Une poche de chargement transporte du métal en fusion dans un convertisseur basique à oxygène pour le transformer en acier dans un centre de Pohang Steelworks (POSCO), en Corée du Sud. Avec l’aimable autorisation de la World Steel Association

Les nouvelles directives de l’International Council on Mining & Metals (ICMM, le conseil international des mines et métaux) visent à améliorer la qualité et la transparence de la communication des émissions de gaz à effet de serre (GES) de champ d’application 3 pour l’industrie.

Ces directives, publiées début septembre, ont été élaborées sur 18 mois par un groupe de travail composé de représentants de ses 25 sociétés membres, dont font partie Barrick Gold, BHP, Freeport-McMoRan, Newmont, Rio Tinto et Teck Resources. Des créateurs de normes de communication, des investisseurs et des institutions financières ont aussi apporté leurs contributions.

Les émissions de champ d’application 3 sont générées dans la chaîne d’approvisionnement et sont au-delà du contrôle direct d’une société. Elles constituent la majeure partie du profil d’émission d’une société (d’après l’ICMM, en fonction du type de matière première et d’autres facteurs, les émissions de champ d’application 3 représentent entre 75 % et 95 % de l’empreinte carbone d’une société). Pourtant, leur justification et leur communication se trouvent bien derrière celles des émissions de champs d’application 1 et 2, et les sociétés ont adopté diverses approches pour leur divulgation.

En 2021, l’ICMM a exigé de ses sociétés membres qu’elles s’engagent à supprimer leurs émissions de champs d’application 1 et 2 au plus tard à l’horizon 2050. Concernant leurs émissions de champ d’application 3, il demandait à ses membres de commencer à les communiquer et à fixer des objectifs de réduction de cette catégorie d’émissions d’ici la fin 2023 seulement.

Pour rédiger ses directives, l’ICMM s’est inspiré des normes en matière d’émissions de champ d’application 3 du protocole sur les GES, les lignes directrices les plus utilisées au monde concernant la divulgation des émissions par les entreprises. Ce protocole définit 15 catégories d’émissions de champ d’application 3, et les a adaptées à l’industrie minière. Le document de l’ICMM vise à répondre à certaines difficultés communément rencontrées en matière de communication, notamment la qualité des données et leur disponibilité, ainsi que les limites peu claires concernant ce dont il faut tenir compte dans ce cadre.

Christian Spano, directeur de l’innovation à l’ICMM, expliquait à l’équipe du CIM Magazine que les nouvelles directives contribueront à normaliser les pratiques de communication auprès de ses sociétés membres et de l’industrie minière dans son ensemble, tout en donnant aux sociétés la capacité de justifier les réalités spécifiques de leur activité.

« La situation était très chaotique jusqu’à présent, personne ne savait sur quel pied danser », déplorait M. Spano. « Maintenant, chaque société peut communiquer ses émissions en fonction des réalités de son activité tout en se conformant aux normes relatives aux pratiques de divulgation. »

M. Spano insistait sur la valeur de la communication des émissions de champ d’application 3 d’un point de vue « stratégique ». Il ajoutait que les autorités réglementaires, les institutions financières et les investisseurs, ainsi que d’autres parties prenantes de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, souhaitent comprendre l’empreinte d’une société et l’approche qu’elle adopte pour atténuer ses émissions.

Durant l’élaboration des directives, l’ICMM a passé en revue les méthodologies existantes sur les émissions de champ d’application 3 et a mis à disposition de ses membres un questionnaire afin d’en savoir plus sur l’approche qu’ils adoptaient à l’égard de la communication de leurs émissions et leur appréhension générale des 15 catégories. À partir de là, le conseil a consulté ses membres ainsi que des experts externes.

« Le champ d’application 3 est très complexe, c’est pourquoi nous voulions comprendre les difficultés auxquelles étaient confrontées [les sociétés minières] et aider nos membres et l’industrie minière dans son ensemble [en leur offrant] une orientation utile, pas quelque chose de tape-à-l’œil ni un discours supplémentaire sur les meilleures pratiques », indiquait M. Spano.

Il ajoutait que les sociétés membres se trouvaient à divers degrés de maturité en termes de communication de leurs émissions de champ d’application 3. Ainsi, les directives visaient à intégrer les améliorations faites par les sociétés les plus avancées, tout en offrant aux sociétés se trouvant aux toutes premières étapes de justification « une voie pour atteindre ce degré de maturité ».

Une motivation pour coopérer

La plupart des sociétés minières communiquant leurs émissions de champ d’application 3 se reposaient jusqu’ici sur les normes établies dans le protocole sur les GES. Toutefois, un document de 2020 publié dans la revue scientifique Environmental Research Letters, qui examinait les divulgations d’émissions de champ d’application 3 de 2018 pour 14 grandes sociétés minières, n’en trouvait aucune qui communiquait sur l’ensemble des 15 catégories. Les auteurs de l’étude indiquaient que cette incohérence était le miroir de la diversité des modèles économiques. Toutefois, ceci indiquait aussi un manque de clarté autour des limites des émissions de champ d’application 3 et des informations que les sociétés sont censées communiquer.

Les directives demandent aux sociétés minières d’initialement considérer les 15 catégories comme importantes, puis de fournir une « carte de densité » des catégories qui sont susceptibles d’être les plus importantes en fonction du type de matière première. Pour les métaux précieux, par exemple, il faudra sans doute communiquer les émissions de champ d’application 3 liées aux biens et services achetés ainsi qu’à la consommation de carburant et d’énergie. Quant aux métaux en vrac et communs, les points chauds de leurs émissions se situent dans le traitement et l’utilisation de produits vendus.

En définitive, les sociétés détermineront si une, voire plusieurs catégories, ne sont pas importantes à divulguer pour leur entreprise. Toutefois, les directives indiquent qu’elles doivent justifier, documenter et déclarer chacune de ces catégories par souci de transparence.

Les directives exigent aussi d’établir des limites minimales pour toutes les catégories de champ d’application 3. Chris Adachi, directeur du changement climatique à Teck Resources, indiquait à l’équipe du CIM Magazine que « l’industrie s’était montrée ouverte à la discussion » concernant les limites à fixer autour de ce qui doit être pris en compte. Toutefois, le consensus sur les sources d’émissions importantes a été obtenu en prenant en compte une étape en amont et une étape en aval de la chaîne d’approvisionnement.

La disponibilité des données et leur qualité se sont avérées être des questions importantes dans le suivi et la communication des émissions de champ d’application 3. Ceci s’explique par le fait que les fournisseurs et autres parties prenantes dans la chaîne d’approvisionnement ne collectent pas les données, ou que leurs données sont relativement rudimentaires. Cela pourrait aussi être dû au fait qu’ils mènent leurs activités dans des territoires où le partage des données est illégal, ou encore que les sociétés hésitent à partager les informations pour des raisons de concurrence.

Teck communique ses émissions de champ d’application 3 depuis 2012. La société s’efforçait initialement de justifier l’utilisation de son charbon métallurgique dans la fabrication de l’acier. Toutefois, M. Adachi expliquait qu’elle collaborait ces cinq dernières années avec un tiers afin d’améliorer la justification de ses émissions pour le reste des 15 catégories. « On peut atteindre certains niveaux et degrés de qualité, mais d’autres sont hors de notre contrôle », indiquait-il, ajoutant que les sociétés doivent souvent porter des jugements et trouver un équilibre entre « ce qui est disponible et ce qui est correct ».

Le document définit des sources de données recommandées pour chaque catégorie et, si ces dernières ne sont pas disponibles, les exigences minimales. Les données spécifiques aux sites et aux clients sont considérées comme la norme par excellence pour le traitement et l’utilisation de produits vendus, d’articles consommables et de transport en amont. Les moyennes de l’industrie sont, quant à elles, souvent considérées comme le minimum. Certaines catégories peuvent être calculées à l’aide de données reposant sur la valeur monétaire des biens et services achetés, et les émissions de transport en fonction de la distance. Les directives donnent aussi des liens vers des données moyennes de l’industrie de bonne qualité, et encouragent les sociétés à dialoguer avec les fournisseurs et les clients.

Qian Zhang, professeur adjoint du département de génie minier de l’université Queen’s et responsable du laboratoire Green Mining Value Chain, indiquait à l’équipe du CIM Magazine qu’il était « très impatient » de découvrir ces nouvelles directives de l’ICMM. Il ajoutait que l’accent qu’elles mettent sur l’importance de collaborer avec les fournisseurs et les acheteurs reflète l’intention initiale des créateurs de normes.

« Depuis le début… l’intention des entités élaborant des directives était d’encourager les parties de l’ensemble de la chaîne de valeur à collaborer pour réduire les émissions totales de dioxyde de carbone », déclarait M. Zhang. Il faisait remarquer que, sans cette obligation pour les grandes sociétés minières de surveiller leurs émissions de champ d’application 3, la qualité des données et les questions d’accès pourraient se perpétuer, car les fournisseurs et les acheteurs auraient alors peu de raisons de surveiller et de divulguer leur empreinte. « C’est une incitation… à encourager la collaboration afin de réduire l’empreinte carbone globale. Ce n’est pas uniquement pour aborder cette question comme une tâche ingérable au-delà du contrôle des [sociétés]. »

Traduit par Karen Rolland