Group 11 Technologies teste un système de récupération de l’or in situ sans cyanure dans le cadre du projet d’exploitation aurifère de Rattlesnake Hills de GFG Resources, dans le Wyoming. Avec l’aimable autorisation de GFG Resources

Le cyanure ne fait généralement pas partie de la liste des produits de la vie courante dont les prix augmentent. Toutefois, c’est un élément essentiel dans le domaine de l’exploitation aurifère et, de nos jours, il est coûteux.

En mars 2022, le Financial Times (FT) indiquait que le prix du cyanure avait augmenté de 25 % à 30 % sur tous les marchés internationaux. Cette annonce précédait la fermeture des centres de fabrication en Europe par Draslovka (qui, selon le FT, est le plus gros producteur au monde de cyanure de sodium utilisé dans le traitement de l’or et de l’argent) en raison des coûts énergétiques faramineux, rendant la production trop peu lucrative. En mai, le FT indiquait également que Barrick « se constituait des réserves pour cinq mois - et non plus trois - de cyanure, d’explosifs et d’autres matières premières essentielles dans un contexte d’inflation galopante, exacerbée par la guerre en Ukraine ».

Plus de 90 % des producteurs d’or dans le monde utilisent le cyanure. Ainsi, c’est sans surprise que Transparency Market Research prévoit une hausse de la valeur de cette industrie de 2,4 milliards de dollars américains en 2021 à 3,6 milliards de dollars américains d’ici la fin de l’année 2031.

Cette croissance du marché se produira alors même que les producteurs d’or et les organisations du secteur de la technologie cherchent des manières de réduire ou de totalement éliminer le cyanure de leurs circuits de traitement des minerais, à la fois pour réduire les coûts et améliorer la rentabilité, mais aussi pour renforcer les efforts en matière d’environnement et de durabilité.

Réduction du cyanure

La société québécoise Corem met au point un procédé pour recycler le cyanure au travers de cycles répétés de lixiviation de l’or, et en utilise donc moins. Comme l’expliquait Patrick Laflamme, métallurgiste principal spécialisé dans la recherche à Corem, ce procédé est semblable à ce que d’autres innovateurs ont tenté, mais il va plus loin. « Certains procédés cherchent à récupérer la première partie, à savoir le cyanure libre et le complexe de cyanure faible, qui est commercialisée. Toutefois, aucun procédé n’existe pour la partie principale du thiocyanate, que l’on considère comme un produit dérivé majeur de la cyanuration. C’est ce qui est totalement nouveau dans notre procédé. »

Corem a reçu un financement du gouvernement de 2,1 millions de dollars ainsi que 100 000 dollars de la part du gouvernement provincial du Québec en 2020. Son procédé à quatre étapes fonctionne comme suit :

1. La pulpe récupérée en fin de circuit de cyanuration est séparée en solides et liquides, puis le liquide est caractérisé de manière à identifier les précurseurs potentiels du cyanure.

2. Le cyanure libre résiduel est récupéré. La récupération est possible en ajoutant de l’acide et en vaporisant le cyanure. Un floculant est ensuite ajouté, et les métaux sont récupérés.

3. La régénération du cyanure se fait à partir du thiocyanate en ajoutant de l’ozone. Le cyanure régénéré se volatilise, puis la solution est caractérisée et neutralisée.

4. Le gaz de cyanure d’hydrogène est récupéré et réinjecté dans le circuit de lixiviation par le biais de la distribution du flux gazeux pour permettre la lixiviation de l’or.

« Le complexe de cyanure métallique dissociable de l’acide faible reprend sa forme de cyanure lorsqu’on ajoute de l’acide, et peut être vaporisé et récupéré sous forme de gaz », expliquait M. Laflamme. « Une phase d’oxydation se produit ensuite à partir de ce qu’il reste, ce qui transforme le thiocyanate en cyanure. Ces deux flux de cyanure sont mélangés, puis renvoyés dans le circuit pour la lixiviation de l’or. »

Corem teste son procédé au complexe minier LaRonde d’Agnico Eagle, dans la région de l’Abitibi dans le nord-ouest du Québec. Comme l’expliquait Claude Bolduc, directeur de l’exploitation et de la métallurgie à Agnico Eagle, la société minière avait commencé à chercher des moyens de réduire son utilisation de cyanure en 2015 afin de minimiser l’incidence de ses activités sur l’environnement. Toutefois, les tentatives antérieures n’étaient pas réalisables à grande échelle. Concernant l’approche de Corem, elle exigeait d’Agnico Eagle qu’elle mette en œuvre certains changements durant le traitement afin de permettre la régénération.

« Nous avons dû trouver une nouvelle manière d’injecter le cyanure dans le procédé », indiquait M. Bolduc. « Pendant la régénération, il faut injecter le cyanure dans la pulpe. Ainsi, nous devons trouver un moyen de le faire afin que le gaz soit absorbé pour réduire les risques pour la santé et la sécurité. Ce procédé n’est pas simple, mais n’est pas non plus complexe au point de ne pas pouvoir être réalisé. »

Le procédé a été testé à l’automne 2021. Une autre série d’essais est prévue pour le printemps 2023, mais à ce jour, les résultats sont prometteurs. D’une utilisation à l’autre, on constate une régénération du cyanure de 78 %.

« La solution de Corem était une manière de réduire notre incidence sur l’environnement. Nous n’envoyons pas de cyanure dans la nature. Le cyanure qui n’est pas utilisé est détruit. C’est la raison pour laquelle nous développons ce genre de procédé », indiquait M. Bolduc.

Benoit Levasseur, directeur scientifique à Corem, expliquait que si l’essai visant à valider certaines parties à des fins commerciales est encore en cours, ce procédé a déjà fait ses preuves.

« À Corem, nous essayons de combler certaines lacunes afin de relier les éléments fondamentaux au procédé appliqué de l’usine. De ce point de vue, les lacunes concernant la régénération du cyanure ont été comblées. Nous continuerons à effectuer des essais pour finaliser le projet afin qu’il atteigne la faisabilité économique », indiquait M. Levasseur.

D’après M. Bolduc, le procédé pourrait être validé pour une utilisation commerciale dans les cinq années à venir. Les coûts d’exploitation sont considérablement réduits si l’on peut récupérer ou réutiliser l’intégralité ou presque du cyanure utilisé dans le processus de lixiviation. On réalise également des économies car il n’est plus nécessaire de traiter autant de déchets découlant de ce procédé, ajoutait M. Laflamme.

Extraction sans cyanure

GFG Resources est une petite société minière située à Saskatoon. Elle s’intéresse principalement à des projets de la région de Timmins, en Ontario, mais gère aussi le projet aurifère de Rattlesnake Hills, dans le Wyoming. D’après le président et directeur général Brian Skanderberg, le site du Wyoming « possède un beau gisement aurifère de taille moyenne qui a été relativement bien foré ». Le gisement atteint des profondeurs de 400 mètres et présente « de grandes portions qui sont oxydées ».

Group 11 Technologies, une société du Wyoming, cherche à appliquer à l’extraction de l’or des techniques de récupération propres à l’industrie de l’uranium. La société avait déjà bien avancé en utilisant un produit de lixiviation à base d’eau sans cyanure et non invasif baptisé EnviroLeach, produit par EnviroMetal Technologies, pour extraire l’or du concentré dans le Yukon, donnant lieu à des récupérations exceptionnelles atteignant 96 %. L’équipe technique de Group 11 est dirigée par Dennis Stover, dont les travaux sur la récupération in situ de l’uranium ont été publiés par l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Le gisement de Rattlesnake Hills serait intéressant pour le Group 11. Il est situé dans l’État du Wyoming qui, selon M. Skanderberg, est un territoire abritant déjà des sites d’uranium in situ et qui est propice à l’obtention de permis axés sur les nouvelles technologies. Ainsi, les deux sociétés ont décidé de signer un accord d’entreprise commune. Cet accord prévoit que GFG mette à disposition le site, et que Group 11 développe son procédé là-bas, dans le but de prouver la faisabilité de la technique et d’atteindre la production commerciale. Group 11 effectuera des paiements échelonnés sous forme de capitaux propres et en espèces à GFG, et pourra devenir propriétaire à 70 % au maximum du projet. GFG préservera les 30 % restants. Si le projet ne devenait pas commercialement viable, la propriété intégrale reviendrait à GFG.

Group 11 a mené ses premiers essais à Rattlesnake Hills et a publié les résultats en 2021.

« La lixiviation a donné de biens meilleurs résultats que ce que nous espérions », indiquait Janet Lee-Sheriff, présidente et cofondatrice de Group 11. « Nous avons mené des essais sur des roches concassées et des roches entières, et nous ne nous attendions pas à ce que les roches entières donnent de très bons résultats. Pourtant, nous avons récupéré environ 64 % de l’or dans la carotte, avec des résultats similaires pour les gisements de roches concassées. » La société attend désormais l’été prochain avec impatience, lorsqu’elle testera de nouvelles carottes pour voir si elle obtient des résultats aussi satisfaisants. « Nous effectuerons trois forages d’essai dans différentes zones du gisement », indiquait Mme Lee-Sheriff. « Nous mènerons aussi une série de trous de forage de puits d’eau pour commencer les travaux d’hydrologie. Nous avons déjà commencé les travaux sur l’environnement. »

Mme Lee-Sheriff indiquait que le coût initial de l’agent de lixiviation utilisé par Group 11 est supérieur à celui du cyanure. Toutefois, compte tenu des coûts finaux de la remise en état nécessaire en cas d’utilisation du cyanure, les économies réalisées grâce à ces autres options ne sont pas négligeables. « La récupération in situ d’un solvant non toxique est un peu comme de la plomberie. On verse de l’eau, on ajoute le solvant, on pompe à l’aide de puits et d’une installation comparable à une usine de traitement de l’eau pour extraire le métal présent dans le liquide, puis on fait recirculer l’eau et le solvant. Lorsque l’on a fini, on rince bien l’eau et on la récupère pour une utilisation dans sa catégorie d’origine, de l’eau. Cette technologie a été créée il y a plus de 50 ans pour l’uranium, et 60 % de l’extraction d’uranium a désormais lieu in situ pour une bonne raison. Elle est économique et responsable du point de vue environnemental. »

Le solvant présente l’avantage supplémentaire d’être recyclable. D’après Mme Lee-Sheriff, le même solvant a été utilisé pour chacun des 17 essais menés dans le Yukon, ce qui pourrait réduire davantage les coûts des intrants. Elle ajoutait que c’est pendant les essais dans le Yukon que le solvant a été testé pour la première fois sur le terrain.

Au-delà de l’aspect économique, M. Skanderberg ajoutait qu’il est important de développer des procédés écologiquement responsables. « Un groupe comme le nôtre cherche toujours à trouver une nouvelle voie ainsi que des solutions qui pourraient changer la façon dont l’industrie fonctionne », indiquait-il. « Les changements et l’évolution sont lents dans l’industrie minière. Il existe réellement nombre de nouvelles technologies qui, par nature, changent notre manière de travailler. Quand on envisage des changements progressifs, celui-ci pourrait bien en être un. Si l’on trouve un moyen de remplacer le cyanure dans la récupération de l’or, les retentissements seront importants, pas seulement pour l’exploitation minière in situ, mais pour l’ensemble de l’industrie. »

Traduit par Karen Rolland