Pour Perpetua Resources, l’invocation de la loi sur la production de défense fera de son projet aurifère de Stibnite une source nationale d’antimoine. Avec l’aimable autorisation de Perpetua Resources/Blaine Serrin

Le 31 mars, le président Joe Biden invoquait la loi sur la production de défense (LPD) pour augmenter la production nationale de minéraux et de métaux critiques. Si cette décision peut, de prime abord, paraître bénéfique pour l’industrie minière, les véritables implications pourraient ne pas être claires pour celles et ceux ne connaissant pas bien la politique intérieure des États-Unis. Vous êtes perdus ? Nous vous expliquons ce que cela implique réellement.

Tout d’abord, qu’est-ce que la loi sur la production de défense ?

La LPD est entrée en vigueur en 1950 dans le cadre de la stratégie de guerre froide des États-Unis, après le début de la guerre en Corée. Elle confère au président un pouvoir provisoire pour intervenir dans l’économie nationale afin d’assurer la production de certains biens, services et ressources ou de l’accélérer en fonction des besoins pour promouvoir la défense nationale.

Qu’ont donc les minéraux critiques à voir dans cette loi ?

La défense nationale telle qu’on l’envisage généralement consiste à limiter les effets négatifs des risques possibles pour les civils. En pratique, cela s’étend des opérations militaires au stockage des ressources.

Le titre III de la LPD, qui est l’un des titres invoqués pour les matériaux critiques, concerne la hausse de la capacité de production et de l’offre. Sa section 303 porte sur l’exploitation minière spécifiquement. Elle autorise le président à prendre des dispositions pour « encourager l’exploration, le développement et l’exploitation de matériaux critiques et stratégiques, ainsi que d’autres matériaux ».

Mais pourquoi maintenant ?

Cette mesure vient en réaction à la hausse fulgurante du prix du gaz après l’interdiction d’importer du pétrole russe aux États-Unis. La situation a poussé le gouvernement à mettre en œuvre un plan d’aide.

Une partie de ce plan consistait à renforcer l’indépendance énergétique des États-Unis en accélérant la transition vers une énergie verte produite à l’échelle nationale. Citant le besoin tout particulier de favoriser la production de batteries à grande capacité telles que celles que l’on trouve dans les véhicules électriques, la Maison-Blanche a invoqué la LPD pour les minéraux et les métaux critiques.

Quels métaux sont concernés ?

Le lithium, le nickel, le cobalt, le graphite et le manganèse sont les métaux cités dans le mémorandum présidentiel présenté au secrétaire d’État à la défense comme essentiels à la production de batteries.

La liste des minéraux critiques reconnue par le ministère de l’intérieur comprend toutefois un total de 50 minéraux depuis son renouvellement de 2022. Les exclusions notables concernent le cuivre, l’hélium, la potasse et l’uranium.

Quelles sont les implications pour le processus minier ?

En invoquant la LPD, des fonds seront débloqués pour le développement de nouveaux sites et de sites miniers existants. Cette mesure devrait réduire les risques financiers liés aux nouveaux projets, leur permettant d’avancer plus facilement.

Ce que la LPD ne fera pas dans ce cas est de proposer des prêts ou un achat direct par le gouvernement. Cette mesure n’élimine pas non plus la charge administrative inhérente au développement et à l’exploitation d’une mine. Les exigences fédérales et gouvernementales n’ont pas été abolies en ce qui concerne les permis exigés, et les lois relatives à l’environnement, la santé et la sécurité restent totalement en vigueur.

Comment a été reçue l’annonce de cette mesure ?

Pour les initiés et les experts de l’industrie, le manque de dispositions entourant l’obtention de permis environnementaux implique qu’il est peu probable que la mise en œuvre de la LPD accélère l’activité minière. Il faudra probablement encore de nombreuses années avant que de nouveaux projets ne voient le jour sur le sol national, sachant que le délai d’approbation d’un projet par le Bureau of Land Management (BLM, le bureau fédéral de gestion des sols) varie grandement, de 1 mois à 11 ans.

Les critiques ont dénoncé la contradiction du gouvernement du président Biden, qui encourage l’attribution de subventions à des projets qu’il bloque déjà au travers de sa réglementation. L’entrée en vigueur de la LPD arrive quelques mois seulement après que le BLM et l’U.S. Forest Service (le service des forêts des États-Unis) ont proposé le retrait des autorisations d’exploiter et de développer des projets miniers sur environ 225 378 hectares de terres fédérales dans le nord-est du Minnesota. Twin Metals, dont le projet de cuivre, nickel, cobalt et groupe du platine serait affecté par ce retrait, a fait part de son opposition à la proposition qui, d’après la société, bloquera une source nationale de minéraux critiques bruts.

Selon la National Mining Association (NMA, l’association minière américaine), l’annonce de la LPD a une portée limitée, mais envoie un message important. « Ce dont on a besoin, c’est d’une politique qui garantit que l’on peut produire des [ressources minérales] et bâtir des chaînes d’approvisionnement sûres et fiables qui nous sont clairement indispensables », déclarait Rich Nolan, président et directeur général de la NMA.

Mais alors, quelqu’un est-il satisfait de cette mesure ?

Si certains se sont déclarés sceptiques à l’égard de la logistique de la LPD, d’autres sociétés ont, au contraire, accueilli favorablement cette annonce.

Parmi elles figurait Trilogy Metals, dont le projet d’Upper Kobuk compte le zinc, le cobalt et le cuivre parmi ses ressources indiquées et présumées. La société pense que la LPD permettra à son projet de jouer un rôle économique majeur dans le nord-ouest de l’Arctique.

Perpetua Resources a également félicité le président Biden d’avoir invoqué la LPD. Cette mesure sera, d’après la société, favorable à son projet aurifère de Stibnite. S’il est construit, ce projet deviendra une source nationale d’antimoine, un autre métal nécessaire à la fabrication de batteries.

Alors, que retirer de tout ceci ?

En invoquant la LPD, la Maison-Blanche donne le ton et décrète que la production de minéraux critiques a besoin d’un élan national pour se libérer de sa dépendance à l’égard des importations peu fiables. Cette mesure devrait motiver le développement de nouveaux projets et l’agrandissement de projets existants en réduisant leurs risques financiers. Toutefois, à défaut de changer le statu quo concernant l’obtention de permis environnementaux, ces développements ne sont pas près de voir le jour rapidement.

Traduit par Karen Rolland