La plateforme WX offre une analyse en direct du rendement d’un exploitant de mine et identifie les domaines à améliorer. Avec l’aimable autorisation de ThoroughTec

Loin des angoisses que provoquent les grands classiques hollywoodiens tels que Terminator et Matrix, l’intelligence artificielle trouve de nombreuses applications auprès des industries dans la manière dont sont repensés le traitement des informations et le processus décisionnel. L’industrie minière ne fait pas exception à la règle. Grâce aux récentes avancées technologiques, les modèles d’intelligence artificielle (IA) et d’apprentissage automatique ont trouvé des applications dans l’exploration minière, la formation des employés et, bien entendu, les véhicules automatisés.

La corrélation sismique

L’IA est devenue un instrument indispensable dans la boîte à outils d’exploration d’une société minière. Les technologies de traitement des données et d’apprentissage automatique permettent d’analyser de vastes quantités d’images de carottes et de données de trous de forage. Les géologues peuvent ainsi prendre des décisions plus informées, et les nouvelles technologies se servent de modèles informés par l’IA pour renforcer l’efficacité des processus d’exploration.

Mila, l’institut québécois d’intelligence artificielle, fait équipe avec la commission géologique du Canada (CGC), une division du secteur des terres et des minéraux de Ressources naturelles Canada (RNCan), dans le cadre d’un projet en collaboration visant à mettre en pratique les méthodes d’apprentissage automatique pour améliorer l’exploration minière au Canada. Le projet a officiellement débuté en février 2021 et, d’après Gilles Bellefleur, chercheur scientifique à la CGC, il combine l’expertise de Mila en matière d’IA et les connaissances de la CGC en matière de géosciences et de sciences de la Terre.

Un exemple de segmentation sémantique appliqué aux données sismiques collectées à la mine de Lalor. Chaque couleur représente un type de minerai différent. Avec l’aimable autorisation de la commission géologique du Canada (CGC)

« Nous souhaitions développer certains outils à l’aide de l’apprentissage automatique. N’ayant pas l’expertise en interne, nous avons cherché des organisations qui pouvaient avoir ses connaissances pour nous aider à lancer le projet. Nous avons contacté l’équipe de Mila et l’avons rencontrée pour parler de différentes choses, divers projets. Nous avons trouvé des projets spécifiques sur lesquels nous avons décidé de collaborer », indiquait-il. « Le domaine d’expertise de Mila, c’est l’apprentissage profond. C’est de cet aspect que l’institut s’occupe. De notre côté, nous offrons les données, nous les expliquons et nous échangeons régulièrement, presque toutes les semaines, et discutons de leurs résultats. »

Le projet portera sur l’intersection entre les données des trous de forage et les données sismiques dans l’optique de mettre au point un nouveau modèle nous permettant de comprendre et de visualiser les gisements miniers souterrains. Des projets similaires ont été menés auparavant pour les secteurs pétrolier et gazier, indiquait M. Bellefleur, mais jamais pour le secteur minier.

« Nous essayons de développer un modèle prédictif qui prévoira le type de roches sous la surface à l’aide de données sismiques. Pour arriver à ce point, nous devons tout d’abord former les modèles. Nous devons utiliser des données géophysiques, sismiques et géologiques, et former le modèle prédictif en fonction de ces données. »

Les données sismiques ont été collectées à l’aide de sismographes placés en surface, qui détectent les vibrations générées par de petits explosifs placés sous terre. Ces données, associées aux données géophysiques et géologiques (tous les ensembles de données pour ce projet proviennent de la mine de cuivre-or-zinc de Lalor de Hudbay Minerals, dans le Manitoba), produisent un modèle géologique en 3D et un ensemble de données sismiques, qui seront traités à l’aide d’une technique appelée la segmentation sémantique. En termes simples, la segmentation sémantique implique deux éléments. Le premier est un encodeur qui peut prendre une image et la décomposer en plus petits éléments, permettant au modèle prédictif de prendre des décisions. Le second est un décodeur qui appliquera ses prévisions aux données d’entrée, généralement en attribuant différentes couleurs à différentes catégories de données qui, dans ce cas, représenteront différents types de minéraux. M. Bellefleur compare cette technique à la manière dont les véhicules autonomes identifient d’autres voitures, des panneaux de signalisation et des piétons par le biais d’images prises par une caméra. Le modèle prédictif peut prendre des décisions en identifiant chaque catégorie présente dans une image et en leur attribuant une couleur différente pour faciliter la classification.

Le projet n’en est cependant qu’à ses balbutiements, et d’autres techniques seront également testées avant qu’il ne prenne fin. Les collaborateurs espèrent qu’une fois le projet terminé en juillet 2022, les modèles offrent un avantage à l’industrie minière canadienne.

« À la fin du projet, nous espérons avoir un modèle prédictif avec les codes qui seront affichés dans les référentiels publics, de manière à ce que tout le monde puisse utiliser les données et les modèles prédictifs et les appliquer à leurs données », indiquait M. Bellefleur. « C’est l’objectif final. »

Évaluation de la performance

Si les applications de l’intelligence artificielle peuvent avoir des incidences positives sur le rendement d’une exploitation, c’est la qualité de ses mineurs qui fait la valeur d’une mine. De fait, l’automatisation est devenue une tendance grandissante dans l’industrie, mais les sociétés minières auront toujours besoin d’employés travaillant efficacement.

Le fournisseur de simulateur minier ThoroughTec a mis au point sa plateforme WX, qui utilise l’apprentissage automatique pour suivre et analyser les performances des opérateurs de machinerie lourde en temps réel. La plateforme se compose de deux éléments. Le premier est le système de gestion de la formation (TMS, de l’anglais Training Management System) WX, qui tient lieu de système de gestion de l’apprentissage. Il numérise et centralise la planification, le contrôle et les registres des activités de formation aux métiers relatifs au secteur minier d’une exploitation. WX Analytics, d’autre part, est le cerveau de la plateforme. Ce système s’intègre avec le TMS et évalue le comportement de l’opérateur dans la fosse par le biais de son système d’analytique afin d’identifier les domaines à améliorer.

D’après Justin Collins, président et directeur général de ThoroughTec, les niveaux de référence que doivent atteindre les opérateurs sont définis au cas par cas pour chaque client de sociétés minières avant que la performance de l’opérateur ne soit analysée par la plateforme. Une fois l’analyse terminée, le système peut recommander préventivement des interventions de redressement qui ciblent les mauvaises pratiques.

« Dès que le système détecte une violation ou même une tendance négative légère mais constante, susceptible de nuire à la sécurité de la mine, à la productivité ou aux coûts d’exploitation des machines, il signale le problème et suggère automatiquement une ou plusieurs interventions pour remédier au problème », expliquait M. Collins. « Par exemple, si le moteur de WX Analytics identifie qu’un opérateur de camion ne parvient pas à fixer le " point de décharge " des matériaux correctement, il pourrait suggérer à cet opérateur d’effectuer un module intensif d’apprentissage en ligne couvrant la théorie relative au " point de décharge ", ainsi qu’une série d’exercices sur simulateur lui permettant de mettre la théorie en pratique et de rapidement développer les compétences et les techniques nécessaires pour améliorer ses performances dans la fosse. »

L’idée d’être constamment surveillé par un système d’IA peut en désemparer certains. Toutefois, la plateforme est conçue pour minimiser les interruptions, et elle offre une « formation personnelle efficace avec le minimum de perturbations dans la production », précisait M. Collins.

La plateforme se trouve actuellement en phase d’essais des systèmes, et les premiers clients devraient pouvoir acquérir le système durant l’année 2022.

Autonomie interopérable

Les véhicules miniers autonomes sont généralement la première chose qui vient à l’esprit quand on évoque l’IA dans le secteur minier. La possibilité d’avoir un parc de véhicule sans conducteurs capables de mener des opérations sans mettre en danger les employés fascine les sociétés minières, souvent obnubilées par le rendement.

Le problème est que les véhicules totalement autonomes sont encore en cours de fabrication. La plupart des fabricants de machinerie lourde, sinon tous, travaillent sur leur version de l’autonomie. Le prix à payer pour le remplacement d’un parc de véhicules peut toutefois être élevé et la plupart des mines fonctionnent avec un parc de véhicules mixte de différents fabricants, ce qui peut entraîner des problèmes de synchronisation entre eux dès lors qu’un humain n’est plus au volant.

Afin de minimiser ce problème, l’entreprise en démarrage SafeAI a développé son Autonomous Kit, une trousse d’autonomie qui, selon la société, permet d’automatiser les camions, bulldozers et chargeuses du parc de véhicules d’une mine pour des opérations autonomes, indépendamment du fabricant. Comme l’expliquait Bibhrajit Halder, président-directeur général et cofondateur de SafeAI, ceci est possible grâce aux récentes avancées en matière de technologie de l’IA.

La couche matérielle fournie par SafeAI permet aux parcs de véhicules mixtes de fonctionner les uns avec les autres de manière autonome. Avec l’aimable autorisation de SafeAI

« La véritable technologie fondamentale de l’autonomie s’est considérablement améliorée ces six ou sept dernières années », déclarait M. Halder. « Puisque la technologie s’est considérablement améliorée, et est devenue plus abordable, si le coût diminue d’un ordre de grandeur et la maturité augmente d’un ordre de grandeur, plus de personnes pourront y accéder. »

Plutôt que de construire des véhicules en ayant à l’esprit l’automatisation, SafeAI installe une modification matérielle et logicielle dans le véhicule, lui permettant de communiquer par le biais de l’interface utilisateur de la société. M. Halder compare ce procédé à l’installation d’un nouveau système d’exploitation sur un ordinateur portable.

« Nous contactons notre client final, par exemple la société minière A, [et] lorsqu’on procède aux modifications sur ses véhicules existants, il est probable qu’elle ait trois modèles différents de camions de transport. La première chose que l’on fait sur ces trois camions est d’ajouter une couche matérielle, où l’une des faces de la couche communique avec le véhicule, et l’autre face avec notre plateforme informatique », expliquait M. Halder. « C’est ainsi que nous assurons l’interopérabilité totale. Nous rendons l’équipement totalement autonome en ajoutant ce matériel, des capteurs et des ordinateurs supplémentaires afin de le rendre totalement autonome, puis nous le rendons à l’utilisateur. »

La société a récemment annoncé son entrée au Canada, un marché que M. Halder considère comme « à la pointe de la technologie ». Cela marque aussi, selon lui, le début d’un mouvement majeur d’adoption de la technologie autonome dans les secteurs des mines et de la construction.

« S’il circule aujourd’hui 100 000 [véhicules miniers] dans le monde, à peine un pour cent est automatisé. À l’avenir… le nombre d’actifs autonomes va commencer à augmenter dans l’industrie minière, et le Canada sera évidemment l’un des premiers pays à adopter cette technologie », ajoutait-il. « Dans les années à venir, de plus en plus de mines vont devenir autonomes. Le nombre d’actifs fonctionnant de manière autonome [augmentera], le rendement s’améliorera et la sécurité sera renforcée dans l’intégralité de l’industrie minière. Nous voulons contribuer et accélérer l’adoption de cette technologie. »

Traduit par Karen Rolland