Le gouvernement fédéral tient son engagement envers la lutte contre la corruption dans le secteur extractif. Le 1er juin dernier, le Canada a promulgué sa loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif (LMTSE), qui exige des sociétés exerçant dans les industries pétrolières et gazières de déclarer chaque année les paiements de plus de 100 000 $ effectués à tous les niveaux hiérarchiques du gouvernement, au Canada comme à l'étranger.

En 2012, l'association minière du Canada (AMC), la Prospectors and Developers Association of Canada (PDAC, l'association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs), le Natural Resource Governance Institute (NRGI, l'institut de gouvernance des ressources naturelles), Publiez ce que vous payez Canada (PCQVP) et le Resource Revenue Transparency Working Group (RRTWG, le groupe de travail dédié à la transparence des revenus provenant de l'exploitation des ressources) ont commencé à élaborer un cadre pour les modifications législatives visant à renforcer la transparence au sein de l'industrie extractive du Canada.

« Cette loi contribue aux efforts déployés à l'échelle internationale pour prévenir la corruption dans l'industrie extractive », expliquait Ron Lyen, directeur de la division des affaires internationales à Ressources naturelles Canada (RNCan). En 2013, le premier ministre Stephen Harper s'engageait à développer une législation établissant une norme relative à la déclaration obligatoire de paiements au sein de l'industrie extractive d'ici 2015. Les États-Unis et l'Union européenne (UE), ajoutait M. Lyen, se sont également engagés à mettre en œuvre dans un avenir proche une législation similaire concernant l'obligation de déclarer les paiements.

Cette nouvelle loi concerne les sociétés de capitaux, les organisations non constituées en personne morale, les groupes ou les partenariats, ainsi que toute entité qui les contrôle, impliqués dans le développement de projets d'exploitation des minéraux ou du pétrole et du gaz sur les marchés local ou international. Ces sociétés doivent être cotées à la bourse canadienne, avoir une adresse fixe au Canada ou mener des activités commerciales au Canada. En outre, une société sera soumise à cette loi si, au cours des deux derniers exercices financiers, elle remplissait deux des trois conditions suivantes : la société dispose d'un minimum de 20 millions $ en actifs, a généré au moins 40 millions $ de revenus ou a une main-d'œuvre de 250 employé(e)s ou plus.


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Ben Chalmers, vice-président du développement durable pour l'AMC, déclarait que la LMTSE va de pair avec la loi sur la corruption d'agents publics étrangers, promulguée en 1999, qui vise à empêcher les entreprises canadiennes de corrompre des agents publics étrangers. La différence, faisait-il remarquer, est que la LMTSE doit inclure la déclaration de paiements légitimes.

Au titre de cette nouvelle loi, les sociétés doivent déclarer leurs taxes, à l'exclusion des taxes à la consommation et des impôts sur le revenu des particuliers ; les redevances, les frais, les frais de nature réglementaire et les frais relatifs à une licence, à un permis ou à une concession ; les droits découlant de la production ; les primes, notamment les primes de signature et celles liées à la découverte de gisements ou à la production ; les dividendes, à l'exclusion des dividendes payés à titre d'actionnaire ordinaire d'une entité ; et les paiements pour l'amélioration d'infrastructures.

Les rapports divulguant ces paiements doivent être envoyés au ministère des finances dans les 150 jours suivant la fin de l'exercice financier d'une société. Les sociétés sont également tenues de divulguer ces paiements au public.

Les liens aux rapports seront mis à disposition sur un site Internet du gouvernement qui doit être créé prochainement, indiquait M. Lyen. Cependant, ajoutait-il, les sociétés peuvent décider de déclarer ces paiements dans leurs rapports annuels ou dans des documents distincts.

M. Chalmers reconnaissait que cette loi augmentera la charge de travail des employé(e)s préparant les documents relatifs à la fin de l'exercice financier, mais il invitait à envisager la situation dans son ensemble. « Les sociétés minières passent énormément de temps à déclarer diverses choses », déclarait-il. « Cet effort en vaut cependant la peine car il nous aide à nous assurer que les flux de revenus des sociétés et des gouvernements sont utilisés à meilleur escient au profit des communautés. »

Le non respect de cette loi entraîne des pénalités. Si les sociétés manquent à leurs engagements et ne déclarent pas leurs paiements, incluent intentionnellement des déclarations mensongères ou fausses dans un rapport, ou échelonnent leurs paiements de manière à ne pas avoir à les déclarer, elles seront passables d'amendes allant jusqu'à 250 000 $ sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Chaque non déclaration est considérée comme une infraction distincte et les pénalités peuvent être aggravées en fonction du nombre de jours durant lesquels une société se trouve en situation d'irrégularité. Il peut également être demandé aux sociétés de fournir des informations ou des documents supplémentaires si le département des finances exige une vérification de la conformité avec la loi.


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John Gravel, directeur des ressources naturelles pour la société de services professionnels Turner & Townsend, expliquait que la LMTSE aidera d'une part les gouvernements et les investisseurs à comprendre les flux nets de trésorerie des projets qu'ils soutiennent, et d'autre part les communautés à comprendre les avantages directs qu'elles reçoivent de l'industrie minière. Sa plus grande critique, cependant, concerne le montant de la pénalité imposée en cas de non respect des nouvelles exigences de déclaration. « Le montant de la peine maximale encourue […] est bien trop faible pour rendre cette loi efficace », déplorait M. Gravel.

Lorsqu'on lui demandait l'impact qu'aurait la LMTSE sur les sociétés minières, Julie Taylor, directrice des communications en entreprise et des relations avec les investisseurs à New Gold, déclarait qu'il était encore trop tôt pour se prononcer. « New Gold suit cette initiative depuis qu'elle a été annoncée, et étant donné que la loi n'est entrée en vigueur que récemment et se trouve encore en phase d'évaluation plus générale, il serait prématuré de se prononcer dès maintenant », ajoutait-elle.

Les paiements versés aux gouvernements autochtones sont exemptés de déclaration pour les deux années à venir. Seuls les paiements effectués après juin 2017 devront être inclus l'année suivante dans les rapports des sociétés concernées. Cet ajournement de deux ans a été préconisé par les gouvernements autochtones et fédéral afin qu'ils puissent débattre de la mise en œuvre de la nouvelle législation.

« Si [cette loi] doit inclure les gouvernements autochtones, il est important que ces derniers soient consultés », indiquait M. Chalmers. « Cette période d'exemption de deux années vise réellement à donner suffisamment de temps [au gouvernement fédéral] pour établir une collaboration avec les communautés autochtones sur cette question. »

M. Lyen indiquait que le gouvernement développe actuellement un plan portant sur la façon dont il impliquera les peuples autochtones pendant la période de sursis.