L’équipe de l’ICaRN visite la mine de Grasberg en Papouasie (Indonésie) lors d’un voyage d’étude. Avec l’aimable autorisation de l’ICaRN
L’expérience est un outil indispensable pour la planification et la construction d’une mine. Mais que se passe-t-il lorsqu’on se trouve à 1 000 mètres sous terre dans des conditions inhabituelles sans bénéficier de pratiques exemplaires éprouvées ? C’est un enjeu que rencontrent communément ceux qui développement des mines profondes et des exploitations massives avec la méthode de foudroyage par blocs.
Conscients de ce problème, des chercheurs de l’université de la Colombie-Britannique (UBC) ont uni leurs forces pour créer un nouveau réseau dédié au développement et à la diffusion de nouveaux outils et modèles au profit de l’industrie.
Lancé en 2019, l’International Caving Research Network (ICaRN, le réseau de recherche international sur le foudroyage) a été fondé par Allan Moss, président de Sonal Mining Technology et actuellement président de l’ICaRN, Erik Eberhardt, directeur du département de géologie appliquée à l’UBC, Bern Klein, professeur au Norman B. Keevil Institute of Mining Engineering (l’institut Norman B. Keevil de génie minier) de l’UBC, Craig Hart, directeur de l’unité de recherche sur les gisements miniers de l’UBC et Andrew Csinger, président exécutif du Centre for Innovation in Mineral Resources Engineering (CIMRE, le centre d’innovation dans le domaine du génie des ressources minérales).
Une douzaine d’étudiants mènent des recherches par le biais de l’ICaRN, et le réseau collabore actuellement avec deux partenaires de l’industrie (Newcrest Mining Limited et Freeport-McMoRan Inc.) qui lui accordent un financement ainsi qu’un accès à leurs sites et à leurs données sur une période de trois ans (des discussions sont en cours pour prolonger cet engagement). Ce réseau a été conçu sur le modèle de la Bradshaw Research Initiative for Minerals & Mining (BRIMM, l’initiative de recherche Bradshaw sur les minéraux et les mines) de l’UBC.
M. Eberhardt, directeur fondateur de l’ICaRN, explique pourquoi il faut envisager de nouvelles méthodes d’exploitation minière à mesure que l’on creuse plus profond.
L’ICaRN étudie l’écaillage et l’éclatement induits par la contrainte : a) exemple de rupture fragile (écaillage) et foisonnement (distension directionnelle) autour d’une excavation soumise à une forte contrainte ; b) illustration du comportement de la masse rocheuse rencontré avec l’exploitation minière profonde dominé par une rupture fragile de type ductile dans des conditions de faible isolement (zone intérieure) et par le cisaillement dans des conditions d’isolement intense (zone extérieure) ; c) enveloppe de rupture trilinéaire correspondante montrant la transition de l’écaillage en faible isolement au cisaillement dans des conditions d’isolement intense à un seuil de UCS/10. Avec l’aimable autorisation de l’ICaRN
L’ICaRN élargit ses domaines de recherche et sa capacité. Actuellement, le réseau mène des études sur le triage par capteurs (qui incluent notamment des activités de gestion de la teneur, une approche intégrée de la mine et du concentrateur dans le cadre de la méthode d'exploitation au moyen du foudroyage par blocs baptisée cave-to-mill, ou approche « du foudroyage au concentrateur », ainsi que de nouvelles technologies de mesure), une analyse des types de foudroyage et des stratégies de gestion des risques, ainsi que le développement des connaissances relatives au corps minéralisé.
D’après M. Eberhardt, l’un des objectifs de l’ICaRN est de réduire, voire d’éliminer le cloisonnement des connaissances relatives à l’exploitation minière. Même au sein des grandes sociétés minières, expliquait-il, il est courant que les différents départements ne partagent pas les informations. En réunissant diverses disciplines, notamment la géologie, la géologie appliquée et l’exploitation minière, il espère que l’expertise pourra être mise en commun et que la collaboration pourra commencer.
Environnement à fortes contraintes
M. Eberhardt veut également s’assurer que les sociétés minières comprennent que les conditions différentes dans l’exploitation minière profonde affectent le comportement des roches. Ces dernières ont tendance à être plus fragiles, par exemple, ce qui entraîne toutes sortes de ruptures.
« La rupture que nous rencontrons dans ces excavations profondes est le résultat d’un mécanisme fragile. Elle se produit en raison des caractéristiques physiques des fortes contraintes dans une roche solide. De ce fait, la roche s’écaille ou peut même éclater », indiquait M. Eberhardt. Il ajoute qu’en comprenant le processus d’éclatement, on créera différents systèmes de soutènement, des systèmes qui pourront gérer les risques multiples.
« L’éclatement pourrait engendrer de grosses déformations. On peut atténuer le risque d’accident en maîtrisant l’éclatement ; en outre, les déplacements importants qui l’accompagnent peuvent surcharger le système de soutènement et requérir une remise en état considérable de ce système. Ceci entraîne généralement la perte d’un point de soutirage ou d’un tunnel d’accès, responsable d’interruptions au niveau de la production et des calendriers », expliquait M. Eberhardt. Il ajoutait que l’ICaRN étudiera de près la réaction en chaîne des perturbations et tentera de déterminer comment améliorer la planification et la fiabilité.
Travaux de thèse de doctorat de Thierry Lavoie montrant la modélisation 3DEC en couches croisées de l’écaillage des piliers et la performance des soutènements, comparant les dégâts en termes de rupture fragile induite par les contraintes et le foisonnement (déplacements horizontaux) dans différents scénarios de pression imposée aux soutènements à la fin du cheminement des contraintes dans l’exploitation au moyen du foudroyage par blocs. Avec l’aimable autorisation de l’ICaRN
Dans un autre exemple des recherches menées par l’ICaRN qui requièrent ce qu’il appelle « une expertise croisée », M. Eberhardt décrit des travaux en cours visant à mieux comprendre les situations de coulée de boue ou de morts-terrains humides, où les eaux souterraines ou de surface se mélangent à la colonne minéralisée, entraînant l’écroulement soudain du point de soutirage. L’équipe de l’ICaRN étudiant ce problème s’en remet à ses collègues de l’UBC, qui ont de grandes connaissances en matière de coulée de débris de surface et transmettent leur savoir aux exploitations minières.
« Aucun outil numérique n’aide réellement les ingénieurs et les exploitants miniers à prévoir les risques entourant les coulées de boue. L’un de nos programmes menés dans le cadre de l’ICaRN porte sur une recherche pluridisciplinaire croisée s’adressant aux personnes ayant de l’expérience en matière de coulée de débris et ayant développé des outils numériques sophistiqués pour la prévoir, qui appliquent ces connaissances aux exploitations minières souterraines et créent de nouveaux outils permettant de prévoir les risques de coulée de boue », expliquait-il.
Travaux en cours
Comme l’expliquait M. Eberhardt, l’industrie minière est ouverte aux nouveaux outils et modèles mathématiques à partir du moment où ils présentent des avantages.
« C’est indéniable, l’industrie minière est conservatrice lorsqu’il est question de l’exécution des décisions. Comme vous le savez, cette industrie fait face à de graves problèmes et la sécurité est au cœur de ses priorités ; ainsi, elle se montre très conservatrice dans les décisions qu’elle prend par rapport à ce qui est mis en œuvre. Cependant, le secteur est réceptif aux outils qui peuvent aider et contribuer au processus décisionnel. »
M. Eberhardt insiste sur l’importance des partenaires de l’industrie pour faire passer le message concernant la disponibilité de nouveaux outils et techniques, tout comme la collaboration avec des conseillers et des prestataires de services qui peuvent transmettre les résultats de l’ICaRN aux clients. La publication dans des revues spécialisées de l’industrie et scientifiques aide également les chercheurs à diffuser leurs résultats.
Il y a encore beaucoup de travail avant que l’ICaRN ne soit totalement opérationnel. La création d’un site Internet est en cours, il faut rallier d’autres partenaires de l’industrie et les chercheurs s’efforcent d’organiser des visites de sites miniers et d’établir des projets. M. Eberhardt espère également que le réseau s’étendra au-delà de l’UBC.
« Notre vision est de sensibiliser et d’intégrer d’autres institutions universitaires, de créer un véritable réseau qui permettra la fertilisation des idées par le croisement des disciplines et l’inclusion d’une expertise différente en fonction des besoins », indiquait-il. « À mesure que l’ICaRN se développe, nous devons renforcer cette capacité en incluant d’autres universités qui mènent des recherches intéressantes sur ce thème. »