Une femme dépose une gerbe de fleurs devant le monument de Westray dans le comté de Pictou, en Nouvelle-Écosse, pendant la marche commémorative du syndicat des métallos en 2012 marquant le 20e anniversaire de cet accident. Avec l'aimable autorisation du syndicat des métallos

Le mois de mai vient marquer le 25e anniversaire de la catastrophe de la mine de charbon Westray dans le comté de Pictou, en Nouvelle-Écosse, dont l'explosion a provoqué la mort de 26 mineurs. S'il s'agit de mémoire récente du pire accident sur les lieux de travail au Canada et d'un tournant tragique pour l'industrie, cette catastrophe a également marqué le début d'une nouvelle ère dans la façon dont l'industrie et le gouvernement abordent les questions de sécurité et de responsabilité des entreprises partout dans le pays.

Le 9 mai 1992, tôt le matin, alors que les mineurs de fond terminent leur poste de quatre jours, du méthane s'échappe du filon de houille Foord, s'enflamme, provoque l'inflammation du poussier et engendre une explosion que l'on ressent à des kilomètres à la ronde. La presse et les médias de tout le territoire canadien se ruent dans le petit hameau de Plymouth, et la nation retient son souffle des jours durant alors qu'il devient clair que les sauveteurs miniers ne trouvent aucun survivant dans les décombres ; 11 corps ne seront jamais retrouvés.

Dans l'enquête publique qui a suivie, des accusations ont été faites concernant les négligences graves constatées sur le site. Les propriétaires et les dirigeants de la mine à Curragh Resources ont tous refusé de porter témoignage. L'enquête a également révélé que les conditions dangereuses dans lesquelles travaillaient les mineurs étaient connues de ces derniers ainsi que des surveillants et ce, bien avant l'explosion.

« L'histoire de la catastrophe de Westray constitue une mosaïque complexe d'actions, d'omissions, d'erreurs, d'incompétence, d'apathie, de cynisme, de stupidité et de négligence », écrivait le juge Peter Richard dans son dernier rapport publié en 1997, qui condamnait la gestion de la mine, les autorités réglementaires de la province ainsi que les hommes politiques.

L'explosion et ses conséquences ont provoqué une vague de réformes de la législation provinciale et fédérale qui s'efforçait d'aborder le problème de la sécurité sur le lieu de travail et de la responsabilité qu'endossait l'industrie minière.

Les réglementations relatives à l'exploitation minière souterraine ont été totalement remaniées, grâce à l'implication importante des exploitants miniers, des groupes de travail, des autorités réglementaires fédérales et provinciales, ainsi que des associations industrielles. « Ces réglementations sont entrées en vigueur en 2008 et incluent des dispositions spécifiques ainsi que des exigences strictes en matière d'approbation pour les mines de charbon souterraines. Elles intègrent la majorité des recommandations du juge Richard », déclarait Lisa Jarrett, porte-parole du gouvernement de Nouvelle-Écosse.

Le projet de loi fédérale C-45, que l'on appelle souvent simplement projet de loi Westray, est entré en vigueur en 2004 et a ouvert la voie à la responsabilité criminelle des organisations, des entreprises et de leurs représentants. Il permet de tenir criminellement responsables les employeurs pour leur négligence dans le cas d'accidents mortels ou de blessures graves sur le lieu de travail.

Cependant, aucun des hauts gradés de Curragh n'a jamais été tenu responsable de cette catastrophe. Aujourd'hui, un quart de siècle plus tard, des groupes tels que le congrès du travail du Canada (CTC), qui ont joué un rôle important dans l'élaboration de la législation relative à l'accident de Westray, déplorent que trop peu de mesures aient été prises pour mettre en application les poursuites criminelles visant à protéger les travailleurs et ce, malgré l'entrée en vigueur de nouvelles lois.

« Après les changements effectués par le gouvernement, rien n'a été fait pour promouvoir la conformité, ni pour réunir les provinces et les territoires afin qu'ils évoquent ensemble l'importance de cet accident. Personne n'a formé les services chargés de l'application de la loi en première ligne afin qu'ils considèrent les accidents se produisant sur le lieu de travail comme une affaire criminelle, ni investi suffisamment de ressources pour former les avocats de la Couronne à engager des poursuites judiciaires », indiquait Hassan Yussuf, président du CTC, pour qui ce problème est comparable à la conduite sous l'emprise de l'alcool. « Les lois en matière de santé et sécurité sont certes une bonne chose, mais le problème est que l'on ne peut se contenter de faire payer une amende aux sociétés, car ce n'est rien d'autre qu'une petite tape sur les doigts. Peu d'efforts de dissuasion ont été déployés dans la prévention généralisée des accidents sur l'ensemble du territoire. Le code envoie selon nous un message clair. Si les sociétés et personnes savent qu'elles courent le risque d'être tenues responsables pénalement et de finir en prison, elles prendront sans doute les choses plus à cœur. »

La législation qui a suivi cette tragédie ne peut pas tout résoudre ; l'objectif final est de modifier de manière permanente la culture de la sécurité sur le lieu de travail afin de refléter les réalités et les dangers inhérents au secteur de l'extraction.

« Il est certes important de disposer de bonnes réglementations et de lois sur la sécurité ; cependant, si elles ne sont pas appliquées, elles n'ont aucune valeur », indiquait Robin Campbell, président de l'association charbonnière canadienne. « Nous avons parcouru beaucoup de chemin, notamment depuis le début du siècle, mais ce métier reste dangereux et à risque. C'est la raison pour laquelle il est important de s'assurer que nous respectons toutes les réglementations en vigueur relatives à la sécurité. »

Sean Kirby, directeur exécutif de la Mining Association of Nova Scotia (MANS, l'association minière de la Nouvelle-Écosse), expliquait que l'industrie minière de la province avait réduit ses taux d'accidents de 90 % au cours des deux dernières décennies. « Nous ne pourrons jamais redonner vie aux mineurs qui ont perdu la leur en cette journée sinistre, mais nous nous efforçons de tirer des enseignements de cette terrible expérience et mettons à l'honneur ces mineurs en insistant sur l'amélioration de nos pratiques en termes de sécurité », déclarait-il.

Plusieurs événements commémoratifs seront organisés autour de la date anniversaire de cette tragédie. Le syndicat des métallos, qui a accordé une charte aux mineurs de Westray après l'accident, organisera une veillée mortuaire au monument aux morts et plusieurs autres rencontres commémoratives avec les membres des familles des victimes.

« Toutes ces années, nous nous sommes engagés auprès des familles des victimes disparues à ne jamais les oublier, et à toujours faire briller leur lumière. Nous poursuivrons dans cette voie jusqu'à ce que justice soit faite pour les mineurs disparus et leur famille », déclarait Nancy Hutchison, dirigeante de la section Santé, sécurité et environnement du syndicat des métallos. « Il s'agit maintenant de mettre en application les nouvelles lois. »

Traduit par Karen Rolland