que vous l’imaginez comme votre mentor. Ensuite, demandez-lui de vous suggérer quelqu’un qui pourrait vous aider du point de vue du mentorat. Soit elle vous répondra qu’elle apprécie vraiment votre manière de faire et qu’elle ne voit aucun inconvénient à passer du temps avec vous, soit elle vous donnera une liste de noms. Surmontez votre timidité ; il suffit de demander. Si la réponse est non, pas d’inquiétude, c’est ma deuxième réponse préférée. Mais vous n’obtiendrez pas de réponse si vous ne posez pas la question.

Autres lectures recommandées par Larry Clark

The Seven Habits of Highly Successful People (Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, traduit de l’anglais) de Stephen Covey

The Leadership Pipeline: How to Build the Leadership Powered Company de Ram Charan, Stephen Drotter et James Noel

What to Ask the Person in the Mirror: Critical Questions for Becoming a More Effective Leader and Reaching Your Potential, de Robert S. KaplanTraduit par Karen Rolland