Maintenant que le dispositif réglementaire Bâle III est entré en vigueur, les banques devront attribuer leurs fonds propres de manière plus transparente, notamment lorsqu'elles prêtent à des économies fragiles. Cet ensemble de mesures réglementaires convenues à l'échelle internationale, que le comité de Bâle sur le contrôle bancaire a élaboré en réponse à la crise financière de 2007‑2009, vise à renforcer la réglementation, le contrôle et la gestion des risques encourus par les banques. En d'autres termes, le financement de risque par les banques pour des projets établis dans des pays fragilisés sur les plans politique et économique impose aux sociétés minières de renforcer leurs obligations remboursables en actions. Durant ma carrière au sein du groupe de la Banque mondiale, de diverses banques de New York et d'Exportation et développement Canada (EDC), j'ai eu l'occasion de travailler avec des pays en développement. Ainsi, on me demande souvent mon avis, surtout en ce moment, en matière de réduction des risques politiques ; je n'ai de cesse de répéter qu'il n'existe pas de solution miracle. L'exploitation minière se développe de plus en plus dans des pays au climat politique plus qu'incertain, aussi il est très important de nos jours de bien penser à l'atténuation des risques ainsi qu'à leur gestion.
Vous trouverez ci-dessous une liste de conseils généraux que j'ai compilée. Il faut bien se rappeler que ces stratégies, ou stratégies partielles, ne constituent en aucun cas des garanties contre le risque politique, mais elles peuvent grandement contribuer à les atténuer.
Dans la mesure du possible, embauchez votre personnel dans la région. Les habitants d'une région, particulièrement dans les pays gravement touchés par la pauvreté, seront une source d'informations précieuses sur la situation politique dès votre installation dans le pays. Ces travailleurs, parfaitement au fait du climat politique local ou régional, constitueront pour votre société un atout supplémentaire de grande valeur. En République démocratique du Congo (RDC) par exemple, où les intérêts régionaux ne cadrent souvent pas avec les capitaux, les embauches au niveau local se sont avérées être des ressources précieuses pour de nombreuses sociétés minières étrangères établies dans les régions périphériques.
Organisez des réunions semestrielles avec les habitants de la région. Invitez les parties prenantes locales, régionales et nationales à vous faire part de leurs impressions quant aux questions prédominantes. Assurez-vous que la haute direction de votre société minière soit représentée lors de ces réunions, de manière à ce que les questions importantes soient entendues et puissent être traitées directement, et non par le biais d'intermédiaires.
Assurez-vous que le ou la préposé(e) aux relations communautaires et à l'attribution de permis soit bien placé(e), à savoir qu'il ou elle travaille sous l'autorité directe du directeur de l'exploitation, du chef de la direction ou de la personne la plus haut placée dans l'organigramme de votre société. Si ce/cette préposé(e) dépend d'un département interne, par exemple la section du contentieux ou des opérations, la question soulevée pourrait être mal interprétée, car envisagée d'un point de vue purement juridique par exemple, ce qui pourrait ne refléter en rien la nature du différend. Le département des opérations peut par ailleurs avoir tendance à se concentrer sur les résultats immédiats de l'exploitation, les quotas et les budgets, aussi il pourrait tout simplement reléguer au second plan le différend. Gardez toujours bien en tête vos accords et permis existants, et obtenez les renouvellements avant leur échéance ; les coups d'État sont rarement annoncés à l'avance.
Optimisez le partage des ressources et la minimisation des problèmes. Autant que faire se peut, partagez votre infrastructure avec la population locale. Les sociétés minières implantées en RDC ont donné libre accès à la communauté aux écoles et cliniques initialement réservées à leur personnel expatrié. Dans d'autres régions d'Afrique, les lignes électriques s'étendent au‑delà du périmètre de l'exploitation minière pour éclairer les villes environnantes. Certes, ce genre de bonnes actions peuvent légèrement augmenter vos dépenses, mais elles réduiront considérablement les risques politiques pouvant émerger dans un environnement hostile. C'est la raison pour laquelle de nombreuses études de faisabilité se transforment en études d'infaisabilité ; elles cherchent à réduire les dépenses d'exploitation de la mine en ne partageant pas les réseaux électriques et téléphoniques ou l'eau potable avec la communauté environnante, ce qui renforce sur la forme la durabilité du projet, mais ne fait qu'augmenter en parallèle le risque politique lié au mécontentement social et/ou des populations locales.
Minimisez l'empreinte environnementale de votre exploitation. Dans la mesure du possible, choisissez des énergies moins coûteuses telles que le solaire et l'éolien pour réduire vos dépenses énergétiques. Ceci présente l'avantage supplémentaire de réduire votre dépendance envers le service public de distribution d'électricité de la région, diminuant ainsi le risque politique associé. En outre, le partage du réseau routier avec une industrie extractive voisine permettra de réduire votre empreinte physique ainsi que les formalités administratives nécessaires pour obtenir vos permis (et bien entendu, la possibilité de répercussions politiques).
Souscrivez une assurance contre les risques politiques. Ce dernier point est souvent omis par les entités minières ; pourtant, souscrire une assurance couvrant les risques politiques auprès d'EDC ou de l'agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) du groupe de la Banque mondiale, par exemple, est un bon investissement. L'assurance aura un effet dissuasif puissant dans les pays prenant des mesures hostiles envers un placement garanti, car les répercussions financières ou politiques dans le reste du pays seront négatives. Un engagement d'honneur établi pendant une partie de golf avec un ministre peut vous paraître sûr, mais gardez à l'esprit que les futurs actionnaires institutionnels auront besoin, et ne manqueront pas d'exiger d'autres justifications.
Le risque politique n'est pas prêt de disparaître ; nous devons l'accepter, l'anticiper et planifier nos actions en conséquence. En gardant à l'esprit les stratégies présentées ci‑dessus, nous dormirons tous sur nos deux oreilles.
Mauro Chiesa a à son actif plus de 39 ans d'expérience en matière de financement et de services-conseils dans le domaine des projets d'extraction et d'infrastructures. Il a notamment travaillé avec des banques multinationales à New York, avec le groupe de la Banque mondiale et chez Exportation et développement Canada (EDC).