Sean Willy, à gauche, a rencontré des communautés au Canada, aux États-Unis et en Australie en tant que directeur de la responsabilité des entreprises | Avec l’aimable authorisation de Cameco

Le problème pour la société Cameco, comme pour tous les autres producteurs d'uranium, ne tient pas tant à l'ignorance des gens quant au rayonnement, mais plutôt aux connaissances qu'ils pensent détenir en la matière. Une étude de 2012 menée par l'association nucléaire mondiale (ANM) a révélé que moins de la moitié des Canadiens qui prétendent « très bien connaître » l'effet du rayonnement étaient en mesure de répondre à deux questions de type vrai ou faux sur le sujet. Il s'agit là d'une bonne leçon pour toute l'industrie de l'uranium, une leçon à laquelle certains réagissent, et que d'autres (à leurs risques et périls) ignorent.

L'angoisse face au rayonnement peut tourner à la phobie. Peu après l'accident nucléaire de Fukushima, les craintes soulevées par l'éventualité que le rayonnement traverse l'océan Pacifique ont mené à la vente soudaine et effrénée de compteurs Geiger, un instrument servant à mesurer les niveaux de rayonnements ionisants, et ce malgré que les scientifiques n'aient aucune raison de croire que les matières radioactives ne traversent l'océan avant 2014, date à laquelle elles seraient si diluées qu'elles ne présenteraient plus aucun danger. Le compteur Geiger ne fait pas la différence entre les diverses matières radioactives et les degrés variables de risques pour la santé associés à chacune d'elles, et ne tient pas non plus compte du fait que le rayonnement ionisant est omniprésent dans la nature, notamment dans notre corps. En décembre 2013, un site Internet a publié une vidéo réalisée par un certain « Dave » montrant un compteur Geiger sonnant l'alarme d'un niveau élevé de rayonnement sur une plage du nord de la Californie. Cette vidéo, intitulée « Fukushima radiation hits San Francisco ? » (Le rayonnement de Fukushima arrive-t-il jusqu'à San Francisco ?), a pris des proportions inattendues, aussi le California Department of Public Health (ministère de la santé publique de Californie) a lancé une enquête qui a révélé que le niveau élevé de rayonnement s'expliquait par la présence de matières radioactives naturelles (NORM). Les niveaux enregistrés étaient à peu près équivalents à ceux générés par un plan de travail en granit.

Les problèmes hérités du passé empoisonnent les affaires actuelles

Andrea Jennetta, éditrice du bulletin d'informations américain sur l'industrie du nucléaire Fuel Cycle Week, est d'avis que le secteur de l'uranium doit s'attaquer aux fausses idées et aux peurs que génère l'énergie nucléaire en la défendant et en éduquant le public. « Pratiquement tout l'uranium produit sert à l'énergie nucléaire », explique Mme Jennetta. « Ne rien faire pour arrêter les attaques et les accusations [envers les dangers et abus de l'industrie et du rayonnement] équivaut à saper tout soutien futur à l'énergie nucléaire. On observe un conflit au sein de l'industrie de l'exploitation de l'uranium, et notamment avec le secteur financier qui couvre l'uranium. Il prétend ne pas contribuer à l'industrie du nucléaire, mais la réalité est qu'il en fait partie. Et si l'on ne se bat pas pour l'énergie nucléaire, c'est la faillite assurée. »

Le fait est que pendant la Seconde guerre mondiale, et tout au long de la course aux armements nucléaires, les gouvernements et sociétés minières ont dévasté les terres autochtones pour rapidement en extraire l'uranium, aux dépens des travailleurs autochtones qui étaient sous-payés. Cette réflexion à court terme et le peu de considération pour l'environnement et la santé des travailleurs et des communautés ont laissé un héritage peu glorieux, qui ne se limitait pas aux ravages des terres et à l'incidence élevée prouvée de cancers des poumons chez les mineurs, mais également à une méfiance et une peur persistantes et omniprésentes envers l'uranium. Ceci n'a rien de nouveau. Sur les terres des Navajos, on compte à ce jour 500 mines d'uranium abandonnées qui requièrent encore une réhabilitation du terrain ; cependant, la nation Navajo et l'administration Obama sont parvenus à une entente selon laquelle la nation recevra 1 milliard $ pour réhabiliter environ 10 % de ces mines abandonnées.

« L'assainissement radioactif est si lent que cela en est ridicule, et l'industrie de l'uranium dans le pays ne s'est pas souciée de prendre les devants pour obtenir le financement nécessaire, accusant l'agence américaine de protection de l'environnement de sa lenteur à réhabiliter les terres », déclare M me Jennetta. Elle cite des exemples particulièrement efficaces mis en avant par les moyens de communication de masse pour éduquer le public, tels que le documentaire « Pandora's Promise » de 2013 qui adopte une approche pro-nucléaire.

Plus d'une manière pour sensibiliser le public

Cameco possède des exploitations aux États-Unis, au Canada et en Australie, où les populations autochtones sont importantes, et Sean Willy, directeur de la responsabilité des entreprises, a un point de vue expérimenté sur la façon dont l'industrie se doit d'impliquer les communautés. « Prenons comme exemple le Cercle de feu et le projet d'oléoduc Northern Gateway ; sans le soutien des autochtones, rien ne bouge », déclare M. Willy. « Dans le nord de la Saskatchewan, nous avons obtenu le renouvellement de nos permis pour 10 ans en 2013 grâce à l'excellent bilan de santé et sécurité sur nos sites, et toutes nos communautés nous ont apporté leur soutien », ajoute-t-il. « On ne peut pas influencer tout le monde. Il convient selon moi d'être transparent avec les personnes avec lesquelles on travaille et de se rapprocher dès que possible des communautés. Il est important pour eux de savoir à quel marché notre produit est destiné. »

Pendant 25 ans, Cameco a déployé beaucoup d'efforts pour établir des relations et la confiance à l'échelle locale autour de ses exploitations. En Saskatchewan, Cameco a développé sa méthode visant à consolider les relations, principalement auprès des populations autochtones, étant donné que l'uranium au Canada, aux États-Unis et en Australie se trouve généralement près des communautés autochtones, ou sur leurs terres. Cameco a renforcé sa relation de confiance au fil des ans en investissant et en s'impliquant auprès des communautés autochtones par le biais de la formation, des affaires ainsi que du développement communautaire et de la communication, sans parler de son engagement vis-à-vis de l'exploitation minière responsable. Aujourd'hui, Cameco est le plus grand employeur d'autochtones au Canada, avec 750 employés des Premières Nations travaillant directement pour la société et autant de contractants des Premières Nations. « Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour rendre le monde technique et hautement réglementaire de l'exploitation de l'uranium plus direct et simple à comprendre », indique M. Willy.

Cameco a mis au point des supports pédagogiques à l'intention des populations autochtones dans ses sites et aux alentours, dont une ressource en ligne baptisée Uranium 101, également à disposition du grand public sur Internet. « Ce matériel se veut tactile et visuel. Notre objectif est de créer un lien aux connaissances traditionnelles de manière à ce que les communautés comprennent leur nature scientifique, car lorsqu'elles auront saisi leur aspect pratique, elles souhaiteront en apprendre davantage du point du vue théorique », indique M. Willy. « De nombreuses sociétés s'engagent vis-à-vis de la responsabilité sociale des entreprises et l'envisagent strictement comme un mécanisme philanthropique. D'autres la considère comme un mécanisme d'atténuation des risques. Cameco, quant à elle, la perçoit réellement comme une valeur ajoutée qui prend beaucoup d'ampleur au vu du développement de l'uranium partout dans le monde. »

Rien ne vaut les connaissances de première main

Lors de l'acquisition d'importants projets d'exploration en Australie occidentale en 2008, Cameco a entamé une collaboration avec l'université d'Australie occidentale en vue de développer du matériel pédagogique dans la langue vernaculaire des Martu, le peuple aborigène local. M. Willy s'est rendu en Australie pour rencontrer les membres des communautés locales. « C'est la première fois qu'ils entendaient parler de [l'industrie de l'uranium] dans leur propre langue. »

Mais ils restaient sceptiques, aussi Cameco a-t-elle décidé d'emmener 16 aînés Martu dans le nord de la Saskatchewan, dont Noeletta Lee. « Ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais », explique-t-elle. « Nous avons pu voir de nos propres yeux la façon dont ils réhabilitent le terrain après l'exploitation minière. Tout était vert, beaucoup d'arbres avaient été plantés et on voyait renaître la nature. Dans le désert, c'est l'eau qui nous pose beaucoup problème. Le traitement de l'uranium requiert de l'eau et nous avions peur que cela affecte nos réserves en eau. Nous avons pu voir ici la façon dont l'eau est recyclée et réinjectée en toute sécurité dans le réseau hydrographique. »

« Ce voyage était mémorable. Nous avons pu assister à toutes les étapes du processus minier, de l'exploitation au traitement et à la réhabilitation. Nous avons rencontré les aînés des Premières Nations et leur avons posé des questions sur l'exploitation minière et la façon dont elle affectait leur pays. Ils vivent comme nous. Une mine est exploitée, mais les membres de la communauté continuent de chasser, de se réunir et de mener leurs vies de manière traditionnelle. Ils exercent l'exploitation minière depuis 20 ans et nous ont appris beaucoup de choses. »

L'approche adoptée par Cameco exige de la patience et du temps, surtout aux États-Unis où la relation entre les autochtones, le gouvernement et l'industrie est fondée sur des décennies de méfiance accumulée. « Il est important pour Cameco d'être le chef de file dans ce domaine », explique M. Willy. « Il serait déplorable que d'autres se lancent dans l'exploitation de l'uranium sans faire état de la communication, de l'éducation et du respect indispensables envers les communautés autochtones, ce qui risquerait d'avoir un impact potentiellement négatif sur nous tous. »

Traduit par Karen Rolland