Des caméras de surveillance de la mousse, installées directement au-dessus d’une cellule de flottation, ont aidé Barrick à gérer des problèmes de rigoles de débordement à sa mine Porgera, en Papouasie-Nouvelle-Guinée (ci-dessus). Avec l'aimable autorisation de Barrick Gold

L’application du concept de base de la flottation par mousse pour séparer les matériaux hydrophobes (qui repoussent l’eau) des matériaux hydrophiles (qui ont de l’affinité pour l’eau) n’est pas une mince affaire. « On veut que les bons minéraux, les matériaux hydrophobes, montent à la surface dans les bulles plus grosses et que les mauvais minéraux tombent au fond », explique Tom Fulton, chef d’exploitation de la mine Penhorwood d’Imerys Talc, à Timmins, où des caméras de surveillance de la mousse ont été installées en novembre dernier. « Nous pouvons toujours faire monter les bulles plus fortement et plus vite en ajoutant davantage de produits chimiques ou d’air, mais il en coûtera une petite baisse du degré de pureté. Plus les bulles sont grosses, plus elles montent rapidement, mais cela ne laisse pas autant de temps pour permettre aux impuretés de descendre. »

Dans le passé, les opérateurs à la flottation, qui surveillaient la mousse visuellement, étaient chargés de trouver l’équilibre parfait. Ils se servaient de leur grande expertise, acquise pendant des années de travail dans une installation de flottation, pour comprendre les caractéristiques et les modifications de la mousse. « Un opérateur pouvait, en regardant la mousse, vous dire exactement ce qui se passait, mais ces compétences ont été en grande partie perdues », selon Michael Schaffer, président de Portage Technologies, une société établie à Toronto, qui se concentre sur l’utilisation des technologies intelligentes dans la minéralurgie.

Comme c’est le cas pour n’importe quel connaisseur, un opérateur a besoin à la fois d’une expérience pratique et d’un certain talent pour pouvoir faire une évaluation visuelle de la mousse. Cependant, quel que soit leur niveau d’expertise, ce sont des humains et il existe donc un risque d’erreur. « Autrefois, cela changeait d’un jour à l’autre », explique M. Schaffer. « L’opérateur pouvait voir la même mousse différemment d’un quart de travail à l’autre, ce qui se traduisait par un contrôle incohérent. Un métallurgiste regardait la mousse dans la cellule et disait que la cellule devait être poussée un peu plus fort ou ralentie. Or, ce que cela signifiait était totalement subjectif, chaque opérateur ayant sa propre interprétation. »

De plus, pendant son quart de travail, un opérateur n’a tout simplement pas assez de temps pour surveiller continuellement chaque cellule. « Un banc de flottation est généralement assez grand, en particulier quand on arrive aux colonnes et qu’il faut grimper les marches », fait observer M. Schaffer. « Combien de fois l’opérateur va-t-il parcourir le site et observer tout le circuit pendant un quart de travail? »


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Aujourd’hui, une autre option est offerte aux sociétés minières : des caméras de surveillance de la mousse placées stratégiquement au-dessus de chaque cellule. « La caméra prend des images et les transmet à un ordinateur qui les analyse », explique Hugo Araujo, ‎spécialiste en solutions, à SGS Advanced Systems, qui propose des systèmes intelligents comprenant des caméras de surveillance de la mousse.

Le logiciel qui effectue l’analyse des images montre où réside la véritable science dans la technologie. Une seule caméra ne peut pas enregistrer la surface entière de la mousse en raison de sa superficie, a expliqué H. Araujo, alors le logiciel sélectionne une ou plusieurs zones d’intérêt afin de représenter toute la cellule. L’algorithme est capable de faire le comptage des bulles et leur répartition en dimension, et de suivre la vitesse de leur mouvement. À partir de ces données, la vitesse et la qualité générales de la mousse peuvent être calculées – et l’air et les réactifs sont alors ajustés automatiquement ou manuellement.

« La devise dans l’industrie est la suivante : On ne peut gérer que ce qu’on peut mesurer et on ne peut optimiser que ce qu’on peut contrôler », souligne M. Schaffer. « Maintenant, avec les caméras de surveillance de la mousse, quand quelqu’un dit ‘Poussons un peu plus fort’, il peut être précis et dire ‘Peut-on augmenter la vélocité de la cellule de 10 %’, et on peut vraiment faire ce réglage, car on mesure directement l’entraînement de la masse et la qualité de la mousse. »

Les caméras, qui ressemblent à des caméras de sécurité, permettent aussi de faire une surveillance en temps réel de toutes les cellules de l’ensemble du circuit. Si les caméras sont reliées au système de contrôle du circuit de flottation d’une usine, le logiciel qui analyse les images peut automatiquement faire les ajustements. Un opérateur peut aussi visualiser et surveiller toutes les cellules sur un écran dans la salle de contrôle, en tout temps. « L’ordinateur est plus rigoureux qu’un humain », souligne Tom Fulton. « Il est bien content de regarder les bulles chaque seconde, année après année, et ne s’en lasse pas. Il est plus rigoureux statistiquement. Il calcule de vrais chiffres. Les opérateurs n’utilisent pas les maths. Ils utilisent leur jugement. »

Une technologie qui s’améliore rapidement

Alors que les caméras de surveillance de la mousse existent depuis près de 20 ans, c’est une technologie qui a fait de grands progrès ces dernières années.

L’un des problèmes posés par les logiciels plus anciens, par exemple, est lié à l’utilisation d’une seule zone d’intérêt, en général près du bord de la cellule. La vélocité de la mousse varie à l’intérieur de la cellule, elle est plus lente au centre, plus rapide près du bord. Différents facteurs, notamment une accumulation dans certains endroits, peuvent aussi se traduire par des variations de la vitesse. Même s’il est toujours possible de calculer mathématiquement la vitesse générale de la mousse, ce n’était pas toujours fait correctement avec les systèmes plus anciens.

Cela a été l’une des raisons qui ont poussé la mine Copper Mountain, près de Princeton, en Colombie-Britannique, à faire appel à Portage pour améliorer son système de contrôle, y compris son système de caméras de surveillance de la mousse. « En gros, on avait de la mousse qui tournait en rond à la surface et avait une vélocité apparente dans la zone d’intérêt, mais qui en fait n’était pas entraînée, car le niveau de la mousse était plus bas que sur les bords », raconte Mike Westendorf, le surintendant d’usine de la mine. « Portage a ajouté des algorithmes qui ont corrigé cela. »

En fait, selon M. Schaffer, une seule caméra de Portage peut observer simultanément trois zones d’intérêt et utiliser les données pour calculer les vélocités les plus basses, les moyennes et les plus rapides dans une seule cellule.

Le système de contrôle et des caméras de surveillance de Portage ont aussi aidé la mine Porgera de Barrick Gold Corporation, en Nouvelle-Guinée-Papouasie, à surmonter des difficultés avec les rigoles de débordement – problème que les caméras plus anciennes n’auraient pas pu détecter. « Quand on regarde en haut de la cellule, la couche supérieure de la mousse semble ne pas bouger, mais ce qui se passe en réalité, c’est que la rigole déborde et la bouillie coule sur le sol », explique M. Schaffer. Les anciennes caméras auraient vu la couche supérieure et indiqué qu’il fallait augmenter la vélocité de la mousse, alors qu’en réalité il fallait faire le contraire. Porgera a installé une plaque brillante sur la rigole, ce qui en fait une zone d’intérêt pour la caméra. Maintenant, quand la plaque commence à être sale, le système reconnaît que la rigole déborde et il ralentit automatiquement la cellule.

L’entretien était aussi une source d’ennuis. Pour saisir la meilleure image possible, les lentilles des caméras devaient être nettoyées et l’endroit bien éclairé, ce qui nécessitait un nettoyage régulier et le remplacement fréquent des ampoules. Les installations sont maintenant équipées d’ampoules DEL de longue durée, de caméras plus robustes et de dispositifs de diagnostic qui informent les opérateurs quand les lentilles des caméras ont besoin d’un nettoyage. Par ailleurs, les caméras modernes sont dotées de lentilles de cinq mégapixels. « Nous pouvons les installer à une plus grande distance de la cellule, si bien qu’elles restent propres plus longtemps », affirme M. Schaffer.

L’un des changements les plus spectaculaires pour cette technologie a été son coût. Il y a vingt ans, un système de caméras de surveillance de la mousse représentait un gros investissement puisqu’une seule caméra pouvait coûter entre 25 000 $ et 35 000 $. Aujourd’hui, l’installation plus un soutien technologique coûtent environ 8 000 $ par caméra. Même avec un système de contrôle pour effectuer des ajustements automatiques du moussage, le coût total se situe généralement entre quelques centaines de milliers de dollars et 500 000 $ environ. La plupart des nouvelles mines comptent des caméras de surveillance de la mousse dans leur matériel courant et le nombre de mines déjà établies qui en installent ne cesse d’augmenter, selon M. Schaffer.

Difficultés

Selon les représentants des sociétés minières équipées des nouveaux systèmes de caméras de surveillance de la mousse que nous avons interrogés, le choix du bon système de caméras demeure une des principales difficultés. « Il y a sur le marché un certain nombre de types de caméras différents notamment pour ce qui est du prix. C’est pourquoi l’une des plus grandes difficultés réside dans le choix du style particulier de caméra à installer et du fournisseur », affirme Noel Moffatt, surintendant, contrôle des procédés et des instruments, pour les activités de Barrick en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ainsi, pour une mine comme celle-ci qui n’a pas encore fait l’expérience des caméras de surveillance de la mousse, il est impératif de trouver un fournisseur pouvant donner une formation approfondie sur la technologie. Qu’il s’agisse du choix du matériau dont sont faits les supports des caméras afin de minimiser la corrosion ou de la manière dont ils sont positionnés afin d’éviter les vibrations ou la lumière directe du soleil, il est crucial que l’installation soit faite avec soin aussi bien pour la longévité des caméras que pour la qualité des images qu’elles captent.

Selon T. Fulton, le service à la clientèle est très important. « Nous utilisons la connexion à distance », explique-t-il. « Portage peut donc se connecter à notre ordinateur et régler pratiquement n’importe quel problème à partir de Toronto. Assurez-vous d’appeler les sociétés que les fournisseurs ont donné en référence pour savoir si leurs systèmes sont aussi simples et fonctionnent aussi bien qu’ils le disent. »

Bénéfices et rendement de l’investissement

En moyenne, un bon système de caméras de surveillance de la mousse peut être à l’origine d’une augmentation d’environ 1 % de la production, affirme H. Araujo. À la mine Penhorwood, l’installation de caméras de surveillance de la mousse a commencé l’année dernière à la mi-novembre. En quelques mois, on a déjà observé une amélioration sensible. « Le système fonctionne mieux que ce que nous avions prévu », déclare T. Fulton. « En fait, notre taux de production grimpe. Dans notre cas, si nous traitions 100 tonnes de minerai dans une installation, nous étions heureux avec un rendement de 30 %. Maintenant, nous obtenons une production de 35 tonnes pour exactement le même coût. »

Quand l’équipe d’exploitation de Copper Mountain a procédé à l’amélioration de ses systèmes de contrôle et de caméras de surveillance de la mousse, l’un de ses objectifs était d’augmenter la constance de la production entre les quarts de travail. Selon M. Westendorf, le nouveau système a permis de réduire la variation du niveau de production entre les équipes de 3 % ou 4 % à 1 %.

Actuellement, le rendement du capital investi peut être remarquablement rapide grâce à l’amélioration de la technologie conjuguée à son coût plus faible. « Bien que chaque caméra puisse effectuer quelque 200 observations ponctuelles à chaque cycle, nous n’en utilisons actuellement que 25 dans le cadre des contrôles », indique M. Schaffer, soulignant que les activités de recherche et développement se poursuivent et évoluent rapidement pour exploiter un plus grand nombre des données recueillies et gérer les mousses avec une exactitude croissante.

Traduit par CNW