Marilyn Spink, ingénieure en métallurgie et matériaux, s’est efforcée de rendre l’industrie des mines et des minéraux plus équitable en défendant la réussite des femmes dans ce secteur. Avec l'aimable autorisation de Scuralli Photography.

La feuille de route de Marilyn Spink, ingénieure en métallurgie et matériaux, s’étend sur une brillante carrière de 30 ans au sein de sociétés comme Hatch, Golder et SNC-Lavalin. Mais elle a dû parfois surmonter un obstacle difficile que bon nombre de ses pairs n’ont pas eu à affronter : son sexe.

CIM Magazine a discuté avec Mme Spink, qui a été une membre active du Professional Engineers Ontario (PEO) et de l’ICM pendant plus de 20 ans et qui, anciennement, était la seule femme membre du conseil du PEO. Il a été question de son expérience dans un secteur dominé par les hommes lors du 11e Gender Summit international. Ce sommet s’est déroulé à Montréal du 6 au 8 novembre et portait sur les enjeux de l’inclusion dans les universités, l’industrie et le gouvernement. Alors qu’on observe une disparité de genre dans de nombreux secteurs, celui de l’exploitation minière est l’un où ce déséquilibre est le plus criant.

En 2013, Women in Mining (R.-U.) et PwC ont publié  un rapport (en anglais) sur les tendances des femmes qui occupent des postes dans la haute direction et ont constaté que l’industrie minière était celle qui comptait le moins de femmes dans ses conseils d’administration que dans toute autre industrie, les femmes n’occupant que 5 % des postes au sein du conseil des 500 sociétés minières les plus importantes au monde.

Le rapport révèle également que les marges bénéficiaires sont plus élevées dans les sociétés minières qui comptent des femmes dans leur conseil d’administration.

Pourtant, quatre ans plus tard, les sociétés minières canadiennes continuent d’être à la traîne d’autres sociétés cotées à la Bourse de Toronto pour ce qui est d’intégrer des femmes au sein de leur conseil d’administration et à des postes de haute direction, comme le démontre un rapport d’Osler, Hoskin et Harcourt LLP publié en octobre. Pour Madame Spink, ce changement peut être amorcé par l’éducation et la communication.

ICM : Pourquoi avez-vous participé au Gender Summit?

Mme Spink : Je suis un chef de file dans la profession du génie au Canada et, en ce qui me concerne, il s’agit d’un problème de leadership, car nous ne mettons pas à profit tout le bassin de talents dont nous disposons, particulièrement dans l’industrie minière et minérale qui s’appuie largement sur les ingénieurs. J’ai vu tant de femmes quitter le secteur pour accomplir des choses vraiment formidables dans d’autres domaines, et nous sommes responsables de ces pertes. Je suis surprise d’être encore ici.

En outre, je me suis engagée à honorer le contrat social que nous avons dans le secteur minier et minéral – nous foulons pratiquement les terres des Autochtones – et la présente conférence fournit aux dirigeants des sociétés minières des outils simples à utiliser pour accroître l’équité, la diversité et l’inclusion dans notre industrie, de telle sorte que tous puissent prospérer.


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ICM : Quels sont d’après vous les principaux points que l’industrie minière doit retenir de cette conférence?

Mme Spink : J’ai été très déçue de constater que seulement 14 % des participants à la conférence provenaient de notre industrie. Ses dirigeants sont absents et ce sont eux qui doivent effectuer des changements. Par conséquent, du point de vue du secteur minier, je pense que nous devons avoir une discussion comme celle que nous avons eue au cours du Gender Summit. Au cours de conférences du secteur minier, des séances sur la diversité sont tenues, semblables aux séances autonomes sur les relations avec les Autochtones, mais au lieu d’avoir des gens qui prêchent à des convertis et discutent en vase clos, il vaudrait peut-être mieux que l’ensemble de la conférence porte véritablement sur l’équité, la diversité et l’inclusion. Les personnes et les organismes qui ont su mettre à profit tous les talents doivent partager leurs réussites et leurs échecs. J’aimerais entendre ce qu’a à dire Alan Coutts sur le travail que Noront Resources a effectué avec les Autochtones dans le nord de l’Ontario ou les représentants de Diavik dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons l’occasion de tirer des leçons du Gender Summit et de les transmettre à davantage de gens dans l’industrie minière.

J’en ai assez de ne m’adresser qu’aux femmes. La plupart des femmes ont compris le message et certains hommes, qui sont de solides alliés, l’ont saisi; toutefois, beaucoup d’autres hommes ne reconnaissent toujours pas leurs préjugés. Tout le monde a des préjugés, j’ai les miens, mais nous devons apprendre à les reconnaître. Au début de ma carrière, mon patron me demandait : « pouvez-vous faire ma présentation PowerPoint pour cet exposé technique? » Je répondais : « bien entendu ». Puis il demandait à mes collègues masculins d’effectuer la partie technique du travail, de sorte qu’après trois ou quatre demandes de ce genre, j’ai commencé à réaliser que je ne perfectionnais pas mes compétences techniques. Et quand vos collègues commencent à vous traiter comme l’adjointe administrative du service malgré votre diplôme d’ingénieur et que cela vous saute aux yeux, vous commencez à réaliser que nous avons tous des préjugés. J’aurais dû réagir et m’y opposer dès le départ, mais sur le coup, je n’ai pas réalisé ce qui se passait. De plus, je n’étais pas consciente que la moitié des conseillers principaux avec lesquels je travaillais étaient réticents à voyager avec des femmes – certains d’entre eux subissaient la pression de leur conjointe pour qu’ils s’y abstiennent – de sorte que j’ai eu la moitié moins de possibilités de rencontrer des clients que mes collègues masculins. Dans le milieu de la consultation dans l’exploitation minière, il faut se rendre sur les chantiers des clients – il n’y a aucune mine au centre-ville de Toronto. Si vous pensez à d’autres idées préconçues, notamment que certaines personnes pensent que vous n’êtes pas aussi compétente que vos homologues masculins, peut-être ne jouissez-vous alors que du tiers de leurs possibilités. Les femmes finissent par s’en lasser et par quitter notre industrie. J’ai également constaté que des hommes qui ne correspondent pas aux stéréotypes masculins délaissent complètement le milieu du génie-conseil et l’industrie minière – quel gaspillage de talents.


Michelle Ash est la première personne à détenir ce titre à Barrick et pourrait bien être la première de son genre dans l’industrie.


ICM : Fournissez-nous des exemples sur la façon dont nous pouvons aider pour promouvoir la place des femmes dans l’industrie.

Mme Spink : L’an dernier, j’étais la seule femme ingénieure parmi les 24 membres du conseil du PEO. Il y avait deux autres femmes nommées par le gouvernement, mais j’étais la seule ingénieure. Cela m’a dérangée et, de concert avec une autre collègue ingénieure, j’ai lancé une campagne de lobbying populaire intitulée « One Woman Running » (Une femme, une candidature) au moyen d’outils comme LinkedIn, invitant les femmes ingénieures de l’Ontario à se joindre à notre réseau et en leur disant que nous pouvons les aider. Notre objectif était d’avoir une femme candidate pour chaque poste de conseillère. Bien que de nombreuses femmes n’aient pas obtenu le poste, leur participation a modifié la donne des élections. Mais, la bonne nouvelle est qu’il y a maintenant cinq femmes ingénieures au conseil du PEO. Cette initiative a mis à mal les relations avec certains membres masculins du conseil, mais le fait de compter plus de femmes ingénieures comme conseillères du PEO démontre que notre profession accueille les femmes et toute autre personne qui se sent « hors norme ».

À cette étape de ma carrière, je suis en position d’effectuer un changement. Je devrai peut-être mettre à l’épreuve d’autres relations, mais je faciliterai ainsi la tâche des femmes qui suivent mes traces. Et non seulement les femmes, mais tous ceux qui ne se fondent pas dans le moule du « mâle blanc ». Ce message ne serait-il pas plus puissant s’il trouvait vraiment écho parmi les dirigeants du secteur minier, hommes et femmes? Nous avons assez discuté, nous devons passer à l’action pour accroître l’équité, la diversité et l’inclusion dans l’industrie minière canadienne.

ICM : L’importance de mobiliser des alliés et commanditaires masculins a été une partie importante des discussions lors du Gender Summit. Comment amorcer la construction d’un tel réseau?

Mme Spink : Je pense que la meilleure façon de le faire est de commencer par l’éducation. Les personnes qui prennent les décisions et établissent la culture d’une organisation doivent entendre le genre de discussions que nous avons eues lors du Gender Summit, sinon elles n’adhéreront pas au changement nécessaire. La volonté d’agir doit venir de l’intérieur. Au bout du compte, tout est une question d’éducation et de leadership, d’avoir ce genre de conversations, de faire preuve d’humilité et de dire « Je ne sais pas quoi faire, apprenez-moi. » Quand d’autres sociétés s’engageront et observeront l’analyse de rentabilité, puis commenceront à constater les succès monétaires de l’inclusion, nous pourrons alors aller ensemble de l’avant. En outre, c’est la meilleure chose à faire.