Dans une section étudiée, les camions de roulage reliés à une chaîne de traction par caténaire ont réduit leur équivalent en dioxyde de carbone (CO2) par cycle de transport de 79 kilogrammes. Avec l’aimable autorisation de Copper Mountain Mining

Début avril, sept imposants camions de roulage remontaient soudain comme des flèches la descenderie très pentue d’un kilomètre de long de la mine phare à ciel ouvert de Copper Mountain Mining, au double de leur vitesse habituelle, et pour une fraction du diesel qu’ils consomment d’habitude.

Cette prouesse est le fruit d’une nouvelle infrastructure de traction par caténaire installée à la mine de cuivre de la Colombie-Britannique (C.-B.). Ce système de traction par caténaire permet aux camions de roulage à moteur électrique de se passer des groupes électrogènes diesel et de recevoir de l’énergie propre directement de la ligne électrique aérienne. Pendant la montée de la descenderie, le moteur du camion est à l’arrêt. Techniquement, il fonctionne encore, mais ne consomme qu’une fraction du carburant. Copper Mountain a collaboré avec ABB sur l’installation de cette infrastructure électrique, et avec SMS Equipment et Komatsu pour les camions de roulage. Clean BC et B.C. Hydro ont financé une partie du projet.

Le système de traction par caténaire aidera Copper Mountain à atteindre son objectif ambitieux de neutralité carbone à l’horizon 2035. Gil Clausen, président et directeur général de Copper Mountain, expliquait que le directeur de l’exploitation Don Strickland et lui-même avaient rapidement mis le doigt sur leur plus grande source d’émissions, les camions de roulage alimentés au diesel.

« Nous avons commencé à élaborer un plan [de réduction des émissions], et l’installation d’une chaîne de traction par caténaire est devenue un élément majeur de ce plan », déclarait-il. « Pour préparer le terrain pour l’avenir, nous devons éliminer l’activité la plus énergivore, à savoir le transport en montée. »

À peine quelques mois après avoir commencé, la phase pilote est déjà une véritable réussite. D’après M. Clausen, les camions de roulage équipés de pantographes remontent la plus forte pente de la descenderie deux fois plus vite que les autres camions de la société, et à un douzième du prix du diesel. La société a aussi achevé une étude qui estime qu’elle réduit de 79 kilogrammes son équivalent en CO2 par cycle de transport sur la section de caténaire installée. La traction par caténaire devrait, selon lui, aider la société à réduire drastiquement ses émissions totales d’au moins 30 %.

Ce projet est un tournant majeur pour l’industrie. De fait, Copper Mountain est la première mine à ciel ouvert d’Amérique du Nord à installer ce système de traction par caténaire, même si cette technologie existe depuis des décennies. M. Clausen est convaincu que cette étape va marquer un tournant, car certaines sociétés minières cherchent à décarboner leurs activités rapidement pour atteindre la neutralité carbone.

« Cette technologie est une véritable aubaine et pourrait bien devenir plus omniprésente dans notre industrie », déclarait-il. « Nous essayons de garder une longueur d’avance. Nous partons du principe que le système de traction par caténaire sera une réussite, nous en sommes presque convaincus. Nous travaillons désormais sur la phase suivante de l’évolution du transport qui nous permettra de totalement éliminer les émissions de carbone des gros camions de roulage. »

L’électrification en amont

C’est en 2019 que Copper Mountain a entamé pour la première fois des discussions sur la mise en œuvre de la traction par caténaire. Elle a lancé une étude de faisabilité s’intéressant à l’infrastructure électrique nécessaire, la manière d’équiper les camions et la qualité des routes de transport indispensable pour une mise en œuvre réussie. À la fin de l’année 2020, l’étude montrait des « résultats probants ». La société et ses partenaires ont donc décidé de s’électrifier en amont, indiquait George Shehata, chargé du développement de projet pour les industries des procédés à ABB.

La société commence par équiper sept camions de pantographes reliés à l’infrastructure de traction par caténaire, dans l’objectif d’augmenter à terme le nombre de camions pouvant utiliser ce système. M. Shehata indiquait que Copper Mountain avait un avantage déjà intégré. En effet, les camions de roulage de la société sont équipés de moteurs à entraînement électrique. L’introduction d’un système de traction par caténaire demandera donc moins de modifications que sur des camions classiques fonctionnant au diesel.

L’essai a lieu sur la descenderie où sera transportée la majeure partie du minerai de Copper Mountain sur les 10 à 15 années à venir, ce qui en fait un choix logique, ajoutait M. Clausen. Cette descenderie, ajoutait-il, constitue le cycle de service le plus ardu à la mine, avec une pente de 10 %, et l’une des portions de route les plus énergivores du site. Durant l’été, Copper Mountain s’est affairé à construire certains paliers supérieurs de la mine à ciel ouvert et a donc laissé de côté le système de traction par caténaire. Toutefois, expliquait M. Clausen, la société se prépare à une période d’essais intensifs cet automne.

Durant les premiers mois, la société s’est attelée à « éliminer les défauts du système », indiquait M. Clausen. Les pantographes des camions sont exposés à la chute de roches, un risque émanant des activités de chargement en surface, entraînant un possible problème d’entretien. Il fallait donc renforcer leur solidité. Les modifications, indiquait-il, ont permis à la société de préserver une disponibilité optimale des camions rattachés au système de traction par caténaire.

M. Clausen indiquait qu’il a fallu aplanir et niveler la route afin que les pantographes restent connectés aux câbles suspendus.

Une lente montée

La technologie de caténaires existe depuis longtemps. Durant la crise de l’énergie, lorsque la guerre du Kippour en 1973 et la révolution iranienne en 1979 ont perturbé les réserves de pétrole, engendrant des pénuries et des hausses spectaculaires des prix dans les pays occidentaux qui dépendaient des exportations d’énergie du Moyen-Orient, nombre de sociétés minières ont mandaté des études sur les systèmes de traction par caténaire dans l’optique de réduire leur dépendance envers le diesel.

Le système de traction par caténaire est un gage, car il accélère la durée des cycles et améliore la productivité tout en réduisant les émissions. Pourtant, la technologie n’a jamais réellement pris son envol. À ce jour, d’après ABB, quelques installations ont été faites dans des mines africaines. Eldorado Gold a fait équipe avec Hitachi Construction Machinery en 2012 pour installer le système de traction par caténaire à sa mine de Kışladağ, en Turquie.

Plus récemment, en 2018, la société minière suédoise Boliden a collaboré avec ABB pour introduire l’infrastructure de traction par caténaire à sa mine de cuivre d’Aitik dans le nord de la Suède. Elle voulait alimenter quatre camions miniers sur une portion de route de transport de 700 mètres, permettant une économie de 830 000 litres de diesel par an. La société a investi 31,2 millions de dollars américains en 2020 et 2021 pour installer une ligne aérienne de traction électrique et convertir 10 camions supplémentaires à Aitik. Cet investissement servira aussi à développer 1,8 kilomètre de route et à convertir 13 camions à sa mine de nickel de Kevitsa en Laponie, en Finlande. Des représentants de Boliden expliquaient que le système de traction par caténaire peut réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 80 % le long des routes où est installée cette technologie.

Sachin Jari, directeur général de l’exploitation minière pour l’Amérique du Nord à ABB, expliquait les diverses raisons pour lesquelles le système de traction par caténaire n’a pas été adopté à grande échelle. Après la crise de l’énergie, le coût du diesel a toujours été inférieur à ce qu’il est aujourd’hui. Et jusqu’à récemment, aucune urgence ne poussait l’industrie minière à réduire son empreinte environnementale. Les technologies d’entraînement électrique pour les camions de roulage et la technologie électrique ont également beaucoup évolué ces dernières décennies.

M. Jari indiquait qu’ABB avait mené sa première étude sur la traction par caténaire avec une société cuprifère il y a environ cinq ans. À l’époque, l’adoption de cette technologie n’avait aucun sens sur le plan économique. « Dans les conditions actuelles, son adoption a un sens autant sur le plan économique que sur le plan humain. »

Depuis que Copper Mountain a commandé le système en avril, M. Clausen indiquait que son équipe organise régulièrement des visites destinées à d’autres sociétés qui souhaitent comprendre comment fonctionne le système. MM. Jari et Shehata indiquaient également qu’ABB a constaté une augmentation des demandes.

Quelques éléments indispensables doivent exister pour que le système de traction par caténaire constitue une option viable, avec une période d'amortissement raisonnable, déclarait M. Shehata. La longévité des routes de transport fait partie des plus importants. Si un plan de mine intègre des changements réguliers à la route de transport, il devient plus difficile de justifier l’installation d’une infrastructure de traction par caténaire. La portion de route où le système est installé requiert également une pente relativement inclinée, indiquait-il, pour générer des économies en termes de carburant et d’usage. La mine doit aussi disposer d’une source d’énergie propre à un coût raisonnable. Les activités qui puisent leur électricité du diesel produit sur le site ne limiteront pas énormément leurs émissions de GES en remplaçant une source émettrice de CO2 par une autre.

À la mine d’Aitik de Boliden et à Copper Mountain, les conditions environnementales étaient un facteur essentiel dans la conception de l’infrastructure électrique, indiquait M. Shehata. Les pantographes et les lignes électriques suspendues doivent être construits de manière à supporter les hivers rigoureux de la Suède et de la Colombie-Britannique.

Faire preuve d’ambition

Si Copper Mountain n’a pas techniquement terminé sa période d’essai pilote, M. Clausen se tourne déjà vers l’avenir. La société espère lancer la « prochaine phase » de la technologie en acquérant des camions de roulage électriques à batterie dès qu’ils seront commercialisés et en utilisant l’infrastructure de traction par caténaire pour les charger.

L’un des points de friction concernant les camions électriques à batterie pour les mines à ciel ouvert concerne la taille de la batterie nécessaire pour alimenter une machine de cette taille pour des cycles de services longs, faisait remarquer M. Clausen. « On trouve difficilement une batterie de cette taille qui suffira à alimenter une machine pendant un quart de production complet et que l’on peut recharger entre chaque quart », indiquait-il. Le système de traction par caténaire pourrait résoudre ce problème. De fait, il permettrait d’utiliser sans interruption une batterie plus petite en la chargeant pendant le cycle de service.

La société évalue également les options de caténaire, camion et convoyeur (ce dernier serait entièrement électrique) pour son gisement de New Ingerbelle. D’après M. Clausen, la société l’annoncera dans la nouvelle version de son étude de faisabilité et son nouveau plan sur la durée de vie de la mine, qui sera publié au troisième trimestre de cette année. New Ingerbelle, qui remplacera à terme Copper Mountain, est situé à environ un kilomètre.

M. Clausen explique que la société s’est totalement investie dans le système de traction par caténaire en raison de « l’urgence » que ressent la société pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone. Copper Mountain souhaite collaborer avec d’autres et partager ses apprentissages afin d’aider l’industrie à se rapprocher plus rapidement de la décarbonation, ajoutait-il.

« Tout le monde a des idées pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, mais on ne peut omettre ce grand sentiment d’urgence. On ne peut se permettre de passer à côté de ces objectifs, trop de choses sont en jeu et l’échec n’est pas une option », concluait-il. « Il faut agir, et la seule façon d’y parvenir consiste à élaborer des plans tangibles et à déployer les ressources et l’énergie nécessaires pour les soutenir. À défaut d’agir ainsi, on déprécie les efforts de chacun [pour atteindre la neutralité carbone]. »


 La série Objectif neutralité carbone se poursuivra tout au long de l’année 2022. Elle examinera les difficultés liées à la réduction des gaz à effet de serre et à l’élimination des empreintes carbone, et étudiera également les possibilités qu’offrent ces actions. Si vous souhaitez apporter votre contribution, veuillez nouscontacter à l’adresse : editor@cim.org. 

Traduit par Karen Rolland

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