J.C. Doyle. Avec l’aimable autorisation d’ODENetwork
Aujourd’hui plus que jamais, l’industrie minière est confrontée à de grandes pénuries de main-d’œuvre et à une forte concurrence avec d’autres industries à la recherche des mêmes compétences. Il est primordial de nouer des relations avec des marchés du travail plus diversifiés pour répondre aux besoins actuels et futurs. Le secteur minier le fait-il ? Oui et non.
L’industrie s’est appliquée à embaucher davantage de femmes et de membres des minorités visibles. Toutefois, les stratégies de diversité, d’équité et d’inclusion (DÉI) sur le lieu de travail qui visent les groupes sous-représentés au-delà des considérations de genre et d’ethnicité attireront une main-d’œuvre encore plus vaste et variée.
Toute entreprise qui recrute intentionnellement des personnes présentant un handicap aura accès à un vaste réservoir de talents, constitué de personnes compétentes et qualifiées qui ne sont pas prises en compte. Le problème est que, trop souvent, le handicap est laissé à l’écart des stratégies de DÉI.
Les difficultés liées à l’embauche, et les solutions
D’après le rapport 2020 Canadian Mining Labour Market Outlook (Perspectives 2020 du marché du travail dans l’industrie minière canadienne) du conseil des ressources humaines de l’industrie minière (RHiM), l’industrie doit prévoir d’embaucher près de 80 000 travailleurs dans les dix années à venir. Les difficultés sont les suivantes :
» D’autres secteurs connaissent les mêmes pénuries et sont en concurrence pour les mêmes personnes à la recherche d’un emploi, dans un réservoir de main-d’œuvre qui diminue en raison des faibles taux de chômage.
» Les vagues de travailleurs partant à la retraite compliquent par ailleurs la pénurie de main-d’œuvre. D’après le rapport « Aperçu du marché du travail dans l’industrie minière au Canada » du RHiM, 6 600 travailleurs prendront chaque année leur retraite en 2029-2030.
La solution à cette pénurie de main-d’œuvre dans le secteur minier doit inclure le recrutement de travailleurs présentant un handicap.
D’après un rapport de 2019 de TD Economics intitulé « Les Canadiens avec incapacité : une occasion à saisir », les sociétés n’embauchant pas de personnes handicapées ne seront pas concurrentielles.
En 2013, Emploi et Développement social Canada (EDSC) publiait le rapport « Repenser l’inCapacité dans le secteur privé » du Groupe de travail spécial sur les possibilités d’emploi des personnes handicapées. Ce rapport indiquait que près de 800 000 Canadiens handicapés en âge de travailler sont aptes au travail, mais sont sans emploi. En cause, les obstacles qu’ils rencontrent lors de la phase de recrutement.
Sur ces 800 000 personnes, près de 43 % (soit environ 340 000 personnes) ont fait des études ou sont diplômés du troisième cycle.
Le handicap ne cesse d’augmenter. À l’heure actuelle, environ 22 % des Canadiens (soit 6,2 millions de personnes de plus de 15 ans) souffrent d’un handicap. Ce chiffre devrait atteindre 25 % d’ici 2025.
Les personnes handicapées représentent le plus grand groupe minoritaire au monde. Le handicap ne fait pas de discrimination, et chacun et chacune de nous peut y être confronté(e) à un moment donné (d’autant plus à mesure que nous prenons de l’âge).
Les avantages et les obstacles
Outre le fait que l’accès à l’emploi est un droit humain fondamental, les avantages professionnels ne sont pas négligeables. Un rapport de 2018 d’Accenture indiquait que les sociétés ayant une culture d’inclusion du handicap affichent de meilleurs résultats que celles qui ne la prennent pas en compte, avec des revenus supérieurs de 28 %, des marges de profit supérieures de 30 % et un maintien en fonction des employés supérieur de 90 %.
Les recherches montrent que les comportements et les préjugés à l’égard des personnes ayant un handicap sur le lieu de travail constituent les deux principaux obstacles à leur embauche. Ces malentendus portent notamment sur des mythes omniprésents concernant le handicap et l’emploi, à savoir :
Mauvais rendement des travailleurs handicapés. Une étude de DuPont de 30 ans révèle que 90 % des personnes handicapées ont une cote de rendement « moyenne » ou « supérieure » au travail.
Manque d’assiduité des travailleurs handicapés. Toujours d’après cette étude de DuPont, le relevé de l’assiduité de 86 % des employés en situation de handicap est « moyen » ou « supérieur » au travail.
Respect des protocoles de sécurité par les travailleurs handicapés. Les recherches montrent que les personnes handicapées travaillent dans des conditions de sécurité supérieures aux autres employés. Ils prennent moins de risques, se conforment souvent davantage aux protocoles de formation et suivent davantage les routines que les autres employés.
Rotation importante des travailleurs handicapés. Par rapport aux autres membres du personnel, les travailleurs handicapés sont cinq fois plus susceptibles de rester à un poste. Les taux de maintien en poste sont de 72 % supérieurs à ceux des employés sans handicap.
Coûts élevés des travaux d’aménagement des logements pour les personnes handicapées. Des recherches de plusieurs années menées par le Job Accommodation Network (JAN, le réseau d’aide à l’hébergement pour un emploi) montrent que l’adaptation de logements aux besoins des personnes handicapées ne coûte pas beaucoup, voire pas du tout plus chers que les autres logements. Parmi les employeurs interrogés, 37 % évoquaient une dépense unique qui s’élève à 500 dollars.
Déplacez votre centre d’attention
Les sociétés qui souhaitent aller de l’avant doivent promouvoir l’inclusivité dans leurs activités. C’est aussi simple que cela.
Lorsqu’il est question de recruter, les sociétés doivent cesser de se restreindre à l’idéal d’un candidat ou d’une candidate traditionnel(le) et se concentrer davantage sur les véritables « incontournables », à savoir les compétences et capacités techniques et non techniques pour réussir dans un rôle spécifique.
De mon point de vue, les points suivants sont « incontournables » pour un recrutement réussi tenant compte de la DÉI :
» Avoir une stratégie d’inclusion du handicap qui est intentionnelle et présente des cibles et des résultats clairs et mesurables.
» S’adresser de manière directe et sincère aux personnes en situation de handicap.
» Intégrer l’inclusion des personnes handicapées dans les activités existantes de sensibilisation et de développement de la main-d’œuvre. Par exemple, l’industrie minière s’efforce de mobiliser et de former la prochaine génération de travailleurs. Assurez-vous de faire participer les étudiants ayant un handicap aux stages, aux programmes de mentorat, aux programmes d’alternance travail-étude et aux emplois d’été. Communiquez avec les établissements d’enseignement supérieur. En outre, créez des liens avec les prestataires de services et d’emploi qui sont au service de personnes handicapées.
» Utilisez des sites d’emploi promouvant l’inclusion des personnes handicapées pour réunir des informations et trouver des personnes qualifiées (Jobs Ability Canada fait partie de ces nouvelles plateformes de recrutement innovantes).
» Sensibilisez vos équipes aux questions de handicap et développez leur confiance. Établissez le contact avec des organisations se spécialisant dans ce domaine.
Le changement d’attitude doit émaner de l’équipe de direction, qui accordera aux directeurs et aux superviseurs l’appui nécessaire à tous les niveaux.
Sortez des sentiers battus, multipliez vos efforts, suivez l’exemple pour réussir
Sortez de votre zone de confort. Faites ce que Vale a fait dans son exploitation brésilienne pour entamer sa quête d’inclusion des personnes handicapées.
En 2016, Vale a embauché 208 personnes ayant un handicap par le biais d’une campagne d’orientation des employés promue en interne et sur les réseaux sociaux. L’année suivante, Vale indiquait qu’au Brésil, environ 1 700 employés en situation de handicap occupaient un large éventail de postes, dont des postes opérationnels. Ceci a déconstruit le mythe selon lequel le handicap est un obstacle aux activités minières. Vale Brésil s’est fixé l’objectif en 2021 d’inclure dans sa main-d’œuvre 5 % de personnes handicapées. En septembre 2022, Vale Brésil comptait 2 700 personnes handicapées dans sa main-d’œuvre (5,5 %).
Il est grand temps de suivre l’exemple de Vale. À long terme, l’abandon dans la poussière des mines des questions d’inclusion des personnes handicapées n’aura pas une incidence positive sur votre société.
J.C. Doyle est un spécialiste en matière de diversité, d’équité et d’inclusion à l’Ontario Disability Employment Network (ODEN, le réseau de l’emploi ontarien au service des personnes handicapées).
Traduit par Karen Rolland