Atlas Copco met une technologie de chargement autonome à l’essai sur son chargeur-transporteur de 14 tonnes ST14 à Kvarntorp, en Suède. Avec l’aimable autorisation de Atlas Copco

Les chargeurs-transporteurs d’aujourd’hui peuvent réaliser deux de leurs fonctions éponymes de façon autonome. Mais personne jusqu’à maintenant n’a mis au point un système permettant de les charger efficacement et uniformément sans directives humaines, pour une raison malheureusement bien simple : chaque coup de pelle déplace et modifie le tas de pierres. Et dans les conditions souterraines sombres et poussiéreuses où les caméras vidéo s’utilisent difficilement, le chargement autonome pose un défi particulier.

« Le creusage nécessite beaucoup de discernement humain », a affirmé Joshua Marshall, professeur adjoint au laboratoire des systèmes miniers de l’Université Queen’s. « Il est très difficile de reproduire les gestes humains à l’aide d’une machine. »

Depuis des années, les chercheurs tentent de trouver des solutions, la plupart à l’aide d’une approche intelligente traditionnelle, c.-à-d. en collectant des données pour tenter de reproduire le jugement humain et d’enseigner le chargement à la machine. « Par exemple, on peut demander à un opérateur de creuser plusieurs fois et tenter d’utiliser des réseaux d’apprentissage sophistiqués pour montrer à la machine comment bien creuser », a expliqué M. Marshall. « Mais au bout du compte, personne n’a élaboré un système commercialement viable. »

Un pas de géant pour le chargement autonome

Atlas Copco prévoit lancer un nouveau système de chargement pour les chargeurs-transporteurs souterrains au début de 2017. La technologie provient d’un projet de recherche mené par Andrew Dobson, étudiant de troisième cycle à l’Université Queen’s à l’époque, et s’inspire d’un rapport de recherche de 2008 de M. Marshall, son conseiller.

« Quand on dirige un robot creuseur sur la Lune à partir de la Terre, les commandes prennent simplement trop de temps pour atteindre le robot pour que le creusage soit efficace », a indiqué M. Dobson, qui travaille désormais pour Clearpath Robotics. « Donc, si on peut automatiser les commandes à haute fréquence nécessaires pour creuser, on peut creuser plus efficacement sur d’autres planètes comme sur Terre. »

Le nouveau système se fonde sur la nouvelle approche radicale de M. Marshall en matière de chargement autonome utilisant le contrôle de l’admission, et qui « aborde le problème à l’envers par rapport à la plupart des gens en robotique », selon M. Marshall. « On se penche ainsi sur la robotique du point de vue de la modification de l’admission, c.-à-.d. la relation force-vitesse entre le chargeur et le tas de déblais. »

L’objectif consiste à s’assurer qu’il y a juste assez d’interaction entre le godet et la roche pour remplir le godet. « On ne veut pas fournir trop de déblais, car le godet restera pris », a indiqué M. Marshall. « Et on ne veut pas fournir une force trop faible, car on ne remplira pas assez bien le godet. Il faut donc maintenir un certain degré d’interaction entre le godet et la roche pendant le creusage. Il se trouve que si on tente de maintenir ce degré d’interaction, le creusage s’effectue parfaitement bien chaque fois. »

Plutôt que d’essayer de reproduire l’intelligence humaine complexe, la solution de M. Marshall permet à la machine de travailler dans un environnement sombre et poussiéreux grâce à une autre qualité humaine. « C’est très tactile, un peu comme essayer de se servir dans un bocal de bonbons avec une cuillère les yeux fermés, alors que notre main doit nous guider. C’est exactement ce qu’on fait. Des capteurs dans les cylindres hydrauliques de la machine servent de guide. Lorsque le godet s’enfonce, des forces y sont appliquées et la pression sur les cylindres fluctue; on utilise ces signaux de pression pour déterminer le degré d’interaction entre le godet et la roche. »

En 2012, avec l’assistance de Clearpath Robotics, l’équipe de l’Université Queen’s a modernisé un chargeur Kubota R520S d’une tonne afin de permettre l’automatisation et l’a doté d’une nouvelle solution logicielle. On a apporté un tas de roche dans le laboratoire des systèmes miniers, et l’équipe a réussi ces études sur le terrain. C’est à ce moment que M. Marshall a rencontré un représentant d’Atlas Copco lors d’une conférence et qu’il lui a décrit le projet.

D’un laboratoire universitaire à la commercialisation

Atlas Copco a envoyé à Kingston, en Ontario, Ola Pettersson, le directeur de groupe des utilisations de chargeurs-transporteurs pour l’entreprise installée en Suède, pour voir ce qui suscitait tant d’enthousiasme. Il a été impressionné par M. Marshall et le projet.

« Quand je suis rentré chez moi, j’ai dit qu’il fallait qu’on lance un projet de recherche avec ces gens-là », a confié M. Pettersson. À la fin 2013, M. Dobson s’est rendu en Suède pour travailler avec Atlas Copco sur la modification du code pour un chargeur-transporteur intégral de 14 tonnes, le ST14 d’Atlas Copco. M. Marshall l’a suivi peu après pour les aider à le peaufiner. Ils ont achevé le projet en quelques mois, et Atlas Copco a acquis la propriété intellectuelle de l’Université Queen’s.

Dotée du logiciel pour construire un chargeur-transporteur qui pourrait enfin charger, transporter et décharger de façon autonome, Atlas Copco a commencé à parler de commercialisation... et c’est là que le projet s’est heurté à un obstacle courant en exploitation minière : la résistance au changement. « Quand on se penche sur l’étude de cas, on s’aperçoit qu’il se vend très peu de machines entièrement autonomes », a expliqué M. Pettersson. « C’est souvent difficile de convaincre les clients d’adopter de l’équipement autonome. On a donc peaufiné le projet et décidé que la meilleure solution serait de faire quelque chose de différent et de créer une fonction d’assistance au chargement qu’on pourrait ajouter à n’importe quel chargeur. À notre avis, cette solution serait particulièrement intéressante pour les chargeurs commandés par télécommande radio. »

Aujourd’hui, les opérateurs de mine souterraine qui utilisent des chargeurs-transporteurs doivent remplir les godets à distance pour une question de sécurité, souvent sans bien voir ce qu’ils font. « Notre fonction d’assistance au chargement pour les machines manuelles commandées à distance peut aider à remplir les godets efficacement de façon sécuritaire et autonome, et on peut ensuite commander la machine manuellement », a expliqué M. Pettersson. « Il suffit d’avoir la main sur la manette et [de lui indiquer de creuser] pour que la machine se mette à creuser de façon autonome. Dès qu’on lâche la manette, elle arrête de creuser. C’est pourquoi on parle d’assistance au chargement. On ne confie jamais l’autorité au système. Et on n’a pas besoin d’ajouter de nouveaux capteurs ou un système de sécurité, car la fonction émule essentiellement le fonctionnement d’une télécommande. »

En plus de bien creuser de manière autonome et uniforme, le système d’Atlas Copco, qui sera offert comme logiciel de mise à niveau pour tous les chargeurs-transporteurs de l’entreprise, comprendra la capacité de recueillir des données sur chaque creusage, permettant ainsi aux opérateurs de comparer le creusage manuel et autonome. « Je crois que les sociétés minières doivent constater les faits elles-mêmes avant d’adopter les machines entièrement autonomes. C’est ce que nous avons également vu avec les foreuses de surface », a-t-il poursuivi. « Lorsque les sociétés voient les données, elles se ravisent rapidement et veulent avoir le système tout de suite. Mais il faut du temps pour les convaincre. »

Traduit par CNW