Le Luxembourg, qui annonçait en février son intention de créer un cadre juridique applicable à l’exploitation minière dans l’espace, a indiqué début mai avoir signé une entente avec Deep Space Industries (DSI), une société de recherche spatiale américaine. L’entente porte sur le développement d’un prototype d’engin spatial visant à tester des technologies d’exploitation minière d’astéroïdes.

 

Tout juste un mois plus tôt, Deltion Innovations, une entreprise du nord de l’Ontario, obtenait un contrat de l’Agence spatiale canadienne (ASC) pour le développement d’une foreuse capable d’extraire des ressources sur Mars et la Lune.

 

Ces contrats reflètent l’intérêt grandissant du Canada et du Luxembourg à l’égard de l’exploitation des ressources de l’espace, activité à laquelle d’autres pays, comme les États-Unis et la Chine, consacrent énormément d’efforts. Le président Barack Obama a signé la Space Act of 2015 en novembre, qui autorise les citoyens à extraire et à exploiter les ressources de l’espace. Plus récemment, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni ont signé une entente de partenariat afin de mettre au point et de partager des technologies d’exploration, et en mai, le Danemark a adopté une loi visant à réglementer les activités dans l’espace.

 

« Le niveau de prix est présent, et cela commence à être intéressant sur le plan économique. Je crois que l’exploitation minière dans l’espace va devenir réalité, notamment parce que les agences spatiales s’y intéressent, tout comme le fera très bientôt le secteur privé », a affirmé le chef de la direction de Deltion, Dale Boucher.

 

L’entente conclue avec le petit pays européen prévoit que DSI mettra au point Prospector-X, un engin spatial expérimental devant tester ses technologies dans l’orbite basse terrestre.

 

DSI fera l’essai de trois technologies principales au moyen de Prospector-X en vue de se préparer pour son engin spatial Prospector-1 : un système de propulsion utilisant de l’eau comme carburant, un système de navigation optique et un système électronique d’aviation. « Dès que nous aurons validé ces technologies, nous les installerons dans un engin spatial plus gros et plus robuste adapté à l’espace lointain », a expliqué Meagan Crawford, vice-présidente, Communications, à DSI. Prospector-1 irait explorer les astéroïdes afin de repérer des cibles minières potentielles et permettre à DSI de mettre au point un équipement d’exploitation minière adapté à ces astéroïdes.

 

Deltion, entreprise établie à Capreol, en Ontario, travaille sur ce que Dale Boucher décrit comme un « couteau suisse de l’ère spatiale ». L’outil, qui pèsera environ cinq kilos, pourra être fixé à un bras robotique et déployer six pièces aux fonctions diverses, notamment le forage de différentes formations rocheuses, la collecte d’échantillons et le vissage de boulons.

 

« Ce domaine donné ne nous est pas étranger, et nous avons d’ailleurs énormément appris depuis 16 ans sur la façon de construire de l’équipement d’exploitation minière », a affirmé M. Boucher. Il a ajouté que Deltion travaille depuis 2000 avec la NASA et l’ASC à développer des foreuses et des excavateurs. « Nous pouvons intégrer ce savoir-faire au prototype de vol. »

 

Le contrat de 700 000 $ prévoit que Deltion a jusqu’à l’été 2017 pour fabriquer un outil qui sera testé dans des environnements terrestres extrêmes, notamment dans des climats polaires et désertiques. Il ne pourra pas être utilisé dans l’espace, mais pourrait être utilisé comme un prototype à perfectionner.

 

Deltion confie également des contrats de sous-traitance à deux autres entreprises ontariennes. Neptec Design Group, dont certains produits sont déjà utilisés dans l’espace, mettra à contribution ses compétences en ingénierie, et Atlas Copco fournira des services de nature mécanique.

 

« [L’exploitation minière spatiale est] vraiment une nouvelle frontière », a déclaré Gilles Leclerc, directeur général de l’exploration spatiale à l’ASC. « Le but premier est scientifique. Toutefois, nous sommes bien conscients que les ressources ont des applications. »

 

La technologie mise au point pour l’espace peut également être utilisée dans des conditions difficiles sur Terre, a-t-il précisé, et bien qu’au moins une dizaine d’années nous séparent de cette réalité, le marché futur de l’exploitation minière spatiale pourrait représenter un potentiel énorme pour les entreprises canadiennes.

 

« La première entreprise qui exploitera des ressources spatiales aura réellement une longueur d’avance », a affirmé M. Leclerc.

 

De son côté, M. Boucher estime que l’exploitation minière spatiale pourrait également s’avérer utile pour acheminer des ressources, comme de l’eau, aux astronautes.

 

« Pour explorer au-delà de la station spatiale, ou pour n’importe quel voyage extraplanétaire, nous devons pouvoir transporter nos provisions avec nous », a-t-il expliqué. « Cependant, plus les explorateurs s’aventurent loin, plus cela coûte cher de les approvisionner en eau. »

 

Mme Crawford a elle aussi affirmé que DSI est surtout intéressée à accéder à l’eau contenue dans les astéroïdes. « L’eau joue un rôle important au chapitre de l’habitat humain, de l’eau potable et de l’air, et de la protection contre le rayonnement », a-t-elle expliqué. « De plus, étant donné sa composition, elle se transforme en hydrogène et en oxygène ; elle devient du carburant pour fusées. L’eau contient une énergie potentielle considérable. »

 

Transporter du combustible dans l’espace peut coûter jusqu’à 50 millions de dollars par tonne métrique, estime Chris Lewicki, chef de la direction de Planetary Resources qui, l’an dernier, a lancé son engin spatial Arkyd 3 Reflight de la Station spatiale internationale pour tester sa technologie d’exploitation d’astéroïdes.

 

Les matériaux extraits pourraient également être ramenés et vendus sur Terre, ce qui inclut des ressources en combustible potentielles pour l’avenir. Par exemple, souligne M. Boucher, il est prévu que le gaz hélium 3  alimente les nouvelles centrales nucléaires. Le gaz est présent sur la Terre, mais pas en quantités importantes. On en trouve toutefois des quantités considérables sur la Lune.

 

Les astéroïdes sont censés renfermer du fer, du nickel et du cobalt, et les roches présentes dans l’espace pourraient receler des quantités de métaux du groupe platine « cent fois plus importantes » que les mines les plus productives sur Terre, a souligné M. Lewicki.

 

Toute éventuelle activité d’exploitation minière spatiale risque d’entraîner d’importantes difficultés diplomatiques. Selon M. Leclerc, les règles internationales des Nations Unies, notamment le Traité de l’espace de 1967, stipulent que l’espace appartient à tout le monde et interdit l’appropriation nationale de corps célestes.

 

« Il y a donc un conflit entre ce qui peut être revendiqué aux fins d’exploitation commerciale et la propriété », a affirmé M. Leclerc. « Le cadre international n’a pas été établi. » Entre-temps, dit-il, il faudra encore mener quantité de travaux scientifiques afin de mieux comprendre la Lune, les astéroïdes et les autres corps exploitables.

 

« Certes, il s’agit d’un aspect intrigant, mais potentiellement déstabilisant. »

Traduit par CNW