CanmetMINES teste le câble synthétique dans le puits n° 1 de la mine Goldex. Avec l’aimable autorisation de CanmetMINES

Pour Martin Côté, l’avenir sera fait de câbles fabriqués avec des fibres synthétiques qui enverront les mineurs sous terre le long des puits de mine ou soulèveront jusqu’à la surface des charges remplies de minerai.

« La technologie est prête », indiquait M. Côté.

Martin Côté est directeur des technologies d’extraction minière dans le secteur CanmetMINES de Ressources naturelles Canada (RNCan). L’un des projets qu’il supervise consiste à tester le câble en fibres para-aramides Twaron® de Teijin Aramid B.V.

Par rapport à un câble d’acier classique, M. Côté explique que le câble synthétique pèse un cinquième du poids, demande moins d’entretien (il n’est pas nécessaire de graisser le câble synthétique) et est plus facile à manipuler, à retirer et à installer. En raison de sa relative légèreté, M. Côté expliquait que ce câble confère aux sociétés minières des options qu’elles n’avaient pas auparavant, particulièrement dans un contexte où il faut toujours creuser plus profond.

« Lorsqu’un câble d’acier ou un puits atteint une certaine profondeur, le poids du câble est tel que l’on ne peut plus dégager et enlever des déblais ni charger du minerai dans l’engin de transport. Avec le câble en fibres, on peut aller plus profond ou augmenter la charge ; autrement dit, on peut augmenter le taux de production », indiquait-il.

Si le câble synthétique n’est pas une technologie nouvelle, elle l’est pour l’industrie minière. D’après M. Côté, les fabricants créent des produits semblables pour des applications dans les secteurs maritime et du pétrole, où l’on utilise les câbles pour amarrer les plateformes de forage. Après avoir entendu parler des câbles en Kevlar ou fabriqués avec des matériaux identiques lors d’une conférence, CanmetMINES a lancé un appel pour un produit qui fonctionnerait dans les mines ; en retour, CanmetMINES a promis aux fabricants de les assister dans les procédures d’essai et de contrôle. La société Teijin Aramid, basée à Atlanta, fabrique les fibres utilisées dans la construction des câbles, et Whitehill Manufacturing Corp. transforme les fibres en câbles ; ces deux sociétés ont répondu et participent à la procédure d’essai.

À l’origine, CanmetMINES a mené des essais en laboratoire sur le câble (six fils tressés qui confèrent au câble sa résistance, recouverts d’une gaine extérieure) ; après environ 40 000 cycles, le câble commençait à afficher une usure sur la gaine extérieure et l’évaluation de la résistance du câble était de 87 %. Par comparaison, un câble d’acier de même diamètre affichait des ruptures après 17 000 cycles d’usure.

Essais souterrains

Les résultats des essais ont donné à M. Côté et son équipe la confiance nécessaire pour tenter un essai sur le terrain. En 2016, le câble a été installé dans le puits n° 1 de la mine Goldex, dans la région de Val-d’Or, par l’entrepreneur Procon Val-d’Or, sous la supervision de l’ingénieur de projet Sébastien Ménard. La société Procon était chargée de préparer et de nettoyer le treuil d’extraction minière, a travaillé sur le chevalement d’extraction, a modifié la plateforme, a installé et mis sous tension le câble sur le treuil d’extraction minière, puis a mené tous les essais nécessaires.

La procédure d’essai, qui a duré 10 mois, comprenait 10 000 cycles de chargement, transport et déchargement de pleines charges. Personne n’a été hissé pendant les essais. L’effet le plus remarquable est que le câble de plus de 900 mètres a pu être étiré de plus d’un mètre, soit environ deux fois plus que l’extension possible d’un câble d’acier, avec une charge de 4 000 kilogrammes (kg).

« On a constaté un effet ressort important pendant les essais. Lorsqu’on arrêtait le treuil d’extraction minière et qu’on se trouvait dans la partie inférieure, par exemple, la cage s’élevait et s’abaissait d’environ un mètre. C’est quelque chose que l’on doit pouvoir gérer, ou peut-être que l’on peut améliorer en réduisant l’effet ressort dans le câble », expliquait M. Ménard.

En outre, la partie la plus faible du câble (la section transversale où le câble frotte le tambour de treuil lorsqu’on l’enroule sur la prochaine couche), qui avait subi une usure délibérée et sévère sur le tambour du treuil et n’avait reçu aucun entretien préventif, a commencé à présenter des dommages et une fatigue, de la même façon qu’un câble d’acier dans des conditions semblables.

On peut résoudre le problème de l’usure et de l’abrasion du câble par des gestes simples, expliquait Amy Jenkins, directrice des ventes industrielles pour les Amériques à Teijin Aramid.

« On peut faire certaines choses pour améliorer la résistance du câble à la flexion ou pour gérer les points d’intersection. On peut choisir une qualité différente de fibre qui affiche une résistance légèrement supérieure à la flexion, ou on peut revêtir la fibre d’une finition différente. Enfin, on peut modifier la conception du câble de manière à ce qu’elle soit plus adaptée à ces applications », déclarait-elle.

M. Ménard et son équipe ont constaté quelques autres problèmes durant la phase d’essai.

« Il est plus difficile de mettre ce câble sous tension sur le treuil à tambour, car il glisse sur notre appareil à tension. Beaucoup de mines utilisent des poids à vide pour tendre le câble, aussi ce ne sera probablement pas un problème pour ce genre d’exploitations », expliquait-il. En outre, ajoutait-il, les opérateurs devront suivre une formation pour apprendre à arrimer solidement le câble.

« Après plusieurs semaines d’essais, nous avons constaté un aplatissement du câble ; mais pour l’opérateur du treuil d’extraction minière, c’est à peu près la même chose qu’avec un câble d’acier », précisait-il.

Globalement, cependant, M. Ménard s’est dit impressionné par le câble.

« Nous avons réellement apprécié le poids du câble. Par ailleurs, c’est agréable de travailler avec ce genre de câble car il est propre, totalement dépourvu de graisse », indiquait-il, ajoutant qu’il imagine totalement l’intégration de ce câble aux activités futures de Procon.

« Nous sommes entrepreneurs, certes, mais nous sommes également exploitants miniers. Notre mine présente un problème de production. On ne parvient pas à charger le treuil d’extraction minière à pleine capacité en raison du poids du câble. Ainsi, je suis convaincu du gain exceptionnel que l’on observera avec ce genre de câble. »

Il prévenait cependant que toute société souhaitant utiliser un câble synthétique devra faire l’effort de former son effectif aux propriétés et critères de sécurité de ce câble.

« Toutes les personnes avec qui nous travaillons pensent à leur sécurité avec ce câble. Tous les mineurs ont peur de monter dans cette cage suspendue au bout d’un câble car ils ne connaissent pas ce matériau, le Kevlar. Ils appréhendent [ce qui pourrait se produire] si une roche heurte le câble. »

M. Côté s’est fait l’écho de M. Ménard concernant la difficulté de présenter ce câble aux mineurs.

« La plus grande difficulté résidera dans notre rencontre et nos échanges avec l’industrie, car on a l’impression que l’on remplace un câble d’acier solide par un câble synthétique peu résistant, ce qui est totalement faux. Ainsi, nous devons réellement démontrer les résultats et nous soucier de la façon dont nous présentons [les propriétés de ce câble] à l’industrie. »

Comme l’expliquait Mme Jenkins, l’un des messages des partisans de cette technologie consistera à expliquer la capacité du câble et ce que cela signifie en fin de compte.

« Nous avons mené des études et avons constaté que l’on peut presque doubler la charge en utilisant un câble plus léger, à savoir si l’on utilise ce câble plutôt qu’un câble d’acier ; les répercussions sur la production sont considérables », déclarait-elle, ajoutant que les mines utilisant ce câble pourraient parvenir à descendre plus profond sans avoir à ajouter de système de treuil secondaire au niveau inférieur.


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Pour sensibiliser l’industrie et prôner les vertus de ce câble, il faudra notamment éduquer les personnes aux nouvelles techniques de contrôle. Avec un câble d’acier, les inspections visuelles sont recommandées dans les réglementations ; l’inspection visuelle d’un câble synthétique, expliquait M. Côté, ne révèle pas vraiment d’information utile étant donné que les dommages visibles sur la gaine extérieure n’impliquent pas nécessairement de dommages aux fibres intérieures. À cette fin, M. Côté expliquait que CanmetMINES avait testé trois systèmes de contrôle non destructifs et continus pour s’assurer de l’intégrité du câble. Celui qui fonctionnait le mieux était un système magnétique nécessitant de traiter le toron avec une application de métal magnétisé à base de nickel. Le contrôle du flux magnétique a permis à l’équipe de CanmetMINES de comprendre quand l’intégrité du câble était en cause.

M. Côté expliquait également qu’il faudra recueillir davantage de données et les réunir dans une base de données dédiée à la sécurité afin de l’utiliser comme référence pour savoir à quel moment il faudra remplacer et recycler le câble. Les réglementations devront également être réécrites afin de permettre l’utilisation de ce genre de câbles. Il indiquait qu’une rencontre avec le sous-comité dédié à la sécurité des treuils est prévue afin de parler de la réglementation relative à ce câble ; cependant, cette rencontre n’aura lieu que lorsque CanmetMINES et tous les partenaires de l’étude sur ce câble seront en mesure « de faire face aux effets de l’extension du câble sur l’adaptation à l’infrastructure », ce qui devrait se produire lors de la prochaine phase d’essai, dont la planification est en cours.

Malgré les travaux à effectuer pour s’assurer que tout le monde a confiance en la sécurité et la viabilité de ce genre de câbles, M. Côté maintient catégoriquement que ce projet a sa place au sein de l’industrie. Même si à l’heure actuelle, le câble synthétique coûte environ trois fois le prix d’un câble d’acier, les sociétés minières réaliseront des économies globales considérables grâce aux économies d’énergie engendrées par l’utilisation d’un treuil plus petit pour hisser un câble plus léger, aux profondeurs supérieures atteintes à l’aide de ce câble, à la charge supérieure hissée par ce câble et à la prolongation de la durée de vie en service du câble.

Quant à la sécurité du câble, M. Côté n’a aucun doute. Lors d’une présentation, il indiquait aux participants de la conférence Future of Deep Mining (l’avenir de l’exploitation minière profonde) qu’il était prêt à confier sa vie à un câble synthétique.

« Si on me demandait si j’étais prêt à rentrer dans une cage suspendue à un câble synthétique, je répondrais sans hésitation à l’affirmative. »

Traduit par Karen Rolland