Cette machine de traçage Herrenknecht pour le fonçage de puits utilisée dans le projet Woodside de Sirius Minerals est un modèle de deuxième génération, qui intègre les enseignements tirés après l’utilisation du modèle original de la société en Saskatchewan dans le cadre du projet d’exploitation de la potasse à la mine de Jansen. Avec l’aimable autorisation de Herrenknech
En avril 2019, le projet d’exploitation de la potasse de la mine de Jansen de BHP en Saskatchewan est entré dans l’histoire lorsque deux de ses puits, de 10 mètres de diamètre et environ un kilomètre de profondeur chacun, ont été creusés à l’aide de l’excavation mécanique et sans explosifs. La shaft boring roadheader (SBR, une machine de traçage pour le fonçage de puits) a été développée par Herrenknecht, une société allemande spécialisée dans les tunneliers. Le projet a prouvé qu’il était possible de remplacer le forage et l’abattage à l’explosif par le fonçage de puits mécanique, une technique extrêmement précise, et de renforcer la sécurité de cette tâche en tenant le personnel à l’écart de la zone d’excavation.
Ce projet, le premier en son genre, soulignait également l’ingéniosité, la capacité d’adaptation et la ténacité de toutes les parties impliquées, qu’il s’agisse de Herrenknecht et BHP (une société australienne basée à Melbourne spécialisée dans le traitement et l’extraction de minéraux, de pétrole et de gaz) ou de DMC Mining Services, une société basée à Vaughan, en Ontario, chargée de creuser les puits. Ces sociétés ont également tiré de précieux enseignements qu’elles pourront appliquer à leurs futurs projets. Deux SBR de deuxième génération sont utilisées dans le projet d’exploitation de la potasse de Nezhinsky d’IOOO Slavkaliy en Biélorussie, et deux autres viennent d’être livrées pour le projet Woodsmith de Sirius Minerals en Angleterre.
Comment fonctionne une SBR
La SBR est une adaptation des systèmes avancés de tunneliers horizontaux de la société Herrenknecht, qui ont été utilisés dans des projets internationaux dédiés aux services publics et à la circulation routière tels que le tunnel de base du Saint-Gothard (le tunnel ferroviaire le plus long au monde qui traverse les Alpes suisses) ainsi que le tunnel Eurasia (un tunnel autoroutier subaquatique passant sous le Bosphore en Turquie).
« Nous utilisons une technologie existante. L’automate programmable, toutes les commandes et les armoires électriques proviennent tous du tunnelier mais ont été adaptés afin de creuser un puits et non pas un tunnel », expliquait Steffen Dubé, directeur de projet à Herrenknecht pour le projet Jansen. « Essentiellement, nous renversons le tunnelier afin de creuser verticalement, et remplaçons la roue de coupe par une machine de traçage. »
L’engin est équipé d’un bras articulé qui peut être automatisé ou contrôlé par un(e) opérateur(– trice) dans une cabine située à 20 ou 30 mètres au-dessus du tambour d’abattage. Mis à part pour les changements de poste des préposés à l’entretien et au triage, les travailleurs n’auront jamais à se rendre dans la galerie d’excavation. La machine découpe tout d’abord des tranchées dans le sol dans le sens des aiguilles d’une montre, effectuant cinq coupes de jusqu’à 200 millimètres de profondeur chacune. À mesure que la SBR creuse, un système pneumatique de marinage récupère la roche désagrégée et l’envoie en surface pour son élimination. « Il s’agit d’un gigantesque aspirateur », déclarait Danny Harquail, directeur du développement de projets miniers chez Herrenknecht.
Le cycle est ensuite répété en abaissant la SBR d’un mètre à la fois. Le personnel, protégé de la zone d’excavation active par un bouclier, renforce alors la paroi du puits en ajoutant le revêtement. Avec une SBR, on peut creuser un puits plus rapidement qu’avec le forage et l’abattage à explosif car la machine peut effectuer plusieurs tâches pendant le processus. « La SBR nous permet de faire trois choses en même temps », expliquait Dieter Trödel, responsable du fonçage de puits chez DMC Mining. « Nous pouvons procéder à la coupe, placer des points d’ancrage et appliquer un revêtement simultanément. »
Enseignements tirés
Les SBR à la mine de Jansen, qui ont commencé à creuser le premier puits en décembre 2012 et le second en mai 2013, ont rencontré des difficultés et des retards. En 2014, les activités ont été suspendues en raison, principalement, d’une géologie qui posait problème, notamment des aquifères et des zones minéralisées séparées par des filons de sel et d’argile. Un autre ralentissement est intervenu lorsque les SBR ont heurté des roches compétentes dures à 470 mètres de profondeur. Avant de commencer l’excavation, le puits a été gelé de manière à créer une paroi de glace protégeant les travailleurs et l’équipement.
À chaque enjeu rencontré, l’équipe s’adaptait et développait des solutions.
Lorsqu’ils ont heurté la roche dure, les membres de l’équipe ont remplacé le coussinet du tambour de coupe et doublé la puissance totale de la machine.
Pour éviter que le matériel humide ne bouche le système de marinage, ils ont dévié le circuit de la tuyauterie à vide.
Ces enseignements ont été mis en application sur les générations suivantes de SBR. L’une des modifications auxquelles a procédé Herrenknecht sur les SBR les plus récentes consistait à augmenter la puissance du tambour de coupe de 400 kW à 600 kW. « Le couple mécanique est désormais plus puissant au niveau de la haveuse », indiquait M. Harquail. « Nous avons ajusté nos vérins de poussée de manière à ce qu’ils soient plus perpendiculaires à l’excavation réelle, plus alignés avec le mouvement du bras articulé et qu’ils aient plus de force de poussée. »
Les troisième et quatrième SBR construites pour le projet de Nezhinsky ont commencé à creuser les puits à la mi-décembre 2018 et fin janvier 2019. Une année plus tard, les machines avaient atteint la moitié de la profondeur finale de 725 mètres. « À ce stade en Biélorussie », indiquait M. Harquail, « la SBR pourrait bien être légèrement plus rapide que l’abattage à l’explosif. Dans un des cas, les machines ont creusé 88 mètres en un mois ».
La société a aussi adapté la conception du système de stabilisation afin de réduire la vibration. « C’est probablement l’un des plus grands changements que l’on a fait sur la machine », indiquait M. Harquail. « Sur la première machine, les réas se trouvaient tout en bas, aussi toutes les cordes traversaient la machine. Désormais, les réas se trouvent sur la partie supérieure de la machine. » D’après M. Trödel, le fait que les cordes soient placées sur la partie inférieure réduisait la surface occupée réellement utilisable sur chaque plateforme.
La société a aussi modifié le système de filtration. « Sur les premières SBR, les filtres étaient presque alignés avec les silos, aussi on devait parfois transférer une grande quantité de poussière fine des silos dans les filtres, ce qui exigeait davantage de nettoyage », indiquait M. Harquail. « Nous avons changé l’emplacement des filtres pour les placer au-dessus des silos ; on a désormais l’équivalent d’un système cyclonique et tous les matériaux traversent le silo. »
La sécurité, le plus gros argument de vente
Chaque SBR coûte à peu près 20 millions de dollars ; les dépenses en capital pour la technologie correspondent donc environ au double de la technique de forage et d’abattage à l’explosif, expliquait M. Trödel. En termes de coûts, bien entendu. Les puits à Jansen ont toutefois été creusés sans un seul accident mortel, et seulement quelques incidents mineurs ont été enregistrés en surface, sans lien aucun avec les SBR. Aucun incident n’a été enregistré à Nezhinsky. « Nous sommes fiers de nos machines », indiquait M. Harquail. « À ce jour, nous n’avons eu aucun incident entraînant un arrêt de travail. »
C’est un accomplissement important. « Il y a dix ans, dans une exploitation normale où l’on avait recours à la méthode de forage et d’abattage à l’explosif, la sécurité était reléguée au second plan pour beaucoup », déclarait M. Trödel.
« Pour 500 mètres de puits creusé, on s’attendait à perdre une personne. L’industrie a fait son possible pour tenter d’inverser cette tendance. Beaucoup s’efforcent de ne plus envoyer leurs employés au front de taille. »
Tournés vers l’avenir
Herrenknecht poursuit ses activités de recherche et de développement sur cette technologie. Ses ingénieurs étudient la possibilité de développer une SBR qui associe l’abattage à l’explosif au fonçage de puits mécanique.
« Ce ne sont que des idées pour l’instant », expliquait M. Harquail. « On pourrait envisager de suffisamment surélever la machine pour avoir un système de guidage distinct. Ceci permettrait de hisser la machine de manière autonome pour éviter les éventuels dégâts liés à l’explosion et de la rabaisser une fois l’abattage à l’explosif terminé. Essentiellement, de notre point de vue, l’idée est d’éliminer les périodes d’attente et de tirer profit de ce que la machine peut faire dans le puits, sans obliger le personnel à être physiquement présent au niveau des gradins. »
Traduit par Karen Rolland