Will-PitmanLe marché actuel des fusions et acquisitions (F&A) est très en vogue, et le devoir de vigilance totale dont font preuve les propriétés minières est indispensable pour s'emparer des meilleurs actifs. Cependant, le devoir de vigilance géotechnique est considéré par beaucoup comme un élément (et par-là même une condition implicite) du processus de conception technique d'une mine, aussi l'aspect géotechnique des F&A ainsi que d'autres exercices d'assiduité sont souvent négligés et sous-estimés. Les spécialistes de la géotechnique sont trop souvent embauchés pour mener de simples études théoriques ou des évaluations de dernière minute après des découvertes effectuées par d'autres personnes, sans même s'être rendus eux-mêmes sur le site, ce qui leur permettrait d'effectuer une évaluation exhaustive de l'état d'une propriété. Il s'agit tout simplement d'une mauvaise méthode. Les contributions géotechniques aux travaux de diligence constituent un élément primordial du processus décisionnel lors de l'évaluation d'une exploitation à ciel ouvert ou d'une mine souterraine.

Si le devoir de vigilance géotechnique est inadapté, une société s'expose à des risques opérationnels, des dépassements de budget et une atteinte à sa réputation. En répondant aux questions suivantes pendant la procédure de diligence, ce problème dont personne n'ose parler pourrait bien devenir votre allié invisible.

Pour les mines souterraines, la méthode d'exploitation minière adoptée est-elle compatible avec les paramètres géologiques et géotechniques en termes de résistance de la roche, des contraintes, de la structure géologique, de la géométrie minière et du séquençage ? Cette question est importante car la méthode minière est généralement déterminée au moment de la conception de la mine, au début du processus d'étude alors que les connaissances géotechniques du gisement ne sont pas encore bien comprises. La réponse peut être un avertissement, ou au contraire être la base d'une amélioration et d'une optimisation.

Pour les mines souterraines, le plan de la durée de vie de la mine repose-t-il sur des données géotechniques fiables, et les recommandations géotechniques ont-elles des conséquences sur la réserve de minerai ? C'est une question primordiale, car l'inclusion de certaines des réserves dans les mesures d'atténuation des risques géotechniques, par exemple les piliers régionaux, de sole, de séparation ou de puits de mine peuvent impliquer que le matériau minéralisé est parfois comptabilisé dans la réserve, alors que son extraction est en réalité peu probable.

Pour les exploitations à ciel ouvert, une question importante à se poser concerne les mesures qui ont été prises pour valider les hypothèses géotechniques utilisées dans l'étude de faisabilité. Il est surprenant de constater que de nombreuses exploitations à ciel ouvert restent en service bien au-delà de la durée de vie prévue de la mine, ce qui signifie que les hypothèses concernant la conception de l'étude de faisabilité sont optimales. Les hypothèses de l'étude sont invariablement fondées sur des informations obtenues à partir d'un échantillon de carottes, aussi la plupart des recommandations établies dans l'étude de faisabilité comprennent un avertissement stipulant qu'il faudra revisiter le site une fois la masse rocheuse exposée suite au décapage et à l'extraction. Cet aspect est essentiel à l'exploitation à ciel ouvert. Encore une fois, la réponse peut être un avertissement, ou au contraire être la base d'une amélioration et d'une optimisation.

Une autre question à se poser concerne la participation des entreprises à l'identification et l'atténuation des risques géotechniques. En étudiant la portée de l'engagement des dirigeants auprès de leurs exploitations minières, on peut obtenir un indicateur utile de la reconnaissance par l'entreprise des risques géotechniques. Parfois, les questions géotechniques sont gérées sur place par le personnel spécialisé en géologie sans que l'on n'ait besoin de disposer d'un personnel dédié spécifiquement aux questions géotechniques. C'est un avertissement qui fait ressurgir un grand nombre de problèmes :

•   Au niveau de l'entreprise, le risque géotechnique n'est pas identifié ou abordé de manière adéquate. Ceci signifie que les dirigeants ne sont pas conscients de leurs lacunes.

•   Au niveau opérationnel, les dangers géotechniques ne sont fort probablement pas identifiés ou divulgués de manière adéquate, ce qui peut avoir des conséquences sur la santé et la sécurité du personnel.

•   Il faudra probablement intégrer un certain coût dans l'acquisition potentielle pour faire face à ce genre de problèmes.

•   Cette situation a un impact évident et fondamental sur toute acquisition, car la société qui souhaite acheter devra aborder la question de la culture de la société visée en termes de reconnaissance et d'atténuation des risques.

Les points cités ne représentent que quelques exemples des nombreux problèmes importants devant être abordés durant la phase de travaux de diligence. Il serait difficile de déterminer la valeur monétaire précise des réponses aux questions posées, mais il est évident que ces réponses peuvent avoir un impact économique (positif ou négatif) important sur la transaction, et qu'elles doivent être traitées comme des priorités dans la procédure de diligence.

Traduit par Karen Rolland


Will Pitman, titulaire d'une maîtrise, est directeur et ingénieur géotechnique principal chez Adiuvare Geology and Engineering Ltd., à Toronto.

Vous souhaitez nous donner votre avis sur cet article ? Envoyez vos commentaires à editor@cim.org.