Le nouveau Frontier Bowl de Sepro Mineral Systems présente un profil de riffle quasi-parabolique. Avec l’aimable autorisation de Sepro Mineral Systems

Diodore de Sicile, historien grec qui a vécu entre l’an 30 et l’an 60 avant J.-C, narrait un jour les activités d’extraction aurifère menées en Nubie, une région de l’est de l’Égypte, au temps des premiers pharaons. Il décrivait un travailleur qualifié plaçant du minerai broyé sur une planche et « y versant de l’eau. La matière terreuse, fondant sous l’action de l’eau, coule le long de la planche inclinée, alors que celle contenant de l’or reste sur le bois en raison de son poids ».

La description de ce procédés est connue. Cette technique fondamentale consistant à utiliser de l’eau et les forces gravitationnelles pour séparer les métaux précieux tels que l’or lourd des autres matériaux plus légers a encore cours de nos jours. Après des milliers d’années et des progrès technologiques multiples, l’industrie a toutefois l’avantage de disposer de concentrateurs gravimétriques automatisés qui récupèrent de grandes quantités d’or à des hautes teneurs. En outre, la technologie ne cesse d’évoluer.

« Il y a 20 ans, un très petit sous-groupe d’installations d’extraction aurifère pensait avoir besoin de concentrateurs gravimétriques lorsque l’or était très brut. Ces technologies n’ont cessé de s’améliorer, et les concentrateurs gravimétriques permettent désormais de récupérer de l’or toujours plus fin », indiquait Alex Frey, ingénieur principal des procédés de fabrication à Sepro Mineral Systems Corp., qui commercialise un concentrateur gravimétrique baptisé Falcon.

La densité relativement haute de l’or, à 19,3, par rapport à la roche hôte dont la densité relative varie généralement de 2,4 à 4, le rend particulièrement sensible à la séparation par gravité. La récupération de l’or par un circuit de traitement à gravité repose actuellement sur les concentrateurs. Le principe fondamental est que les particules (ou les schlamms) sont envoyées dans le concentrateur gravimétrique qui est composé d’une centrifugeuse verticale giratoire ou décanteuse, où l’on ajoute de l’eau pour les fluidifier. Les particules finiront par se déposer à mesure que l’eau dissipe les matériaux, et les particules ayant une densité relative supérieure (par exemple l’or) se déposent plus rapidement et peuvent être récupérées. La première version commercialisée de concentrateur gravimétrique automatisé a été créée en 1980 par Byron Knelson (suivi de concurrents tels que Sepro avec son concentrateur Falcon en 1987). Ceci a entraîné des améliorations importantes en termes de qualité, de quantité et de sécurité de la récupération de l’or.

David Anthony, directeur général de la société de Vancouver Asante Gold Corporation, travaille dans l’industrie minière depuis plus de 40 ans et se souvient d’avoir testé un concentrateur Knelson à la fin des années 1980. « À l’époque, je me demandais l’utilité d’une chose pareille, mais j’avais totalement tort », indiquait-il. Les concentrateurs gravimétriques sont aujourd’hui considérés comme des éléments essentiels de ses exploitations, ajoutait-il. De fait, en devenant propriétaire de la mine d’or de Chirano au Ghana, M. Anthony indiquait qu’Asante viendra ajouter une usine de traitement par gravité qui inclut un concentrateur Knelson et devrait être opérationnelle d’ici le deuxième trimestre 2023. « Dans certains cas, j’ai constaté que même en modernisant une usine de récupération par gravité, la teneur de tête [de l’or] augmente souvent même si la récupération n’augmente pas, car on trouve et on récupère de l’or que personne ne pensait trouver ici. La lixiviation au carbone (CIL, de l’anglais carbon-in-leach) de l’or à 30 ou 40 microns peut ne pas le dissoudre totalement en 24 ou 36 heures. La partie non dissoute se retrouvera dans les résidus, mais ne sera pas forcément détectée. »

L’automatisation des concentrateurs gravimétriques d’or, indiquait M. Anthony, permet une activité constante et améliore également la sécurité physique de l’or. « La récupération de l’or par gravité à l’aide de calibres et de tableaux reposait sur une approche très pratique et la sécurité était impossible à vérifier » indiquait M. Anthony. « Quand on exerce une activité à l’échelle internationale, le facteur de sécurité pour l’or doit être très intense. »

Quoi de neuf dans le domaine de la récupération de l’or par gravité ?

En début d’année, Sepro a lancé sa décanteuse Frontier Bowl. D’après la société, il s’agit de la première amélioration conséquente en termes de séparation de l’or par gravité ces deux dernières décennies. Cette décanteuse comprend une nouvelle géométrie qui sera utilisée dans tous les concentrateurs Falcon. Elle peut remplacer directement toutes les décanteuses actuelles et faire concurrence aux unités de concentration gravimétrique Knelson. La décanteuse a un profil quasi parabolique de diviseur d’échantillon à cloisons qui se sert du mécanisme de concentration des concentrateurs Knelson et Falcon dans une seule machine.

D’après la société, pendant la phase d’essai, la décanteuse Frontier Bowl a atteint un taux de récupération des minerais à faible teneur de près de 50 % supérieur à celui des particules d’or fines, et de près de 20 % supérieur à celui du minerai à haute teneur avec des particules plus grossières. Comme l’indiquait M. Frey, on considère le minerai titrant à moins de deux grammes par tonne comme un minerai à faible teneur. S’il titre à plus de cinq grammes par tonne, on le considère comme du minerai à haute teneur.

« À ce jour, cinq ou six sites dans le monde utilisent cette nouvelle [technologie], mais les données augmentent rapidement », indiquait M. Frey. Il expliquait qu’avec la nouvelle décanteuse sur le terrain, un circuit de traitement par gravité atteignait une moyenne de récupération de l’or de 54 %, soit une augmentation de 36 % par rapport aux unités précédentes. Des améliorations importantes et régulières ont également été observées au niveau des tailles des particules en dessous de 100 microns. « Le mécanisme de récupération de deux technologies éprouvées (le Knelson et le Falcon) permet de profiter des avantages des deux machines », ajoutait M. Frey.

Les enjeux et les prochaines étapes

Si les développements tels que la décanteuse Frontier Bowl ouvrent la voie à de meilleures récupérations de l’or à l’avenir, les coûts importants associés à l’utilisation croissante des concentrateurs gravimétriques sont encore problématiques pour de nombreuses exploitations. En outre, la technologie n’est pas toujours nécessaire, indiquent des experts de l’industrie.

Il est prouvé que si ces unités ont d’excellentes performances en termes de récupération de l’or à grains grossiers, elles ne sont pas encore aussi performantes pour les grains fins, déclarait Tyler Crary, métallurgiste principal du groupe or à SGS Canada. Cette société propose toute une série de services aux sociétés minières, depuis les études de définition et le développement d’organigrammes des données jusqu’à l’aide opérationnelle dans l’usine et la consultation en matière de développement organisationnel. « Nous travaillons avec des vendeurs, et pouvons donc effectuer pour eux, individuellement, plusieurs essais de passage dans [un concentrateur]. Ils le modélisent ensuite pour leur client afin de déterminer si cela convient ou non », indiquait-il. La plupart des vendeurs sont capables de donner des estimations réalistes aux sociétés minières quant à ce qu’ils pourront récupérer dans une exploitation commerciale, indiquait M. Crary.

D’après Chris Fleming, expert-conseil principal en métallurgie à SGS Canada, un compromis est aussi possible entre l’efficacité et le coût lorsqu’il est question de concentrateurs gravimétriques d’or. « Dans chaque passage [dans le concentrateur], seule une petite fraction du flux total est envoyée dans l’usine de concentration. L’or à grains fins obtenu par gravité est envoyé à l’usine de lixiviation », ajoutait-il. « Si l’on disposait de 100 machines Knelson, on pourrait envoyer l’intégralité du flux, mais cela serait trop coûteux et impliquerait la construction d’une usine de récupération par gravité disproportionnée. »

D’autre part, ces concentrateurs gravimétriques servent d’une certaine manière de « gage », ajoutait M. Fleming. « Le problème avec l’or à grains grossiers est que sa lixiviation prend beaucoup de temps. Sans circuit de traitement par gravité, on risque de perdre de l’or à la fin du procédé de lixiviation par cyanuration », indiquait-il. « Une plus petite usine qui intègre un circuit de traitement par gravité, si l’or s’y adapte, peut s’avérer être plus avantageuse pour récupérer l’or après la lixiviation. »

M. Frey de Sepro indiquait que l’absence de sources d’approvisionnement en eau potable dans les pays en développement représente également un enjeu important qui empêche l’adoption de concentrateurs gravimétriques tels que le Falcon ou le Knelson. « Ces machines utilisent une grande quantité d’eau et on ne peut pas utiliser d’eau recyclée comme pour les autres éléments de l’usine en raison des petites ouvertures [des machines] », expliquait-il. De fait, l’eau de traitement recyclée contient souvent des particules qui peuvent boucher les ouvertures. Ainsi, l’objectif final est de développer un circuit de traitement par gravité qui parvient au même résultat à l’aide d’air comprimé ou d’une agitation mécanique, plutôt qu’avec de l’eau. « C’est quelque chose sur lequel nous travaillons depuis un certain temps, et je suppose que nos concurrents en font de même car cette technique serait vraiment le Saint-Graal si l’on parvenait à la développer à l’échelle industrielle », indiquait M. Frey. « On peut utiliser l’air pour fluidifier les particules, ou d’autres méthodes que nous étudions actuellement pour créer la liquéfaction. » Toutefois, cette technologie ne sera pas commercialisée, selon lui, avant une bonne dizaine d’années.

Entre-temps, l’évolution des circuits de traitement par gravité au cours des dernières décennies a eu une incidence indéniable sur la rentabilité de la récupération de l’or. « Au lieu de récupérer entre 2 % et 10 % de l’or dans le minerai, ce qui était le cas il y a 30 ou 40 ans, [les sociétés minières] peuvent désormais récupérer 30 %, voire davantage, de l’or », concluait M. Fleming.


Vous trouverez les recherches récentes en matière de séparation par gravité dans le CIM Journal.

"Effect of strong collectors and frothers on coarse particle flotation using the HydroFloat for a North American concentrator," par A. Di Feo, M. De Souza, R. Lastra et A. Hobert

"Evolution of gold gravity recovery in grinding circuits — A critical review," par S. Koppalkar, A. Bouajila, C. Gagnon et S. Makni

"Numerical Investigation of Slurry Flow and Particle Segregation Dynamics in a Gravity Concentrator," par U. Caliskan et S. Miskovic

"Start up, Commissioning and Optimization of the Gravity Circuit at Atlantic Gold’s Moose River Project in Eastern Canada," par A. Frey, C. Hudson et D. Tremblay