Les analyseurs LIBS portables deviennent plus courants dans le domaine de l’imagerie géochimique. Avec l’aimable autorisation de SciAps
Les sociétés d’exploration minière sont conscientes qu’elles se trouvent dans des situations désavantageuses. Les taux de découverte déclinent, et il devient évident qu’il faut creuser toujours plus profond pour trouver de nouveaux gisements, enfouis sous des matériaux de recouvrement qui masquent leur emplacement. Pourtant, armées d’un corpus croissant de connaissances sur les gisements de minerais et de technologies d’imagerie innovantes, les sociétés d’exploration peuvent, aujourd’hui plus que jamais, voir l’invisible.
À grande échelle, les développements en matière d’outils d’imagerie géophysique aident les sociétés d’exploration à déceler plus facilement l’emplacement et la géométrie de gisements de minerais potentiels plus profonds. À petite échelle, les instruments d’imagerie géochimique génèrent des cartes à l’échelle centimétrique des éléments chimiques dans chaque grain de minéraux pour détecter les indices chimiques presque imperceptibles que laissent derrière eux les processus de minéralisation.
Une géophysique plus claire et plus profonde
« Le plus difficile est de générer des images précises en profondeur », déclarait Jonathan Rudd, président et directeur de Dias Geophysical, qui se spécialise dans la résistivité bi — et tridimensionnelle ainsi que dans les levés de polarisation provoquée (PP). « Traditionnellement, les méthodes géophysiques n’ont pas rencontré beaucoup de succès, car la résolution diminue proportionnellement à la profondeur. »
En réponse, Dias a mis au point sa technologie exclusive DIAS32 de levés de polarisation provoquée et de résistivité. Pendant des décennies, les sociétés d’exploration ont eu recours aux méthodes de levés PP reposant sur le courant continu pour mesurer les propriétés électriques des roches en injectant du courant dans le sol et en utilisant des récepteurs pour évaluer dans quelle mesure, bonne ou mauvaise, ce courant circulait dans la subsurface une fois le courant coupé.
La technologie DIAS32 de Dias Geophysical permet aux sociétés d’exploration de mener des levés de polarisation provoquée en gardant la 3D à l’esprit. Avec l’aimable autorisation de Dias Geophysical
Diverses méthodes de PP permettent d’identifier la conductivité et la chargeabilité des roches, celles contenant des minéraux sulfurés connectés ou non connectés qui se comportent comme un câble électrique et permettent au courant de circuler à travers elles, comme les filons ou les traînées parallèles de minerais. L’opposé, c’est-à-dire la résistivité, est tout aussi précieux. Les roches et les minéraux qui sont de mauvais conducteurs d’électricité (des zones de résistivité électrique) peuvent correspondre à des zones d’altération telles que l’altération des roches siliceuses au cœur des gisements porphyriques. Généralement, les levés PP génèrent des coupes en 2D et 3D dans la terre, que l’on peut regrouper pour créer un modèle en 3D de subsurface.
« Nous avons constaté que les levés PP s’orientaient vers la 3D », déclarait M. Rudd. « Certaines sociétés effectuent déjà des levés en 3D, mais aucun n’était conçu pour la 3D. Il fallait plutôt les adapter à la 3D. » Dias a conçu un système moderne pour les levés PP en 3D qui reposent sur une nouvelle méthodologie et sur les nouvelles technologies disponibles dans les secteurs pétrolier et gazier ainsi que dans d’autres secteurs parallèles.
C’est l’utilisation d’un système commun de référence de tension (CVR, de l’anglais common voltage referencing) qui rend le système DIAS32 unique. Dias définit une ligne de référence commune de la tension sur la zone du levé et relie des dizaines ou des centaines de récepteurs à cette ligne de référence. Après une décharge électrique provenant de l’émetteur, chaque récepteur recueille des données résultant de la force et de la direction de la réponse électrique des roches situées en dessous.
L’avantage du CVR est que Dias peut soustraire deux récepteurs, peu importe lesquels, pour générer des dipôles, en comparant la force et l’angle de la réponse électrique entre tous les récepteurs plutôt qu’en comparant chaque récepteur à son voisin.
« Cette capacité à déployer plusieurs récepteurs à l’aide du système commun de référence de tension permet de générer des données plus riches », indiquait M. Rudd. Les levés de DIAS32 peuvent « voir » plus profond, au-delà d’un kilomètre sous terre, à une résolution bien supérieure à celle qu’offrent les technologies précédentes.
Le système DIAS32 a fait ses preuves dans le bassin d’Athabasca, en Saskatchewan. De fait, il a permis de visualiser l’altération associée au gisement d’uranium Arrow de NexGen Energy, et de découvrir une nouvelle zone secondaire 400 mètres plus loin, désormais baptisée Arrow South. « Nous procédions à l’imagerie de l’altération conductrice qui est souvent fortement associée à la minéralisation de l’uranium. Les données de PP sont difficiles à obtenir dans cet environnement, mais ce levé leur a permis d’atteindre des profondeurs allant jusqu’à 600 mètres, et le système a créé une très bonne image de leur altération », indiquait M. Rudd.
Une vue d’ensemble
On trouve des gisements minéraux de toute forme et toute taille. Déchiffrer la géométrie précise et souvent complexe d’un ou plusieurs corps minéralisés fait partie des autres difficultés que rencontrent les sociétés d’exploration. S’agit-il d’un grand corps minéralisé de forme circulaire, ou de deux portions de corps minéralisés verticaux côte à côte ? À défaut de pouvoir déterminer cela en toute confiance, les implications économiques et opérationnelles pourraient être graves.
Différents outils géophysiques sont mieux adaptés pour trouver des types de gisements spécifiques. Il y a quelques années, Abitibi Géophysique, spécialiste des services géophysiques de levé au sol et en forage, a présenté le système de boucle InfiniTEM, un levé électromagnétique (EM) optimisé pour la visualisation de conducteurs sous-verticaux profonds tels que les amas sulfurés massifs ou semi-massifs et les sulfures massifs associés à des roches volcaniques (VMS, de l’anglais volcanic massive sulfides), ainsi que pour l’exploration sous un mort-terrain conducteur.
Comme pour les levés PP, les levés EM étudient les propriétés électriques des roches en mesurant leur conductivité et leur résistivité. Toutefois, contrairement aux levés PP, les levés EM diffusent un champ électrique dans le sol, qui est converti en champ magnétique par les roches et minéraux conducteurs. Les sondes en surface ou dans les trous de forage mesurent ensuite la force du champ magnétique induit. Bien qu’ils soient complémentaires, les levés EM permettent de visualiser des gisements qui seraient invisibles avec les levés PP, et inversement.
Le système de boucle InfiniTEM (deux boucles côte à côte de câbles électriques posés à même le sol avec la forme du symbole de l’infini) génère un champ magnétique dans le sol. Il est orienté de manière à mieux détecter les conducteurs verticaux et ne tient pas compte des sources de perturbation (matériaux conducteurs) proches de la surface, telles que les couches d’argile conductrice.
Le système de boucle InfiniTEM d’Abitibi Géophysique permet d’ignorer les sources de perturbation proches de la surface telles que les couches d’argile conductrice. Avec l’aimable autorisation d’Abitibi Géophysique
« Il faudra un large corps minéralisé pour coupler le champ de manière à ce que les courants puissent circuler », expliquait l’ingénieur Jonathan Collins, directeur du développement et de l’instrumentation à Abitibi Géophysique. « Si vous cherchez des cibles EM se trouvant davantage dans la gamme verticale qu’horizontale, InfiniTEM vous sera utile. »
Le système InfiniTEM original utilisait un seul émetteur. Avec la nouvelle version de la technologie, InfiniTEM XL, Abitibi a construit un émetteur plus puissant, à plus haute tension, optimisé pour fonctionner avec la boucle InfiniTEM tout en étant suffisamment compact pour pouvoir être transporté sur une motoneige dans l’hiver canadien.
« Sur le papier, il existe des émetteurs plus grands et plus performants, mais il faut un porteur à 5 essieux pour les déplacer », expliquait M. Collins. « Notre production d’énergie est relativement efficace. Notre courant n’est pas le plus puissant, ni notre tension, mais ils sont optimisés pour une utilisation au Canada. »
À l’aide des émetteurs fabriqués sur mesure synchronisés par GPS et du modèle de boucle breveté, Abitibi peut envoyer davantage d’énergie dans chaque boucle pour optimiser le volume ou la profondeur de l’investigation géophysique, mais pas les deux. Dernièrement, Abitibi est allée plus loin et a développé InfiniTEM OMNI pour optimiser les deux. Ce système permet d’obtenir une géométrie plus claire et précise, et de positionner la cible.
« Le système InfiniTEM OMNI réduit le risque de passer à côté du conducteur que l’on recherche », indiquait M. Collins.
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Gros plan
Si l’imagerie géophysique indique aux sociétés d’exploration où se trouvent les roches minérales aujourd’hui, l’imagerie géochimique peut dénouer l’histoire complexe de la formation des gisements de minerais. Pendant de nombreuses années, ingénieurs et techniciens ont essayé de réduire la taille des équipements de laboratoire pour pouvoir en faire des dispositifs portables utilisables sur le terrain. Désormais, ils réduisent les champs de vision de ces laboratoires de poche pour déceler d’infimes détails et une gamme plus vaste d’éléments chimiques.
Les outils d’analyse par fluorescence des rayons X (XRF, de l’anglais X-ray fluorescence) et diffraction des rayons X (XRD, de l’anglais X-ray diffraction) sont devenus très communs dans ce domaine. Ces instruments portables diffusent un rayon X sur les atomes ou les cristaux dans une roche, le sol ou une carotte pour identifier les éléments et les minéraux qu’ils contiennent. Les sociétés d’exploration peuvent ainsi prendre des décisions informées plus rapidement sur le terrain. Leur tout nouveau cousin en version portable, le spectomètre d’émission de plasma induit par laser, aussi appelé analyseur LIBS (de l’anglais laser induced breakdown spectroscopy), utilise un laser pour effectuer la tâche à plus petite échelle. Cette technologie accuse un retard d’environ une décennie en termes d’acceptation et de fréquence d’utilisation par l’industrie, expliquait Andrew Somers, directeur administratif de la géochimie à l’international à SciAps Inc.
L’analyseur LIBS portable de SciAps permet aux sociétés d’exploration de confectionner des cartes à l’échelle millimétrique pour générer des images géochimiques à l’échelle centimétrique. Avec l’aimable autorisation de SciAps
« L’analyseur LIBS trouve sa place dans l’exploration car il permet non seulement d’identifier une large gamme d’éléments, mais aussi de générer des cartes élémentaires et minéralogiques à haute densité », indiquait M. Somers.
Aux côtés de Christopher Lawley et Bruce Kjarsgaard de Ressources naturelles Canada (RNCan), M. Somers a développé l’analyseur LIBS portable de manière à en faire un outil d’imagerie géochimique. Cette méthode offre des possibilités que l’œil humain et une loupe ne permettent pas. Par exemple, elle permet d’identifier la zonation minérale, de superposer des caractéristiques et de déterminer la composition chimique des filons et des fractures. L’analyseur LIBS portable permet de cartographier les éléments, un outil puissant pour déchiffrer l’histoire des roches et des minéraux.
À l’aide d’une carotte de sondage d’échantillons de kimberlite recueillis dans la cheminée kimberlitique de Muskox et à la mine de diamant de Jericho au Nunavut, les sociétés d’exploration ont utilisé l’analyseur LIBS pour capturer et créer plusieurs cartes à l’échelle millimétrique afin de produire des images géochimiques à l’échelle centimétrique. Ces cartes des éléments à microéchelle mettaient en avant les attributs et les minéraux caractéristiques qui sont d’importants traceurs géochimiques des procédés hydrothermiques et magmatiques. Elles aident à révéler l’histoire géologique complexe de la roche et à évaluer la probabilité qu’elle contient des diamants.
Défi accepté
« Malheureusement, l’amélioration d’une technologie ne signifie pas forcément qu’elle devient plus accessible », déplorait M. Collins. « Il faut former le personnel ou l’habituer au nouveau format. »
Les nouvelles technologies d’imagerie géochimique et géophysique amélioreront l’efficacité de l’exploration à condition que les géologues prospecteurs comprennent et traitent les énormes quantités de données qu’elles génèrent. MM. Rudd, Collins et Somers sont tous d’avis qu’en plus de développer la technologie la plus moderne, efficace et rentable, il est important de renforcer les capacités au sein de l’industrie de manière à ce que les géologues puissent utiliser leurs outils et tirer profit des données que ces technologies génèrent.
Dans une décennie, elles seront devenues plus courantes. Mais en attendant, les développeurs de ces technologies prennent la responsabilité supplémentaire de devoir former et familiariser les utilisateurs à leurs outils de pointe.Traduit par Karen Rolland