New Gold a installé des pièges Malaise dans deux sites distincts de sa propriété New Afton, des zones humides et des prairies, pour recueillir des insectes dans le cadre de son projet de surveillance de la biodiversité sur le terrain. Chrystal Simon
Lors de la fermeture d'une mine, les sociétés minières décident souvent de les réhabiliter, à un coût considérable. Cependant, l'écosystème est-il vraiment en bonne santé une fois que la société quitte les lieux, et l'argent est-il utilisé à bon escient ? Le recensement de gros animaux tels que des oiseaux ou des biches est-il un indicateur suffisant de la bonne santé d'un environnement ? Voici les questions qui ont été posées à Scott Davidson, directeur de l'environnement, de la responsabilité sociale et des résidus à la mine New Afton de New Gold, à l'occasion d'une conférence dédiée à l'écologie et l'évolution qui s'est tenue en 2013 à Kelowna, en Colombie-Britannique (C.-B.). Paul Hebert, directeur du Centre for Biodiversity Genomics (CBG, le centre dédié à la génomique de la biodiversité) à l'université de Guelph, a les réponses.
« Le fait de voir un oiseau voler dans un habitat reboisé ne vous en dit pas beaucoup sur la situation », déclarait M. Hebert, qui a passé sa vie à recueillir et identifier des insectes. Les tous petits insectes occupent une place importante dans le réseau trophique car les organismes plus gros s'en nourrissent constamment et ne pourraient survivre sans eux. À la mine New Afton, le nombre et la diversité des insectes pourraient être de bons indicateurs de la santé d'un écosystème spécifique à un moment donné dans le temps.
Dans le cadre de son projet Barcode of Life, M. Hebert a développé une installation de recherche importante afin d'explorer une petite section d'ADN, communément appelée le code-barres, pour identifier les espèces. « J'expliquais à la conférence que nous avions trouvé un moyen rapide, pour la première fois, de comprendre la biodiversité terrestre plutôt que de se concentrer sur une poignée de gros organismes à déplacement rapide tels que les oiseaux et les mammifères », ajoutait-il.
Les insectes que l'on trouve par terre et dans le sol « sont beaucoup plus diversifiés », indiquait-il. Cependant, cette diversité n'est pas nécessairement évidente à détecter à l'œil nu. Il était « tout simplement impossible jusqu'ici » d'identifier chaque espèce d'arthropodes avec autant de précision. « Cela aurait coûté des sommes phénoménales, et il aurait fallu trouver des centaines de taxinomistes », précisait M. Hebert.
Mais que renferme New Afton ?
M. Hebert et Davidson ont commencé à collaborer pratiquement immédiatement après la conférence. Plus tard cette même année, M. Davidson a envoyé Chrystal Simon, technicienne spécialiste de l'environnement, installer des pièges Malaise sur deux sites de la propriété New Afton, des zones humides et des prairies. Chacun d'eux comportait un site de contrôle dans une zone non perturbée de la mine, et dans une zone qui avait fait l'objet d'une réhabilitation. Les pièges ressemblent à de petites tentes avec une grande ouverture à leur base qui permet aux insectes d'y pénétrer ; ils sont ensuite acheminés vers le haut jusqu'à une bouteille remplie d'éthanol servant à les recueillir, où ils sont préservés.
Chaque semaine entre le printemps et l'automne 2013, Mme Simon recueillait des échantillons et les envoyait à l'université de Guelph pour qu'ils y soient analysés. Les résultats ont été remarquables ; chaque site récoltait environ 1 300 spécimens par semaine. Par comparaison, la réserve du parc national Pacific Rim sur l'île de Vancouver recueillait 106 spécimens par semaine, et le parc national Banff 317. En outre, si l'on a pu capturer un nombre identique de spécimens chaque semaine dans les deux zones humides, on en a recueilli environ 45 % de moins dans les prairies réhabilitées, indiquant peut-être une sensibilité accrue aux activités de la mine. Cinq espèces d'araignées qui n'avaient jamais été identifiées en Colombie-Britannique ont été découvertes sur le site New Afton.
« C'était une agréable surprise », indiquait M. Davidson. « Nous n'avions aucune idée préconçue de ce que nous allions trouver. Nous avions décidé de laisser les chiffres parler d'eux-mêmes. »
Afin de déterminer avec précision si un spécimen appartient à une espèce donnée, M. Hebert a dû trouver une section d'ADN qui est commune à chaque espèce animale, affiche une faible variation entre les individus d'une même espèce et présente des différences marquées entre les espèces. La section la plus adaptée code pour le cytochrome c oxydase, une région du gène codant pour une enzyme dans les mitochondries qui aide au transport des électrons. Ce gène présente une si petite variation au sein d'une même espèce qu'une fois que le laboratoire de M. Hebert a procédé au séquençage d'un seul individu d'une espèce, il peut être sûr qu'il représente le groupe dans son intégralité.
L'équipe attend actuellement d'autres résultats d'une étude de suivi qu'elle a menée en 2016. « Nous avons ajouté des pièges à fosse et nous sommes davantage concentrés sur les diplopodes et d'autres " espèces rampantes " », indiquait M. Davidson. L'équipe a également élargi le spectre de sa recherche afin d'y inclure les prairies à proximité de la propriété de New Gold en collaboration avec l'université de Thompson Rivers et Conservation de la nature Canada (CNC).
Lauchlan Fraser, spécialiste en écologie des communautés et des écosystèmes à Thompson Rivers, a organisé la conférence de 2013 et a collaboré avec New Gold pour la surveillance d'un certain nombre de sites de prairies dans la région de Kamloops, en dehors de la propriété minière. Il collabore avec cette société depuis huit ans. Il a pour spécialité les « règles de l'assemblée des communautés végétales », qui déterminent comment un écosystème récupère après une perturbation ; il expliquait que la fermeture d'une mine offre une occasion unique aux scientifiques d'étudier les environnements dans un contexte explorant l'avant et l'après. Il ajoutait que la technologie qu'a développée M. Hebert « a assurément changé la direction » de ses travaux de recherche, et y occupera une place prépondérante.
Un investissement considérable dans les infrastructures
La technologie entourant la génétique s'est bien améliorée, mais l'analyse menée au laboratoire de M. Hebert reste fondée sur un élément très pratique, lequel représente un investissement de 100 millions $ dans le personnel, des bâtiments et une infrastructure de recherche. « Notre matériel, à savoir des séquenceurs et des robots pour gérer l'extraction de l'ADN, vaut environ 10 millions $ », indiquait-il. « Quelque 100 personnes travaillant ici sont spécialisées dans différents domaines de notre flux de travaux. » Une fois qu'une fiole remplie d'insectes est envoyée à Guelph, un technicien prélève une patte de chacun d'entre eux afin de procéder au séquençage de l'ADN, et conserve le reste. Ce procédé prend du temps, mais l'autre option consiste à classer 4 000 insectes à l'œil nu.
« Il s'agit d'un procédé relativement simple, ce qui est intéressant pour la mine », indiquait M. Hebert. Le coût de l'analyse à New Afton en 2013 s'élevait à 30 000 $ ou 40 000 $, estimait M. Davidson. Ceci ne couvrait pas les frais inhérents au temps d'échantillonnage ou à l'équipement dont l'équipe avait besoin, mais cet investissement en valait la peine, déclarait-il. « La génomique et les applications de ce type de technologie vont se développer dans les années à venir. »
C'est ce à quoi se prépare M. Hebert en réduisant les coûts analytiques dans son installation. Il souhaite en faire le nec plus ultra des laboratoires spécialisés dans l'évaluation d'un écosystème par le biais de l'identification par code-barres génétique. Les premières années d'activité se sont révélées plus coûteuses car les travaux se concentraient sur la création d'une bibliothèque de consultation des codes-barres génétiques. Une fois que les espèces sont répertoriées dans le catalogue, on peut employer de nouvelles approches analytiques qui feront simplement correspondre les nouveaux spécimens recueillis à leur ADN référencé.
Les mines continuent d'investir des sommes considérables dans la réhabilitation, aussi M. Davidson est d'avis que la technique de code-barres génétique est vouée à prendre une ampleur certaine. « La question de la réhabilitation a toujours consisté pour moi à déterminer une chose : nous pouvons cultiver, mais atteignons-nous réellement l'objectif d'un écosystème en bonne santé ? » Les données fournies par ce genre de programme d'échantillonnage, ajoutait-il, ont le potentiel d'informer les débats entre parties prenantes ; il hésite cependant à établir le rôle véritable que jouera le code-barres génétique à l'avenir. « Pour comprendre sa véritable valeur, il faudra que d'autres sites aient recours à cette technique », indiquait-il. « La génomique, d'une manière générale, présente de grands avantages pour l'industrie minière. »