En 2022, Champion Iron commencera à tester la fonction autonome des foreuses électriques de Caterpillar qu’elle utilise à sa mine du Lac Bloom. Avec l’aimable autorisation de Champion Iron

Dans le domaine de l’équipement minier, Caterpillar est un géant de l’innovation qui a repoussé les limites en matière de développement de technologies minières autonomes.

Dans le registre des histoires à succès audacieuses du secteur minier, citons Champion Iron, qui a débuté avec peu d’atouts dans son jeu mais dont l’ingéniosité lui a permis, contre toute attente, de venir à bout d’obstacles gigantesques. Ces quatre dernières années, la société est passée du statut de jeune pousse spécialisée dans l’exploration à une société qui a transformé le projet d’exploitation de minerai de fer du Lac Bloom. Qualifiée de peu viable et placée en faillite par son précédent propriétaire, l’exploitation est aujourd’hui en plein essor. Son projet d’agrandissement d’un demi-milliard de dollars lui permettra de doubler la production à la mine l’année prochaine, pour atteindre chaque année une production de 15 millions de tonnes de concentré de fer à haute teneur. Ces deux sociétés unissent aujourd’hui leurs forces pour élever la flotte de foreuses électriques du Lac Bloom au niveau supérieur en l’équipant de fonctions d’automatisation totale et en intégrant l’intelligence artificielle (IA) et l’analytique de pointe à la stratégie de forage dite Drill-to-Mill (D2M, de la foreuse à l’usine).

Simultanéité

La mine du Lac Bloom de Champion, située dans le nord-est du Québec à environ 30 kilomètres de Wabush, en Terre-Neuve-et-Labrador, est une exploitation à ciel ouvert détenue et exploitée par Minerai de fer Québec (MFQ), une filiale de Champion. Lorsque la société a acheté la mine en 2017, elle a hérité de foreuses électriques Caterpillar, plus précisément de deux foreuses pour trous de mine Bucyrus 49HR et d’une foreuse à moteur diesel MD6640, ainsi que d’une pelle hydraulique Cat 6060 et de deux pelles électriques RH340. Hydro-Québec alimente la mine en électricité, aussi Champion a décidé d’électrifier son exploitation afin de réduire ses émissions. Avant la réouverture de Lac Bloom, la société a remplacé les anciennes chaudières à mazout, très énergivores, par une chaudière à circuit hydraulique, et ses camions de roulage, qui transportaient le minerai et les résidus miniers, par un convoyeur de 3,5 km.

Plus tôt dans l’année, Champion était à la recherche de nouveaux équipements électriques pour le développement de Lac Bloom, et l’agence de Wabush de Toromont Cat, un fournisseur indépendant de Caterpillar, a répondu à l’offre.

En gardant un œil sur sa technologie de forage semi-autonome avant de passer au niveau supérieur entièrement autonome, Caterpillar a étudié l’exploitation du Lac Bloom de Champion ainsi que son approche structurée et progressive pour mettre en œuvre de nouvelles technologies. « C’était une occasion exceptionnelle de mener des essais et de valider nos technologies dans des conditions réelles », indiquait Sean McGinnis, responsable des produits à l’international et directeur de l’exploitation préposé aux technologies minières à Caterpillar.

Le fabricant a demandé à Champion si un partenariat l’intéressait pour développer ses technologies de forage autonome.

Champion a saisi cette occasion.

« Nous avons annoncé notre partenariat avec Cat et avons décidé de devenir une mine entièrement équipée avec des machines Caterpillar », déclarait Alexandre Belleau, directeur de l’exploitation de Champion. « C’était important pour Caterpillar, car nous allons être une vitrine des nombreux aspects de leurs technologies et allons aider à les diffuser. Pour nous, c’est une manière de profiter des tout derniers progrès de la flotte de Cat. C’est aussi très gratifiant pour nos équipes de participer au processus de recherche et développement de cette technologie. »

À cette même période, Dominic Lajeunesse, directeur de l’excellence opérationnelle de Lac Bloom à Champion, et Christophe Deschênes, son surintendant en génie minier, exploraient la possibilité de développer une technologie D2M pour Lac Bloom qui pourrait exploiter les données recueillies en temps réel sur les foreuses en appliquant l’intelligence artificielle (IA) et l’analytique afin d’optimiser les activités de la mine à l’usine de concentration.

« C’est une idée que nous couvons depuis des années », indiquait M. Lajeunesse. « La stratégie D2M consiste surtout à respecter les ressources que nous extrayons et à ne pas les gaspiller. » C’est la manière la plus rentable de gérer une mine, en termes de la façon dont nous utilisons l’énergie, pour garantir le taux de récupération le plus élevé à l’usine et pour ne pas envoyer du minerai dans les résidus. En termes de mise en valeur des mines, si l’on ne procède pas correctement, on finira par transporter davantage de déchets miniers et notre consommation d’énergie augmentera.

La passion de MM. Lajeunesse et Deschênes pour l’amélioration de l’empreinte environnementale de la mine du Lac Bloom et sa réussite a une histoire. Lorsque Champion a rouvert Lac Bloom (qui avait été fermée par son précédent propriétaire, Cliffs Natural Resources), elle a embauché les 500 employés qui avaient été licenciés. Aujourd’hui, ces mêmes employés sont fiers de collaborer avec les dirigeants de Champion, notamment avec le chef de la direction David Cataford, qui a quitté un poste de direction à Cliffs juste avant que la mine ne ferme, et a mené la mine à sa réussite.

« Nous étions là lorsque la mine a rouvert ses portes », déclarait M. Lajeunesse. « Mais nous étions aussi là en 2014 lorsqu’elle a fermé. À l’époque, nous nous sommes serré les coudes et nous avons été témoins des changements à la mine, depuis ses débuts jusqu’à la mise en œuvre de nouvelles technologies. »

La direction de Champion accepte avec plaisir les idées innovantes de son équipe. Ainsi, elle a incité ses ingénieurs à contacter Jonathan Peck de Peck Tech Consulting, une société montréalaise spécialisée dans l’innovation technologique qui menait des recherches sur la stratégie D2M depuis des décennies.

« D’après les discussions que nous avons eues avec John Peck », indiquait M. Lajeunesse, « le concept existe depuis longtemps. Mais aujourd’hui, grâce aux progrès réalisés en matière d’intelligence artificielle et à la technologie à notre disposition, il devient une possibilité réelle ».

Il s’avère que Peck travaillait également avec Caterpillar sur l’avancement de sa technologie D2M. Au travers de Peck, Caterpillar s’est trouvée encore plus motivée pour collaborer avec Champion et son « équipe hautement qualifiée à Lac Bloom », déclarait M. McGinnis.

Peu de temps après, Champion a été contactée par Caterpillar qui lui demandait si elle souhaitait collaborer avec Cat pour le développement de son système D2M.

« C’est plutôt flatteur qu’une entreprise de l’envergure de Cat nous demande de faire équipe avec elle dans le développement de ce système », indiquait M. Belleau.

Les avantages

Étape par étape, Caterpillar, Toromont et Champion installeront le système de forage autonome avancé de Caterpillar sur les trois foreuses électriques Caterpillar du Lac Bloom. Des foreuses électriques télécommandées, semi-autonomes et entièrement autonomes seront progressivement mises en fonction.

À terme, une fois terminé l’agrandissement de la mine du Lac Bloom d’ici la fin du premier semestre 2022, quatre foreuses supplémentaires seront commandées et mises en service. Durant le processus, les deux sociétés réuniront également des données à partir des foreuses et collaboreront pour développer l’intelligence artificielle de la stratégie D2M de Caterpillar.

Les possibilités offertes par une flotte de foreuses entièrement autonomes pour améliorer la productivité à Lac Bloom et réduire les coûts sont énormes. Une fois le projet terminé, Lac Bloom disposera de sept foreuses fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à une capacité optimisée. Cela permettra d’éliminer le temps perdu entre les postes des opérateurs et résultant des erreurs humaines, ou émanant d’humains craignant de faire des erreurs.

« Chaque fois qu’une exploitation peut améliorer son efficacité, elle ne se contente pas d’économiser de l’argent. Elle réduit aussi ses déchets et sa consommation d’énergie, une ressource précieuse », indiquait M. Belleau.

Avec le soutien de Toromont, Champion a lancé la première phase du projet à l’automne 2021, lorsqu’elle a installé la suite logicielle de collecte de données de Caterpillar sur le système de cabine d’une foreuse, afin de réunir des données pour le projet D2M. Cette phase devrait se terminer en décembre. En 2022, la société commencera une deuxième phase, qui consistera à mener des essais intensifs du système semi-autonome, une foreuse après l’autre. L’équipe espère équiper les trois foreuses du système semi-autonome d’ici le printemps prochain, et installer le système télécommandé sur l’une d’elles. Les progrès seront étroitement surveillés.

« Nous allons les observer attentivement », indiquait M. Lajeunesse. « Nous voulons confirmer que les données sont bonnes, que les fonctions de communication du système fonctionnent bien et que le système semi-autonome atteint la performance attendue. Ce n’est pas simple. Nous devons tout tester. »

Dans la troisième phase du projet, les opérateurs de la foreuse semi-autonome seront transférés de la cabine vers un lieu situé à quelques mètres seulement de la foreuse, leur permettant ainsi de surveiller sa performance visuellement. Ils seront ensuite amenés dans un autre lieu, dans un bureau, où chacun d’eux pourra gérer trois foreuses semi-autonomes. Enfin, durant la quatrième phase, les foreuses seront mises en service pour un forage entièrement autonome 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.


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Collecte de données

Tout au long des quatre étapes du projet d’automatisation, des données seront collectées sur les foreuses, puis utilisées pour améliorer le système D2M. « Nous collectons toutes ces données de manière à identifier, à chaque étape, les problèmes possibles, puis à valider les solutions », indiquait M. Deschênes. « Cela nous permettra d’être fin prêts pour l’étape suivante. »

Si l’équipe de Champion est enthousiaste face aux avantages du forage entièrement autonome à Lac Bloom, elle est purement et simplement transportée face au niveau supérieur d’efficacité que pourrait conférer la D2M à son exploitation. « Tout commence par la géologie, l’exploration et notre interprétation de l’information pour comprendre notre corps minéralisé », expliquait M. Belleau. « Tout le reste en dépend. La première grande mesure que nous prenons pour l’exploitation concerne le forage. »

Participation des employés

Champion a consulté les équipes du Lac Bloom préposées au forage et à l’abattage avant d’accepter le partenariat avec Caterpillar. Il est primordial de tenir compte de l’avis de toute l’équipe pour augmenter les chances de réussite du projet, indiquait-il.

« Si l’on n’informe pas les personnes dont le travail est voué à changer, des doutes et des soupçons vont s’installer », déclarait M. Deschênes. « Notre but n’a cependant jamais été de supprimer des emplois. Nous souhaitions améliorer la performance et réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Si nos employés peuvent évoluer avec nous dans ce projet, leurs qualifications n’en seront qu’améliorées. »

Lac Bloom n’aura pas besoin de gérer le changement une fois l’automatisation mise en œuvre. De fait, les employés ont participé depuis le début à cette évolution, et la société les considère comme des éléments précieux du processus d’automatisation et au-delà. Champion aura besoin de tout autant de foreurs après l’automatisation, indiquait M. Belleau. Leurs compétences seront toutefois élargies, et ils seront désormais les experts en forage entièrement autonome du Lac Bloom.

L’une des difficultés liées à l’automatisation totale des foreuses électriques est qu’elles doivent être reliées au réseau électrique de la mine par un grand câble, lequel pourrait être accidentellement endommagé pendant le forage entièrement autonome. Caterpillar a une stratégie pour s’assurer que l’ordinateur de bord empêche ce genre d’incident de se produire. Mais Champion a décidé de faire preuve d’initiative et a ajouté une série de caméras autour de la fosse principale du Lac Bloom. Cette idée était l’aboutissement d’une réflexion collective à laquelle ont pris part les équipes de forage et d’abattage de la mine.

« On ne souhaite pas que la détection d’un câble vienne entraver la mise en œuvre de l’autonomie totale », déclarait M. Lajeunesse. « Les foreurs pourront voir ce qu’il se passe sur le terrain à partir de leur bureau, et pourront agir en conséquence s’il y a un problème avec le câble », ajoutait-il.

Du point de vue de Pierre-Olivier Lamy, directeur des solutions technologiques à Toromont Cat, « le paradigme est de trouver des solutions, et ces caméras sont primordiales pour le projet et pour nous aider à identifier des choses que nous ne pourrions probablement pas voir sans elles ».

Tous les ingrédients de la réussite du projet sont réunis, indiquait M. Lajeunesse. « Pour ce qui est de la gestion du projet, à mon avis, la technologie existe, nous bénéficions du soutien quotidien des ingénieurs de Toromont et les équipes de forage et d’abattage ont jusqu’à présent été exceptionnelles. Elles sont indissociables du succès de cette initiative. Ce sont elles qui mèneront ce projet jusqu’aux sommets qu’il peut atteindre, et elles qui nous incitent à repousser nos limites et à améliorer notre fonctionnement. »

Traduit par Karen Rolland