La technologie Mag-Xtract de Cyclic Materials isole les aimants des produits recyclés en fin de vie. Avec l’aimable autorisation de Cyclic Materials
Cyclic Materials, une entreprise en démarrage basée à Kingston en Ontario, cofondée en 2021 par Ahmad Ghahreman et Patrick Nee, prévoit de contrer la pénurie anticipée au Canada de minéraux critiques en devenant la première société en son genre à créer une véritable chaîne d’approvisionnement circulaire pour les éléments des terres rares (ÉTR).
La technologie propriétaire Mag-Xtract de la société permettra d’extraire les aimants et les métaux d’une large gamme d’articles en fin de vie (EOL, de l’anglais end-of-life), tels que des disques durs, des véhicules électriques (VÉ) et des appareils d’imagerie par résonance magnétique (IRM), et de les convertir en oxydes mixtes de terres rares (MREO, de l’anglais mixed rare earth oxides), en hydroxydes de nickel et cobalt et en d’autres matériaux variés. Cette technologie permet de recycler quatre principaux types d’aimants de tout produit en fin de vie que reçoit Cyclic Materials, à savoir du néodyme, du samarium-cobalt, de l’alnico et de la ferrite.
Ces dernières années, la société a connu une croissance stable. L’année dernière, elle ne comptait que trois employés, mais elle en compte désormais 26 à plein temps, ainsi que 27 entrepreneurs sous contrat de diverses sociétés locales qui soutiennent ce projet.
M. Ghahreman, qui était professeur à l’université Queen’s, a contribué à la création de l’équipe de recherche en métallurgie extractive la plus nombreuse et aussi la mieux financée de l’université. Il se souvient des premiers jours de la société alors qu’il la dirigeait seul depuis son garage. Il y a trois ans, il est entré en contact avec M. Nee, et leur collaboration sur le recyclage des éléments des terres rares a commencé.
M. Nee, qui est aussi vice-président des partenariats stratégiques de la société, est chargé de trouver les matières premières que Cyclic Materials prévoit de recycler avant de vendre le produit final. M. Nee expliquait que dans la plupart des cas, la société essaie de vendre le produit recyclé aux mêmes sociétés qui lui ont vendu les matières premières, de manière à créer des relations circulaires.
Le processus de recyclage
Comment Cyclic Materials recycle-t-il les matériaux EOL qu’il acquiert ? Tout d’abord, les matériaux EOL sont envoyés à l’usine pilote « de collecte et de distribution » de la société. Ils sont placés sur un transporteur à courroie en vue de séparer les matériaux ferreux des non-ferreux. Ils sont ensuite décomposés en métaux communs à l’aide de la technologie Mag-Xtract de la société.
« En réalité, [Mag-Xtract] consiste à séparer les aimants des autres métaux », déclarait M. Ghahreman à la presse pendant une visite des usines pilotes de la société à Kingston le 27 février dernier. « De là, nous obtenons un matériau magnétique. »
M. Nee expliquait qu’on peut comparer le processus de Mag-Xtract à un bout de pain duquel on extrait de la farine de ses miettes. « Nous devons trouver cette petite partie et en retirer l’élément très précieux qui se trouve à l’intérieur », indiquait-il.
Ce matériau magnétique est ensuite renvoyé vers le « centre » pilote de la société, où il est décomposé et recyclé via un processus hydrométallurgique, laissant derrière lui des MREO. Le processus permet également d’extraire d’autres matériaux précieux tels que de l’hydroxyde de nickel et cobalt et du bore. Toutes les matières mises au rebut sont ensuite revendues à l’industrie des déchets métalliques. Comme le faisait remarquer M. Ghahreman, l’industrie des déchets métalliques est bien établie au Canada, aussi la plupart des villes disposent d’un chantier de ferraille qui acceptera de récupérer ces matériaux. À Kingston, Kimco Steel, une société locale, rachète les déchets métalliques de Cyclic Materials.
Les plateformes de collecte et distribution de la société sont basées à Kingston, dans différents sites à proximité l’un de l’autre. Certains des principaux enjeux qu’a rencontrés la société jusqu’ici portent sur les longs délais de livraison de l’équipement, délais qui s’étaient particulièrement accentués au pic de la pandémie de COVID-19. « Une autre difficulté que nous avons rencontrée concernait l’augmentation du volume de nos produits, de manière à pouvoir fournir suffisamment de matériau aux éventuels acquéreurs pour prouver que nous produisons des matériaux de haute qualité, équivalents à ceux qui sortent d’une mine », indiquait M. Ghahreman.
L’usine pilote « de collecte et de distribution » a commencé à fonctionner en septembre 2023. Sa capacité nominale de traitement des matières premières est de 8 000 tonnes par an. Dans cette phase pilote, l’usine de collecte et de distribution peut produire 2 200 livres (soit presque une tonne) de matériau recyclé par heure. Cyclic Materials a déjà commencé à identifier des sites pour une usine de collecte et de distribution à l’échelle commerciale aux États-Unis, qui devrait être huit fois plus grande que celle actuellement en service. Elle a aussi déjà négocié avec les vendeurs d’équipement dont aura besoin l’usine.
L’usine pilote de collecte et de distribution de Cyclic Materials est entrée en service fin 2022. Les activités devraient augmenter ce printemps, lorsque la société ouvrira les portes de son installation hydrométallurgique servant de centre de démonstration commerciale. Cette plaque tournante commerciale, qui devrait officiellement ouvrir ses portes à Kingston au second semestre 2024, permettra à la société de recycler des matériaux magnétiques à partir de déchets EOL.
D’après la société, une fois que toutes les usines servant de plaques tournantes commerciales fonctionneront à pleine capacité, le recyclage des matériaux EOL devrait fournir les matériaux nécessaires pour la production de 6 300 000 moteurs utilisés dans les VÉ. La société indiquait qu’elle est actuellement le seul producteur de MREO d’aimants en dehors de l’Asie, et la seule société le produisant à partir du recyclage des déchets post-consommation.
L’impact
M. Ghahreman insistait sur l’importance des ÉTR dans la production d’aimants nécessaires pour toute une gamme d’applications. « Nous avons besoin d’ÉTR pour fabriquer des aimants permanents, les aimants les plus puissants de la planète », expliquait-il. « Ces aimants permanents sont utilisés dans les VÉ et les turbines éoliennes. » Il insistait sur la demande croissante d’ÉTR. En 2022, indiquait-il, le marché équivalait à environ 15 milliards de dollars américains. Aujourd’hui, on estime qu’il devrait atteindre 45 milliards de dollars américains d’ici 2035.
Si la société reconnaît que l’ouverture de nouvelles mines est nécessaire pour répondre à la demande prévue en ÉTR en raison de l’électrification, M. Ghahreman déclarait que les sociétés concentrant leurs efforts sur le recyclage (comme Cyclic Materials) sont également indispensables pour répondre à la demande prévue. Cette approche circulaire réduira aussi la dépendance continue à l’égard de la Chine.
« Notre intention était de n’utiliser aucune technologie issue de Chine dans [les activités de Cyclic Materials]. Nous ne voulons dépendre de la Chine à aucune étape de notre développement technologique », indiquait-il. « Cette " séparation " de la chaîne d’approvisionnement est véritablement essentielle. De fait, si les sociétés achètent des matériaux et qu’aucune chaîne d’approvisionnement ne peut les transformer en aimants, nous serons face à un problème. »
Il ajoutait que les gouvernements peuvent gérer ce problème en finançant des projets similaires à ceux que la société mène afin de « recréer l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement en Occident ».
Outre son objectif d’essayer de réduire la dépendance en ÉTR du Canada à l’égard de pays comme la Chine, la société a également l’intention d’être une usine sans déchets une fois que la plateforme aura atteint sa phase commerciale en 2025. La société réduit déjà les charges environnementales inhérentes au marché des ÉTR. D’après Cyclic Materials, l’empreinte carbone des ÉTR qu’elle produit actuellement est inférieure à 25 % de celle des ÉTR extraits par exploitation minière. Par ailleurs, la technologie développée par la société évite l’utilisation de produits chimiques agressifs, ne perturbe pas le sol et utilise seulement 2 % de l’eau généralement nécessaire pour extraire les ÉTR.
« C’est important d’être conscients de notre environnement lorsqu’on développe un processus tel que celui-ci », indiquait M. Ghahreman. « L’eau que nous utilisons est redirigée dans le processus, puis les impuretés restantes sont éliminées. »
Lorsqu’on a demandé à MM. Ghahreman et Nee la raison pour laquelle la société était basée à Kingston, ils ont évoqué quelques raisons logistiques, notamment sa proximité à d’autres villes telles qu’Ottawa et Montréal, rapidement accessibles par l’autoroute 401. En outre, l’université Queen’s, qui propose un programme de génie réputé, offre des possibilités aux étudiants de rejoindre l’équipe dans une alternance travail-études, et constitue une excellente réserve de talents qui, une fois leur diplôme obtenu, seront précieux pour les recrutements.
La ville s’est également montrée d’un grand soutien vis-à-vis de l’industrie des métaux et des minéraux, ainsi que de l’industrie du recyclage. « Dans le créneau de la métallurgie et du recyclage, [Kingston] est devenue une référence dans le monde qui reflète un effet circulaire vertueux », indiquait M. Nee.
Partenariats
En 2022, Cyclic Materials a signé un protocole d’entente avec Polestar, le fabricant de VÉ, pour aider la société à trouver des fournisseurs d’aimants au niveau national. Polestar fournit le matériau EOL à Cyclic Materials, la société sépare les aimants puis renvoie les aimants recyclés à Polestar, qui les réutilisera dans de nouveaux moteurs.
Plus récemment, au mois de mars, Cyclic Materials a fait équipe avec Vacuumschmelze (VAC), une société allemande qui développe des matériaux et des solutions magnétiques. Elles ont signé une entente dans le cadre de laquelle Cyclic Materials recyclera les produits dérivés de VAC contenant des minéraux critiques.
« Ce partenariat représente un vote de confiance dans nos capacités et nos plans de croissance par un partenaire qui est un fabricant de renommée en Europe », indiquait M. Ghahreman. « Kingston est un écosystème métallurgique bien connu et un chef de file national dans le traitement des métaux. C’est aussi un chef de file international aux capacités éprouvées dans les mines et la métallurgie, ainsi que les processus de recyclage. »
Traduit par Karen Rolland