Acheminer de l’équipement jusqu’à un site minier, qu’il s’agisse d’un camion de roulage de 400 tonnes ou d’un pneu de remplacement, peut être une tâche difficile à gérer en raison de l’éloignement, conjugué à des voies peu carrossables ou des conditions environnementales difficiles. La fabrication additive, communément appelée impression 3D, offre aux exploitants de mine la possibilité de créer certaines pièces d’équipement dont ils ont besoin sur place, ce qui réduit les coûts et simplifie la logistique.

L’Organisation internationale de normalisation définit la fabrication additive comme « un procédé pour joindre des matériaux afin de fabriquer des objets à partir de données de modélisation 3D représentant habituellement une conception en couche par couche, en opposition aux méthodologies de fabrication soustractives et aux technologies de mise en forme. » Aujourd’hui, la principale application de la fabrication additive concerne les petites pièces de rechange. Cependant, Harald Lemke, directeur général, poudres spéciales, à NanoSteel, estime qu’il ne s’agit que d’une première étape. M. Lemke entrevoit un avenir où les mineurs pourront redessiner et imprimer du nouvel équipement sur place en tenant compte des conditions changeantes d’une mine, et ce, tout au long de sa durée de vie.

ICM : Parlez-nous de NanoSteel et de votre rôle au sein de l’entreprise.

Harald Lemke : À NanoSteel, une grande partie des activités de l’entreprise consiste à mettre au point des tôles d’acier à haute résistance pour l’allègement des véhicules. Mis à part les tôles d’acier, je pilote un projet de développement d’alliages à base de poudre [imprimable en 3D].

ICM : Expliquez-nous en quoi consistent les poudres spéciales?

Harald Lemke : Les objets en acier inoxydable, par exemple une cuiller ou d’autres ustensiles de cuisine, sont souvent fabriqués à partir de tôles qui sont étampées ou formées pour produire les pièces. Si les formes sont complexes ou si les matériaux utilisés ne peuvent être étampés ou coulés, alors on utilise des poudres. Et les poudres ressemblent à de petites particules pouvant atteindre 20, 50 ou 200 microns. Pour fabriquer les pièces désirées, on assemble ces particules à l’aide de procédés comme la fabrication additive. À l’étape de la conception de l’alliage, on fait en sorte que la poudre possède des caractéristiques de performance comme la dureté ou la ductilité requises pour une application spécifique.

ICM : Quelle importance a la fabrication additive pour le secteur minier aujourd’hui?

Harald Lemke : La fabrication additive comporte plusieurs propositions de valeur, notamment le potentiel de réduire les délais d’exécution et de fabrication de pièces très complexes. Cependant, la fabrication additive demeure, en général, plus coûteuse que la fabrication soustractive, notamment pour la fabrication de pièces de plus grandes dimensions. Comme la plupart des pièces destinées au secteur minier ont des géométries plus imposantes et plus simples, pratiquement toutes les pièces d’exploitation minière d’origine sont actuellement fabriquées à l’aide de techniques traditionnelles de fabrication soustractive, comme le moulage avec usinage subséquent ou d’autres procédés de post-production. Toutefois, les avantages de la fabrication additive au niveau de la chaîne d’approvisionnement peuvent être déterminants. Par exemple, une pièce de rechange peut s’avérer rentable, même si elle prend une journée à imprimer au moyen de la technologie de fusion sur lit de poudre, si la pièce est requise sur un site éloigné subissant d’importants temps d’arrêt. L’application de fabrication additive la plus commune dans le secteur minier — utilisée principalement pour des applications de réparation — concerne une autre technologie de fabrication additive, nommément la technologie de dépôt au laser, en raison de son taux de dépôt plus élevé. Cependant, en général, la fabrication additive peut vous aider à raccourcir les délais d’exécution, à réduire les stocks et les coûts de transport et à fournir des pièces sur demande.

ICM : Pouvez-vous en dire plus sur l’utilisation de la fabrication additive pour créer des pièces de rechange sur place?

Harald Lemke : Aujourd’hui, il est possible de préserver de 80 à 90 % de la pièce originale et de simplement en corriger les contours pour la remettre à neuf. C’est la première étape. Mais ce n’est rien comparativement au potentiel réel de cette technologie. Elle permet de créer de nouvelles formes, pas seulement de réparer une forme déjà construite. En fin de compte, si la nature transformative de cette technologie n’est pas encore au point, c’est en raison d’un paradigme de fabrication orienté concepteur et flux de production qui en est encore à ses balbutiements. Cela découle du fait que seuls quelques matériaux disponibles peuvent être imprimés de façon fiable. Les imprimantes sont toujours lentes et coûteuses, et le post-traitement demeure en deçà des attentes. Pour être efficaces, il faudrait que les imprimantes soient de 10 à 20 fois plus rapides qu’aujourd’hui. L’arrivée sur le marché de techniques de production aussi rapides et fiables pourrait prendre encore de cinq à sept ans.

ICM : Pouvez-vous me fournir des exemples des conceptions réalisables aujourd’hui grâce à la fabrication additive?

Harald Lemke : Actuellement, les pionniers du marché conçoivent et fabriquent des prototypes et quelques pièces comme des pompes, des turbines, des filtres, des écrans et des échangeurs thermiques novateurs. Les échangeurs thermiques tirent particulièrement profit de la fabrication additive quand ils comportent une pression différentielle moindre et, par conséquent, réduisent la consommation d’énergie. Toutes ces pièces peuvent être [créées] sur place si vous disposez d’une imprimante et que vous avez accès aux capacités post-traitement appropriées, en tenant pour acquis que vous trouvez un matériau correspondant à vos critères de rendement. Par ailleurs, si votre production est interrompue, vous pouvez imprimer la pièce directement à côté de votre installation. Bref, les stratégies de chaîne d’approvisionnement sont très importantes. La fabrication additive vous permet de trouver des solutions à court terme pour des problèmes de production, en attendant éventuellement de faire venir une pièce homologuée par avion plus tard.

ICM : Quels sont les avantages de la fabrication additive d’un point de vue logistique?

Harald Lemke : Les avantages logistiques augmentent quand plusieurs pièces peuvent être redessinées pour créer une seule pièce, ou quand il est possible d’imprimer une pièce qui procure non seulement des avantages mécaniques, mais améliore également les coefficients de transfert de chaleur par l’impression des canaux de refroidissement complexes. Il est également possible de calibrer les caractéristiques d’une pièce mécaniquement, thermiquement et électroniquement. Puis, une fois que vous avez [le modèle 3D], vous disposez d’un historique de modèle et toutes les futures modifications peuvent être exécutées plus rapidement et uniformément au sein d’une entreprise en modifiant le modèle 3D plutôt que chaque dessin. Par exemple, vos modèles peuvent être mis au point par l’équipe d’ingénierie de l’entreprise, mais l’applicateur local en Ohio, en Alaska ou en Arabie saoudite les personnalisera en fonction de ses besoins locaux. Grâce à cette décentralisation, vous n’avez pas à déplacer 20 tonnes d’acier en hélicoptère, vous n’avez qu’à les imprimer sur place. La fabrication délocalisée est l’un des principaux avantages de la fabrication additive. De plus, vous n’aurez plus besoin d’autant de stocks décentralisés; vous n’aurez qu’à les imprimer au besoin sur place. 

ICM : La fabrication additive convient-elle à tous les types d’exploitations minières, peu importe l’emplacement?

Harald Lemke : L’avantage associé à l’approvisionnement concerne, bien entendu, les emplacements éloignés, ou encore les pays aux prises avec des problèmes d’instabilité politique. Toutefois, l’emplacement ne représente qu’un facteur. Un autre facteur est l’innovation liée à l’approche processus, qui peut accroître le rendement du capital investi. Par exemple, dans les filières à valeur élevée comme l’exploitation de l’or, des diamants, du cuivre et du nickel, quand il est possible de modifier le pourcentage d’extraction d’une substance minérale d’un pour cent – ce qui est souvent faisable en utilisant les mélanges, contrôles thermiques et routages de processus appropriés – vous pouvez gagner des dizaines de millions de dollars en optimisant en temps voulu le matériel en fonction des paramètres actuels et locaux associés aux actifs. C’est là que réside l’avantage. Vous pouvez également redessiner les étapes de procédé à mission critique qui procurent une valeur ajoutée en tenant compte des environnements spatio-temporels locaux.

La mine change, la composition change, les minéraux changent. Et désormais, nous disposons d’un procédé de fabrication qui peut être adapté immédiatement et qui est capable de maximiser les profits d’une exploitation au complet. Cependant, cela exige de la visibilité et l’adoption de ces outils et d’une démarche misant sur un flux de procédé orienté concepteur avec une surveillance localisée.

ICM : Qu’est-ce qui favoriserait une telle adoption?

Harald Lemke : [Le secteur minier doit] s’éloigner des approches fondées sur les actifs au profit des processus axés sur les profits, et ce, dans l’ensemble des disciplines, fonctions et silos. C’est une question d’ordre organisationnel. Il faut, à mon avis, que les gestionnaires de la chaîne d’approvisionnement intègrent ces nouvelles disciplines et technologies, comme la fabrication additive, dans leurs activités courantes.