On aperçoit ici la mine Sentinel de First Quantum Minerals, en Zambie. Le pays a proposé de relever l’échelle mobile des redevances pour s’attaquer à son endettement croissant. Avec l’aimable autorisation de First Quantum Minerals
Rendre les pays plus attrayants aux yeux des investisseurs étrangers, protéger les droits des minorités et des peuples autochtones et rééquilibrer les échelles de revenu entre les entreprises et les pays – tous ces thèmes ont largement dominé les changements apportés à la législation minière de par le monde en 2018. Voici un aperçu de certaines des modifications de règlement mises en œuvre dans le secteur minier cette année.
Afrique
En juin, la République démocratique du Congo a donné force de loi à un nouveau code minier prévoyant une hausse des taux de redevance sur le cuivre et l’or qui, de 2,5 %, sont respectivement passés à 3 % et à 3,5 %. Qui plus est, le pays a décrété que le cobalt était un minéral « stratégique » et a triplé son taux de redevance, le faisant passer de 3,5 % à 10 %. Le code, adopté après le retrait d’une clause qui aurait accordé aux projets une période d’exemption de 10 ans, a été mis en application immédiatement. Selon Quentin Markin, co-chef de la division minière du cabinet juridique Stikeman Elliott, l’absence de période transitoire complique les choses pour les sociétés minières exerçant des activités au pays. « Les... modifications faisaient l’objet de pourparlers et étaient à l’étude depuis plusieurs années, et il y avait eu des consultations. Mais durant l’année, le gouvernement a décidé d’introduire les changements relativement rapidement et sans vraiment consulter l’industrie de nouveau, a expliqué M. Markin. Il est difficile d’exercer des activités dans un environnement qui manque de stabilité et de prévisibilité. »
Dans le but de s’attaquer à son niveau d’endettement croissant, le gouvernement de la Zambie a proposé de hausser les taux de redevance applicables aux minéraux extraits. Le pays relèvera l’échelle mobile des redevances de 1,5 point de pourcentage. L’échelle est actuellement fixée entre quatre et six pour cent. De plus, le taux de redevance applicable au cuivre augmentera à 10 % si le prix du métal de base dépasse 7 500 $ US la tonne. Clive Newall, chef de la direction de First Quantum Minerals, a indiqué que son entreprise n’a pas été consultée préalablement aux changements. « Nous étions déçus, mais pas surpris, compte tenu de la précarité de l’économie zambienne et du fait que le [gouvernement de la République de Zambie] a toujours considéré l’industrie minière comme une source de fonds, sans tenir compte de l’incidence d’une telle attitude sur l’investissement à long terme, a souligné M. Newall. Malheureusement, les mesures introduites par le code minier de la Zambie maintenant viennent renforcer sa position extrêmement marginale. Nulle part ailleurs dans le monde ne trouve-t-on un régime d’imposition du secteur minier aussi punitif et dissuasif. First Quantum, à qui le gouvernement zambien a refilé une facture fiscale de quelque 8 milliards $ US plus tôt cette année, exploite une mine et une fonderie dans le pays. M. Newall a dit que la minière continuera d’exercer des pressions auprès du gouvernement par l’intermédiaire de la Chambre minière, aux côtés d’autres sociétés minières de Zambie.
Les modifications à l’étude touchant la charte minière de l’Afrique du Sud font toujours l’objet de consultations. Le gouvernement en a publié une version préliminaire en septembre, dans laquelle on proposait de faire passer à 30 % le pourcentage de propriétaires noirs des nouvelles sociétés, tout en le maintenant à 26 % pour les entreprises existantes; de ne pas exiger que les entreprises s’étant déjà qualifiées selon les règles de propriété aient à se qualifier de nouveau advenant une diminution du nombre de propriétaires noirs; et d’éliminer une exigence relative au dividende des versions antérieures publiées par le gouvernement précédent. M. Markin s’attend à ce que les modifications finales de la charte soient annoncées l’an prochain, probablement en février, à l’occasion de la conférence annuelle Indaba sur les investissements miniers.
Cette année, le Zimbabwe a assoupli sa législation en matière de propriété d’État, son nouveau président, Emmerson Mnangagwa cherchant à attirer davantage d’investisseurs étrangers au pays. Auparavant, les sociétés publiques devaient détenir une majorité d’actions dans les exploitations minières du pays. La règle a été assouplie pour tout sauf les mines de platine et de diamants, qui doivent toujours appartenir à l’État dans une proportion de 51 %. La réélection d’Emmerson Mnangagwa après sa nomination en vue de remplacer le président destitué Robert Mugabe laisse supposer qu’un assouplissement des règles minières aura probablement lieu.
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Le Ghana a annoncé cette année qu’il réviserait son code minier, dans une volonté de générer davantage de revenus. Le vice-président Mahamudu Bawumia a déclaré que, malgré le fait que le Ghana détienne 10 % de la plupart des mines du pays, il n’a pratiquement pas touché de dividendes depuis 2012, d’où la décision de procéder à une révision. Le Ghana est l’un des pays qui pratiquent le nationalisme à l’égard des ressources. « Je crois que le modèle est reproduit relativement fréquemment en Afrique de l’Ouest, où le seuil de propriété est [fixé] entre 10 et 20 %, a souligné John Wilkin, associé du cabinet juridique Blakes et spécialisé dans le secteur minier. M. Wilkin a affirmé que les territoires d’Afrique de l’Ouest exigent que les entreprises aient une représentation à l’échelle locale, dans le cadre d’une longue tradition où les nations cherchent à rééquilibrer leur relation avec les sociétés minières internationales.
Le gouvernement de Tanzanie a procédé à un changement soudain cette année quand il a adopté des règlements en janvier contraignant les sociétés minières à faire affaire avec des banques et compagnies d’assurance tanzaniennes locales et à embaucher des avocats tanzaniens. Les règles stipulent également que les Tanzaniens doivent toucher une quote-part de 5 % dans les sociétés minières. M. Markin croit que ces changements soudains sans consultation sectorielle préalable risquent d’avoir des conséquences négatives pour le secteur minier du pays. « Les exigences qui s’appliqueront là-bas sont tellement plus coûteuses que [celles] du régime actuel que les gens ne voudront tout simplement pas investir, a fait valoir M. Markin. Il pourrait en effet y avoir dessaisissement de juridiction. »
Au Mali, un nouveau gouvernement a pris le pouvoir en septembre, alors que le pays procède à la révision de son code minier. Les changements n’ont pas encore été finalisés ni annoncés, mais le pays songe à éliminer une exemption datant d’il y a 30 ans et qui protège les sociétés réalisant des projets au pays contre certaines modifications relatives au système fiscal, entre autres. Le gouvernement a dit qu’il pourrait ramener l’exemption en question à la durée de vie d’une mine.
En octobre, la Namibie s’est débarrassée des règles qui exigeaient que les sociétés qui demandent un permis d’exploration doivent compter des Noirs parmi leurs propriétaires et gestionnaires, contrairement à une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest. Le pays avait instauré les règles en 2015 afin que 5 % des permis d’exploration du pays soient réservés à des particuliers namibiens ou à des entreprises exclusivement détenues par des Namibiens, en plus d’exiger que la direction des sociétés d’exploration soit composée à 20 % de citoyens « historiquement désavantagés ». La Namibie a supprimé les règles afin d’encourager les investissements dans de nouveaux projets de mise en valeur.
Le gouvernement égyptien a promis de publier un code minier révisé. Au cours des récentes années, le pays a cherché à accroître les investissements étrangers dans le secteur minier. M. Wilkin estime que l’atteinte de cet objectif ne sera réalisable qu’en mettant en œuvre un ensemble de règles transparentes et claires assorti à des protections anticorruption robustes. Le code mis à jour doit être « transparent, exécutoire et conforme aux normes internationales », a-t-il ajouté.
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Europe
Cette année, l’Espagne a conclu une entente avec son industrie charbonnière afin de mettre fin entièrement à l’extraction de la ressource. Les dix mines de charbon du pays seront fermées d’ici 2019, et plus de 1 000 mineurs pourront bénéficier d’une retraite anticipée ou d’un recyclage professionnel dans le secteur de l’énergie verte. Cette initiative du gouvernement espagnol s’inscrit dans le cadre de son vaste programme de protection environnementale. Anne Drost, également avocate en droit minier chez Blakes, s’intéresse de plus aux questions environnementales et croit que le changement climatique sera un enjeu de taille au sein de l’industrie minière au cours des dix prochaines années. « Je crois que toute la question des actifs immobilisés, quand les entreprises commenceront à approfondir l’analyse du risque, sera de plus en plus omniprésente », a mentionné Mme Drost.
Amérique du Nord et Amérique du Sud
Le ministre péruvien des Mines a déclaré en septembre que le gouvernement envisageait d’offrir des remboursements d’impôt aux sociétés minières sur une base permanente. Le remboursement couvre la taxe sur la valeur ajoutée de 18 % à l’échelle nationale et est en place depuis près de 20 ans, mais il doit être renouvelé chaque année. Alors que le pays connaît un essor soutenu sur le plan des investissements, le ministre a dit que son gouvernement espère procurer une stabilité accrue en faisant du remboursement un élément permanent du code des impôts.
Au Canada, le gouvernement fédéral a présenté un projet de loi en février en vue de mettre sur pied un nouvel organisme fédéral chargé d’évaluer les projets axés sur les ressources et l’énergie, et de remplacer l’Office national de l’énergie (ONE) par un nouvel organisme de réglementation. Advenant l’adoption du projet de loi C-69, actuellement à l’étude au Sénat, les évaluations de projet seraient également élargies pour englober les impacts sur l’environnement, la santé, la société et l’économie, les effets sur les peuples autochtones et une analyse comparative entre les sexes. La Régie canadienne de l’énergie, qui remplace l’ONE, n’aurait plus de responsabilités en matière d’évaluation environnementale, mais continuerait à réglementer les pipelines, le transport et les tarifs associés à l’acheminement de pétrole et de gaz par leur intermédiaire.
Le gouvernement fédéral a également mis sur pied un organisme de surveillance ayant pour mandat d’enquêter sur les cas de violation des droits de la personne impliquant des compagnies canadiennes exerçant des activités à l’étranger. L’Ombudsman canadien de la responsabilité sociale des entreprises pourra mener ses propres enquêtes et publier des rapports. (La coopération avec le prédécesseur de l’Ombusdman se faisait sur une base volontaire.) Selon M. Markin, il est trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité de la nouvelle organisation. « Nous en sommes encore au stade des balbutiements, a-t-il souligné. Nous n’en avons pas encore mesuré les effets, mais à mon avis, ce n’est qu’une question de temps. »