Suite à l'interdiction d'exporter des concentrés imposée par la Tanzanie, la mine Buzwagi d'Acacia n'a vendu qu'environ 35 % de son or alors que les coûts encourus pour la production étaient à leur apogée. Avec l'aimable autorisation d'Acacia Mining
Les avantages que procurait l'investissement en Tanzanie s'estompent peu à peu à mesure que les investisseurs miniers du monde entier commencent à ressentir les effets de plusieurs mois de mesures de répression réglementaire. Transactions commerciales annulées, licenciements et prix en déclin des matières premières sont devenus la norme pour les multinationales qui avaient été attirées par l'économie minière riche en ressources mais sous-développée de la Tanzanie.
Acacia Mining, une filiale de Barrick Gold, et Helio Resource Corp., une petite société d'exploration basée à Vancouver, font partie des sociétés directement confrontées aux nouveaux enjeux du marché tanzanien. Les résultats préliminaires du troisième trimestre (T3) de Barrick, publiés le 12 octobre, montraient un déclin de 140 000 onces de la production d'or par rapport aux résultats de l'année précédente sur la même période, une conséquence directe des difficultés rencontrées par Acacia.
Dans une déclaration, Acacia confirmait qu'elle avait produit 191 203 onces d'or mais n'en avait vendu que 132 787 pendant le T3. Les ventes étaient bien inférieures au niveau de production en raison de l'interdiction d'exporter les concentrés d'or et de cuivre, minéraux que produisent les mines Bulyanhulu et Buzwagi d'Acacia.
Après des mois de discussions dans le but de résoudre la polémique prolongée entre la Tanzanie et sa filiale, Barrick annonçait le 19 octobre que la société verserait désormais une part de 50 % des profits générés par Acacia au pays. Le président exécutif de Barrick John Thornton et le président de la Tanzanie John Magufuli ont signé à Dar es Salaam un accord-cadre présentant les étapes du partenariat, qui comprendra la création d'une nouvelle société en exploitation tanzanienne pour gérer les trois mines d'Acacia.
M. Magufuli a pris les choses en main dans le but de réformer la façon dont les sociétés minières multinationales font leurs affaires dans son pays. Depuis le mois de mars, son gouvernement a promulgué un certain nombre de nouvelles règles, notamment l'augmentation à 6 % des taux de redevances applicables à l'or imposés par la Tanzanie (par rapport à 4 % précédemment), et l'imposition d'une taxe de 1 % sur les exportations de minéraux.
Le gouvernement de M. Magufuli a également annulé et renégocié les contrats miniers, interdit les exportations de concentrés de minéraux et de minerais non traités, et refusé aux sociétés minières le recours à un arbitrage international dans le cadre de différends avec le gouvernement.
En Tanzanie, le quatrième plus grand producteur d'or d'Afrique, aucun investissement étranger important n'a eu lieu depuis l'entrée en vigueur à la fin des années 1990 de nouvelles règles fiscales et d'une nouvelle politique relative à l'exploitation des minéraux. Aujourd'hui, des entreprises d'Australie, d'Afrique du Sud, du Royaume-Uni et du Canada en ressentent les effets négatifs sur leurs investissements tanzaniens. Si le pays cherche à développer son secteur des minéraux en augmentant de 3 % à 10 % la part que reverse ce secteur au PIB, les répercussions économiques à long terme des nouvelles réglementations doivent encore faire leurs preuves.
« Nous sommes basés en Tanzanie depuis 2006 et nous ne nous attendions pas à de tels changements », déclarait Richard D. Williams, chef de la direction et directeur de la société Helio. « La vitesse à laquelle ces changements se sont produits, et le manque cruel de consultation avec les parties concernées de l'industrie ont pris les exploitants par surprise. »
Helio annonçait en juin la conclusion d'une transaction concernant la vente à Shanta Gold de son projet aurifère SMP, situé dans le sud-ouest de la Tanzanie ; cette transaction a malheureusement échoué en août. Shanta a rompu l'accord sous le prétexte des changements apportés aux lois sur les mines de Tanzanie depuis l'annonce initiale, bien que Helio réfute ces allégations, expliquant que la rupture de cet accord « n'était fondée sur rien de concret ».
« La communauté de l'investissement a pris du recul et essaie de bien comprendre les implications des changements apportés aux lois », indiquait M. Williams. « Ces changements ont non seulement un impact sur notre capacité à accéder au capital et à mener nos activités, mais également sur le développement de tout projet minier en Tanzanie. »
Pour un investisseur étranger, ajoutait-il, l'une des plus grandes inquiétudes concerne l'élimination par la Tanzanie de toute possibilité pour les sociétés de bénéficier d'un arbitrage international, ce qui implique que le seul recours des sociétés minières en cas de différend sera de s'adresser aux tribunaux du pays.
Des sociétés minières se heurtent à des obstacles en tentant de percevoir les sommes accordées dans le cadre de décisions d’arbitrage internationales
Acacia, la plus grosse société minière de Tanzanie, a rencontré de multiples problèmes au vu de ces changements.
Suite à l'interdiction d'exporter des concentrés imposée par la Tanzanie, la mine Buzwagi d'Acacia n'a vendu qu'environ 35 % de son or alors que les coûts encourus pour la production étaient à leur apogée. Buzwagi canalisait ses activités sur le concentré d'or et de cuivre, qui représente environ 30 % des revenus d'Acacia. Dans une déclaration du mois de juin, Acacia indiquait que l'interdiction d'exporter le concentré avait entraîné des pertes de revenus d'environ 175 millions $ US durant les six premiers mois de l'année et ce, malgré une hausse de la production durant cette même période.
Après un essai de traitement, Acacia annonçait le mois dernier que la mine Buzwagi allait se tourner vers la production de lingots d'or. La société précisait également son intention de réduire ses activités en cessant toute activité souterraine à sa mine Bulyanhulu, qui perdait 15 millions $ US par mois en raison de cette interdiction d'exporter des concentrés. La mine North Mara d'Acacia reste largement non affectée car sa production porte à 100 % sur des lingots.
La Tanzanie annonçait également en juillet qu'Acacia était redevable de 190 milliards $ US en impôts, pénalités et intérêts sur la période de 2000 à 2017. Barrick indiquait en début d'été que les discussions avec le gouvernement tanzanien avaient débuté. Le représentant des relations publiques d'Acacia n'a pas souhaité commenter lorsque l'équipe du CIM Magazine l'a contacté, mais la société a, à plusieurs reprises, démenti ces allégations.
Comme « preuve de la bonne foi » de la société, Barrick annonçait le 19 octobre qu'Acacia verserait au gouvernement tanzanien la somme de 300 millions $ US. Un groupe de travail a été créé entre Barrick et la Tanzanie afin de traiter la question de la facture fiscale d'Acacia ; le gouvernement fera par ailleurs désormais partie du processus décisionnel futur concernant les activités d'Acacia.
D'après Ronak Gopaldas, responsable du département des risques pays au sein de la Rand Merchant Bank (RMB) d'Afrique du Sud, il est important de se rappeler que l'attention accordée par M. Magufuli à la nationalisation des ressources obtiendra l'assentiment des citoyens, même si cette approche hasardeuse envers les changements réglementaires implique l'aliénation de la communauté des affaires. D'après M. Gopaldas, un élément de théâtre politique entre en jeu, et il fonctionne bien ; en effet, la popularité de M. Magufuli reste inchangée auprès de ses électeurs.
« La raison pour laquelle [M. Magufuli a] ciblé des sociétés comme Acacia », déclarait-il, « est qu'elles ont lourdement investi dans le pays et qu'il est donc peu probable qu'elles se réimplantent ailleurs ».
M. Gopaldas ajoutait que l'érosion de la valeur et « le déclin violent du cours des actions » déjà rencontré au niveau des échanges internationaux impliquaient que les sociétés minières seraient plus enclines que le gouvernement « à reculer et à trouver plus rapidement une solution à ce différend ».
Les nouvelles réglementations sont, selon lui, si peu réalistes et commercialement viables pour l'industrie minière qu'elles pourraient bien s'inscrire dans une tactique du président visant à utiliser cette position extrême pour recentrer sa politique vers une situation pondérant les réglementations actuelles et antérieures.
« Il y a de fortes chances, sur le court terme, que la situation reste hasardeuse et irrégulière ; je ne m'attends pas à ce que les choses soient résolues rapidement. »