Des travailleurs inspectent des cathodes de cuivre dans les opérations de Codelco à El Salvador, au Chili. Le cuivre semble sur la bonne voie pour connaître une croissance solide en 2018 et jusqu’en 2019 après la reprise de décembre. Avec l'aimable autorisation de Codelco/Flickr/Patio Embarque
Malgré les turbulences politiques dans plusieurs régions du monde, le marché des produits de base s’annonce haussier pour 2018 d’après les prévisions économiques et l’analyse du marché, avec des tendances à la hausse qui concernent la plupart des métaux de base, le pétrole brut et le gaz naturel. Les prévisions de la Banque mondiale, de Goldman Sachs et des sociétés canadiennes comme la Banque Scotia indiquent toutes une forte croissance et des marchés stables pour l’année à venir.
« Pour la première fois depuis plusieurs années, les économies mondiales, autant dans les pays avancés que dans les pays émergents, sont en croissance ou en accélération de manière synchronisée, avec très peu de signes de ralentissement », a affirmé Rory Johnston, économiste spécialiste des produits de base à la Banque Scotia, en précisant qu’aucun facteur unique ne peut expliquer toute l’histoire. « C’est un cercle vertueux. L’un des facteurs importants a été le rôle joué par l’Europe, qui est passée de frein à accélérateur pour la croissance mondiale, ce qui a eu des retombées positives pour les pays qui commercent avec le vieux continent, des effets positifs qui se sont répercutés en cascade sur l’économie mondiale en entier, y compris sur le Canada. »
On s’attend à ce que les tendances à la hausse des produits de base qui ont commencé en 2017 poursuivent sur leur lancée en 2018, et ce, jusqu’en 2019, partiellement en raison de la stabilité soutenue des marchés chinois de la fabrication.
« Le marché des produits de base a connu une transformation au cours des 12 derniers mois. Nous nous trouvons donc dans une situation d’optimisme synchronisé, renforcée par la conviction que l’économie mondiale est plus solide que prévu », a expliqué Paul Robinson, directeur au CRU Group. « Ces éléments placent les marchés des produits de base en bonne position, bien que nous dépendions encore beaucoup de ce qui se passe en Chine du point de vue de la demande. Il est encore trop tôt pour savoir ce que la Chine fera en matière d’approvisionnement pour restreindre la production de divers produits de base. »
Cette année, les métaux de base « favoris » sont le cobalt, le zinc et le nickel. En ce qui concerne le cobalt et le nickel, cela s’explique en partie par les investissements dans la technologie des véhicules électriques, qui devraient augmenter avec la croissance de la production et les prix plus abordables des nouveaux modèles. Grâce à l’augmentation de la rentabilité des batteries lithium-ion pour les véhicules utilitaires légers et lourds, nous nous attendons à ce que la demande pour leurs ingrédients provenant des métaux de base progresse de façon constante avec les prix.
S&P Global Platts prévoit que les ventes mondiales de véhicules électriques connaîtront une hausse de 1 300 pour cent entre 2015 et 2025 et que la capacité de fabrication des batteries fera plus que doubler d’ici 2021. La vraie question n’est donc pas de savoir si le prix des métaux de base augmentera, mais plutôt si les sociétés minières seront en mesure de suivre le rythme de la demande exponentielle de ce secteur.
Pour ce qui est du zinc, les indicateurs fondamentaux du marché sont encore en sa faveur. « À l’échelle mondiale, le zinc est en situation d’approvisionnement restreint et la production de zinc affiné pourrait avoir de la difficulté à suivre la demande », a déclaré Joe Innace, directeur de la teneur des métaux, S&P Amériques.
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Le cuivre s’est repris de manière constante au mois de décembre et semble prêt à connaître une croissance solide en 2018 et jusqu’en 2019, ce qui s’inscrit dans la lignée de son surnom de « Dr Cuivre » en tant qu’indicateur pour l’évaluation du cycle industriel mondial. Selon Andy Blamey, directeur adjoint de l’édition pour les prix des métaux de S&P, ceci repose en partie sur le fait que les investisseurs spéculatifs des marchés financiers s’appuient sur des positions longues. « Les indicateurs fondamentaux restent favorables dans l’ensemble et avec les nombreux contrats de travail qui doivent être renouvelés cette année, particulièrement au Chili et au Pérou, le marché pourrait inclure une prime de risque de perturbation. »
On s’attend à ce que les prix du minerai de fer tournent autour de 60 $ en 2018, en baisse par rapport aux 72 $ de l’année dernière selon la Banque Scotia. Cette situation est causée en partie par l’offre excédentaire du marché qui est alimentée par les producteurs à faibles coûts comme l’Australie et le Brésil. La production d’acier de la Chine a été plus élevée que prévu en 2017, mais Beijing a annoncé des plans visant à réduire la capacité de 10 pour cent d’ici 2021 pour lutter contre la pollution de l’air. L’Institut chinois de planification et de recherche de l’industrie métallurgique a prévu une augmentation de la production de 0,7 pour cent pour atteindre 838 millions de tonnes en 2018 par rapport à une augmentation de trois pour cent en 2017. La volatilité du minerai de fer dépendra de la Chine, mais Goldman Sachs conserve sa prévision baissière à cause du risque que la production d’acier stagne chez le plus grand producteur au monde.
Selon la Banque mondiale, le prix du pétrole pourrait atteindre en moyenne 58 $ le baril en 2018, ce qui représente une augmentation par rapport à la moyenne de 53 $ en 2017, avec une croissance de l’approvisionnement évoluant à la moitié du rythme de la demande mondiale. Le prolongement de la baisse de production décidée par l’OPEP de la fin du mois de novembre jusqu’à la fin de 2018 a obligé Goldman Sachs à réviser ses prévisions pour le prix du pétrole. Toutefois, cette situation dépend grandement du respect des conditions de l’entente par les membres de l’OPEP, particulièrement en raison de la situation actuelle de clivage politique dans le golfe Arabo-Persique.
« Depuis le mois de décembre, les membres de l’OPEP ont atteint les plus hauts niveaux de conformité jamais vus. Le fardeau est réparti beaucoup plus uniformément parmi les joueurs importants, bien que cela n’ait pas toujours été le cas », a affirmé M. Johnston. « Au début, cette situation a soulevé des inquiétudes par rapport à un abandon potentiel de l’entente. Toutefois, nous voyons maintenant que les pays de l’OPEP contribuent de manière beaucoup plus uniforme à l’entente, ce qui est généralement positif à la fois pour l’entente et le prix du pétrole. »
Les autres facteurs de risque pour le marché de l’énergie comprennent les perturbations dans l’approvisionnement causées par des pays agités comme la Libye, l’Iraq et le Nigéria, ainsi que les difficultés politiques et économiques du Vénézuéla. Si les États-Unis réduisent les importations mexicaines, la demande pour le brut lourd de l’Alberta pourrait accroître la part de marché du Canada avec un plus grand accès à la capacité de raffinage des États-Unis, selon une prévision publiée par Deloitte.
L’évolution de certaines situations en 2018, comme les renégociations de l’ALENA, le retrait des mesures de relance chinoises, le Brexit et les nouvelles politiques fiscales aux États-Unis auront aussi un effet imprévu sur les marchés tout au long de l’année, bien que la majorité des analyses restent néanmoins positives.
« Il aurait été possible de faire des prévisions pour 20 événements susceptibles de transformer les marchés l’année dernière, et pour 20 autres susceptibles de le faire cette année », a affirmé M. Robinson. « Toutefois, en fonction de ce qui nous attend, nous voyons relativement peu de baisses. Actuellement, il est plus important de chercher ce qui occasionnera davantage de hausses que de spéculer sur des risques majeurs que nous ne pouvons pas prévoir. »