La mine Lac des Îles de North American Palladium. Avec l’aimable autorisation de North American Palladium

L’équipement automatisé associé à la collecte et l’analyse de données de pointe révolutionnent la façon dont l’industrie minière choisit, forme et maintient en poste ses employés. Les experts prévoient de grands changements à l’horizon en termes du nombre et du type de personnes employées dans le secteur, et les programmes de formation à l’exploitation minière sont remaniés de manière à refléter cette réalité future. Pour les opérateurs, la transition a déjà commencé ; les directeurs des mines Musselwhite de Goldcorp, Casa Berardi de Hecla Mining et Lac des Îles de North American Palladium expliquent que l’automatisation et la numérisation ont déjà modifié les rôles de leurs employés sur le terrain.

Aaron Cosbey, associé principal à l’Intergovernmental Forum on Mining, Minerals, Metals and Sustainable Development (IGF, le forum intergouvernemental sur l'exploitation minière, les minéraux, les métaux et le développement durable) et auteur d’un rapport sur l’avenir de l’automatisation dans l’industrie minière, prévoit une hausse de la demande de travailleurs qualifiés afin de faire face aux besoins en termes de développement et de maintien de systèmes logiciels et de TI sophistiqués. Dans le même temps, les chiffres relatifs à l’emploi devraient chuter de façon spectaculaire, indiquait-il, car les tâches effectuées par des employés peu qualifiés deviennent superflues. Il estimait qu’une mine construite aujourd’hui avec les toutes dernières technologies « dans un pays comme le Canada » pourrait fonctionner « avec 70 à 80 % d’employés en moins ».

Andrew Swart, dirigeant en mines et métaux pour le Canada chez Deloitte, déclarait que les fonctions sont susceptibles de « s’associer et de fusionner » dans les années à venir, requérant des employés polyvalents possédant des compétences diverses. « Si votre grand-père était mineur, il aura sans aucun doute vécu une expérience bien différente de celle d’un mineur ou d’une mineuse qui sera employé(e) dans les cinq à dix années à venir », indiquait-il. « [Nous] nous concentrerons bien davantage sur l’innovation, l’analytique et les compétences interfonctionnelles. Nous nous dirigeons vers un monde où les pures compétences techniques ne suffiront plus. »

M. Swart ajoutait que le type d’employé(e) de l’industrie minière était voué à changer, mentionnant la tendance croissante aux États-Unis où les entrepreneurs indépendants devraient représenter plus de 40 % de la main-d’œuvre d’ici 2020 (ce chiffre se situait entre 5 et 33 % en 2010, variant en fonction de la définition du travail non conventionnel). L’exploitation minière, expliquait-il, ira dans cette direction, en particulier à mesure que l’industrie se tourne de plus en plus vers l’analytique des données, qui peut être effectuée à distance. Les sociétés minières devront adapter leurs structures de primes et mécanismes d’incitation traditionnels (généralement à l’intention des employés titulaires) afin de rester compétitifs et attractifs pour les nouveaux talents.

Les avantages d’une catégorie plus diversifiée de travailleurs sont que les possibilités de travailler à distance viennent tempérer la sempiternelle lutte de l’industrie minière pour attirer des personnes qualifiées sur des sites miniers éloignés. L’industrie minière entre cependant désormais en lice avec des industries bien rémunérées comme les secteurs bancaire, technologique, manufacturier et du conseil pour embaucher des spécialistes en sciences des données.

En développant la main-d’œuvre existante, l’industrie espère pouvoir éluder cette compétition et consolider les mines numériques du futur. Les établissements d’enseignement supérieur aux niveaux secondaire et tertiaire mettent au point des programmes qui contribueront à accroître les qualifications des mineurs chevronnés ; la formation en interne évolue également grâce à une réorganisation des programmes d’apprentissage afin d’y inclure l’analytique et la modélisation des données.

Des compétences non techniques pour l’extraction de roches dures

MM. Swart et Cosbey ont réitéré le besoin pour l’industrie, le gouvernement et le monde universitaire d’être visionnaires afin de se préparer et de s’adapter aux progrès technologiques qui affecteront l’industrie minière. NORCAT, un centre de formation à but non lucratif du Grand Sudbury, est l’un des acteurs à l’avant-garde de ces avancées.

« L’époque où les sociétés minières pouvaient embaucher un(e) nouvel(le) employé(e), le ou la former sur le tas puis assumer que le programme de leur formation allait rester identique et n’aurait besoin d’être revu que tous les cinq ans est bel et bien révolue », déclarait Don Duval, chef de la direction de NORCAT.

Pour lui, une « renaissance de la technologie » sans précédent dans l’industrie minière signifie que les acteurs de l’industrie doivent être plus vifs et innovants dans leur approche à la formation et au perfectionnement. Le contenu des programmes de formation doit être mis à jour régulièrement afin de refléter l’évolution de l’environnement de travail et d’être sensible aux nouveautés technologiques.

Une mine pilote en exploitation à NORCAT fait également office de terrain de formation pour les étudiants et d’espace où les petites et grandes sociétés minières des quatre coins du monde spécialisées dans la technologie mettent à l’essai et présentent leurs tout derniers produits. Du fait de sa relation étroite avec ces sociétés, NORCAT découvre les technologies émergentes à l’avance et façonne ses programmes de formation en fonction, indiquait-il.

D’après M. Duval, les travailleurs devront être plus polyvalents pour rester au fait de l’évolution du matériel et des logiciels. « Les sociétés minières cherchent dans l’employé(e) un ensemble de compétences diversifiées et la capacité à intégrer ces dernières. Dans le passé, cet(te) employé(e) pouvait n’avoir à effectuer qu’une tâche spécifique. » Selon lui, il est aujourd’hui plus important que jamais que la formation technique pratique soit enrichie de compétences non techniques telles que la communication, le leadership, la résolution de problèmes et de conflits ainsi que la gestion de projet, entre autres.

« La notion de compétences approfondies dans une activité technique spécifique doit être tempérée par le fait que la technologie est vouée à évoluer. Les travailleurs doivent posséder les compétences, la confiance ainsi que le savoir-faire nécessaires [de manière à ce qu’ils sachent], si un logiciel est mis à jour, comment assumer ce changement du point de vue procédural afin de comprendre ce que cela implique pour la tâche », ajoutait-il.

Une étude de 2017 sur l’avenir de l’emploi publiée par le McKinsey Global Institute insistait également sur l’importance pour les futurs travailleurs d’acquérir ces compétences « non techniques » (jusqu’ici) non automatisables. « Tous les travailleurs devront s’adapter, car leur profession évolue en parallèle à des machines dotées de capacités croissantes. Une partie de cette adaptation impliquera d’avoir un niveau d’études supérieures ou de passer plus de temps sur des activités qui requièrent des compétences sociales et affectives, de la créativité, des capacités cognitives de haut niveau et d’autres compétences relativement difficiles à automatiser. »

Motivé par ses conversations avec les fabricants d’équipement et les sociétés minières, NORCAT développe trois nouveaux programmes de formation professionnelle (communication souterraine, systèmes télécommandés pour véhicules autonomes et électrification) qui débuteront en 2019 et associeront le savoir-faire technologique de pointe à ces compétences non techniques. Destinés aux mineurs en début et en milieu de carrière, chacun de ces cours durera entre trois et cinq jours et se tiendra au NORCAT Underground Centre (le centre souterrain de NORCAT).

Si M. Duval admettait que l’automatisation et la numérisation entraîneront indéniablement certaines pertes au niveau « des emplois traditionnels de la main-d’œuvre qualifiée », il est d’avis que les nouveaux emplois créés dans le secteur technologique en plein essor de l’approvisionnement minier viendront « largement compenser les pertes d’emploi dans l’industrie minière ». Il faisait remarquer qu’au cours des 30 à 40 dernières années, les départements internes de recherche et développement (R & D) sont de plus en plus sous-traités à un secteur « dynamique » des approvisionnements et des services de technologies minières. Le centre régional d’innovation de NORCAT à Sudbury nourrit cette industrie en aidant les entreprises en démarrage à croître.

Rithmik Solutions fait partie de cet écosystème de technologies minières en plein essor. Cette société basée en Colombie-Britannique (C.-B.) travaille sur des mines à ciel ouvert au Canada et à l’étranger ; son produit phare, l’Asset Health Analyzer (l’analyseur de la santé des actifs), est un logiciel dans le nuage qui repose sur l’intelligence artificielle pour contrôler en temps réel l’usure de l’équipement. Kris Isfeld, directeur général adjoint, expliquait que les produits tels que les leurs n’éliminent pas le besoin d’emplois spécifiques sur le site, mais facilitent le travail des ingénieurs de fiabilité en leur permettant de gagner du temps lors de leurs recherches sur la cause première d’une défaillance du système.

Dans le même temps, les mécaniciens sur le terrain passent moins de temps sur des immobilisations irrégulières, qui se produiront moins souvent, et peuvent se consacrer entièrement à l’entretien régulier de l’usine. « Ainsi, [le travail des mécaniciens] changera sans doute légèrement (les effectifs sont parfois réduits), et sera compensé par davantage d’ingénieurs de fiabilité, d’analystes de données et d’emplois informatiques car il faudra gérer cette grande quantité de données », expliquait M. Isfeld.

Son collègue et directeur général adjoint Kevin Urbanski indiquait que l’élan technologique que connaît l’industrie minière est une bonne chose pour le secteur, étant donné que « cela attirera le personnel d’autres industries ; des industries qui se trouvent à la pointe des technologies se tournent désormais vers le secteur minier. On assistera à une pollinisation croisée ».

Les étudiants de premier cycle Nathan Skubovius, Nabil Khan, Jacob Yeung et Veronica Knott (de gauche à droite) présentent leur projet final sur l’entretien des routes orienté données pendant le cours du professeur Miskovic dédié au contrôle et à l’automatisation des mines à l’UBC. Avec l’aimable autorisation d’Ilija MiskovicParallèlement, au niveau postsecondaire, l’université de la Colombie-Britannique (UBC) met en œuvre une série de cours destinés aux étudiants en génie minier de premier et second cycles, lesquels couvriront les applications fondamentales de l’intelligence artificielle, la robotique, l’automatisation et l’apprentissage automatique pour l’industrie.

Le professeur Ilija Miskovic enseigne la géostatistique et les applications des données massives aux étudiants du Norman B. Keevil Institute of Mining Engineering (l’institut Norman B. Keevil de génie minier) de l’UBC. Il espère que les nouveaux cours débuteront d’ici la fin de l’année 2019, en fonction des approbations nécessaires. « Il est de notre responsabilité dans le monde universitaire de préparer nos nouveaux ingénieurs des mines afin qu’ils comprennent comment exploiter et appréhender le concept de mine numérique », indiquait-il. « Lorsque je m’entretiens avec des personnes du secteur », ajoutait-il, « elles sont à la recherche d’une nouvelle espèce d’ingénieurs des mines. Elles cherchent des personnes qui comprennent IBM Watson, qui peuvent travailler sur Python, qui savent coder dans Java. C’est très différent de ce que l’on apprenait il y a 3, 4 ou 10 ans ».

Il expliquait que l’impact de la numérisation sur la main-d’œuvre est un problème dont personne n’ose parler ; on constate une nervosité générale (justifiée) quant à ce que cela implique pour les employés de bureau et les ouvriers. Les sociétés minières partagent avec le monde universitaire et le gouvernement la responsabilité de « reformer et reconvertir » les travailleurs. Il ajoutait qu’il a constaté des démarches positives dans cette direction dans les mines qu’il visite au Canada et aux États-Unis.

Son département de génie minier espère également lancer un cours d’une année destiné aux professionnels évoluant déjà dans le secteur des mines. Ce cours consistera principalement en un apprentissage en ligne afin que les personnes en activité puissent l’intégrer à leur calendrier de travail.

Musselwhite

Des porte-parole de mines en activité au Canada indiquent que la transition vers une automatisation et une numérisation accrues s’est faite relativement en douceur du point de vue des ressources humaines. En outre, beaucoup sont persuadés que les technologies de pointe sur le site atténueront le problème de la main-d’œuvre vieillissante et inciteront les jeunes à embrasser ce secteur.

Les opérateurs d’équipement minier travaillant aux bureaux de Thunder Bay de Goldcorp dans le nord-ouest de l’Ontario utilisent désormais des manettes pour commander à distance les camions de transport, les pelles et un concasseur de l’exploitation aurifère souterraine Musselwhite, située à 500 kilomètres (km) au nord de la ville. Jusqu’en 2018, ces opérateurs faisaient la navette entre leur lieu de vie et Musselwhite tous les quinze jours. Ils passaient plus de deux heures chaque jour dans un engin de transport pour aller jusqu’à l’équipement sous terre et en revenir, au début et à la fin de leur poste.

Malgré ces changements, la directrice des ressources humaines Aileen Pajunen indiquait que la composition des fonctions au sein de la main-d’œuvre de Musselwhite reste la même. La seule différence est que deux nouvelles fonctions ont été créées : spécialiste en automatisation, et coordinateur ou coordinatrice de la salle de commande. Les spécialistes de l’instrumentation du reste du site minier ont été affectés au projet pendant l’installation, mais ces employés ont repris leurs anciennes fonctions.

Les compétences requises pour gérer à distance l’équipement de Thunder Bay sont les mêmes que celles d’un opérateur ou d’une opératrice en souterrain, expliquait Mme Pajunen. « Il s’agit du même travail », déclarait-elle, malgré que le nouveau contexte « ressemble à un environnement de jeu vidéo ». L’exploitation de l’équipement lourd est l’un des quatre métiers spécialisés que propose le programme de formation sur le terrain de Musselwhite. Les qualifications nécessaires pour s’inscrire à ce programme de formation préparatoire à l’exercice d’un métier d’une durée de 18 mois restent identiques, à savoir un diplôme sanctionnant la fin des études secondaires.

Mme Pajunen expliquait que la transformation de mines anciennes en un environnement plus automatisé doit être traitée avec doigté du point de vue des ressources humaines ; en effet, « le changement, tout comme l’automatisation, s’accompagne de craintes. On [suppose] généralement que l’automatisation entraînera une perte d’emploi ». Cependant, la transition s’est faite en douceur, expliquait-elle.

Un certain nombre de postes de planification de l’entretien ont été transférés à Thunder Bay. Une grande partie des membres de l’équipe ont préféré ne pas accepter le transfert car ils n’étaient pas basés à Thunder Bay. On leur a alors proposé un autre emploi. D’autres ont opté pour une indemnité de licenciement, même si Mme Pajunen précisait que seules « quelques personnes » ont choisi cette option, et « qu’elles ont été bien rémunérées ».

Plus de 40 employés ont maintenant migré à Thunder Bay, et globalement, Mme Pajunen considère la numérisation et l’automatisation comme un remède aux maux de la main-d’œuvre de l’industrie. « Si les jeunes pouvaient voir que travailler dans le secteur des mines consiste à être assis dans un bureau à Thunder Bay et à jouer à des jeux vidéo, je pense que le nombre de candidats augmenterait considérablement », déclarait-elle. « L’automatisation élimine certaines des idées préconçues concernant l’exploitation minière. »

Casa Berardi

La mine Casa Berardi de Hecla, une exploitation aurifère souterraine située dans le nord-ouest du Québec, a également embrassé l’automatisation de son équipement lourd. Une équipe de cinq personnes commande des camions de transport, des concasseurs de roches et des rampes de chargement automatisés à partir d’une salle de commande à la surface du site. L’un des membres de cette équipe était auparavant opérateur de camion de transport souterrain. Les autres étaient des candidats peu susceptibles d’avoir pris les rênes sous terre ; deux travaillaient dans le service Administration de Hecla, le troisième était technicien en géologie et le quatrième un garagiste recruté en externe qui dirigeait un atelier local d’entretien d’automobiles d’une ville de la région.

Trois des cinq personnes de l’équipe étaient des femmes ; c’est l’un des atouts principaux de cette nouvelle technologie, expliquait Chantal Toussaint, directrice des ressources humaines chez Hecla. C’est en rendant les emplois plus simples et plus sûrs « que l’on ouvre de nouveaux horizons professionnels aux personnes qui n’auraient jamais envisagé une carrière dans le secteur minier, ou à celles qui travaillaient dans ce secteur mais refusaient de travailler en souterrain ».

D’après Mme Toussaint, le site compte désormais plus de techniciens en instrumentation et d’électromécaniciens qui gèrent les machines automatisées et les données ; pour ces deux fonctions, un diplôme universitaire est nécessaire. Le nombre de directeurs de projet a également augmenté.

D’après Mme Toussaint, qui travaille dans le secteur minier depuis plusieurs années, l’incidence la plus marquée de l’innovation technologique sur le terrain concerne la catégorie de personnes travaillant dans la mine. « Il y a quelques décennies, beaucoup de personnes n’avaient pas de diplôme de premier cycle, d’autres n’avaient pas même terminé leur éducation secondaire. Aujourd’hui, la plupart des personnes qui travaillent dans des exploitations minières ont un diplôme de premier cycle ou universitaire. » Elle attribue cela à l’attrait de la nouvelle technologie, ainsi qu’aux programmes de formation proposant des outils de pointe qui incluent la réalité virtuelle et augmentée.

Il est donc essentiel, indiquait Mme Toussaint, que les mines tentent de rester au fait des progrès réalisés dans le domaine de la technologie. « Si nous ne suivons pas le rythme, tous ces curieux se tourneront vers d’autres secteurs », ajoutait-elle.

Lac des Îles

Entre-temps, David Galea, directeur de l’excellence opérationnelle à la mine souterraine Lac des Îles de North American Palladium dans le nord de l’Ontario, indiquait que la transition technologique de la mine a modifié la composition, et non le nombre d’employés sur le site. L’exploitation Lac des Îles est équipée d’une chargeuse-transporteuse (LHD, de l’anglais load-haul-dump machine) automatisée et d’un système permettant de contrôler l’aérage et les systèmes de dénoyage de la surface.

Un programme de formation en génie minier de quatre ans a été lancé à Lac des Îles en 2018. En plus des rotations plus traditionnelles en génie, en exploitation souterraine ainsi qu’en usine de concentration et en entretien, chaque stagiaire passe une année avec l’équipe des projets d’excellence opérationnelle et de technologie de M. Galea. Parmi les tâches et les compétences développées figurent la modélisation des données, la définition des procédés, l’évaluation des technologies émergentes, la veille économique et l’analytique. « Les retours ont été positifs en termes d’accès à la formation en dehors du domaine traditionnel du génie minier et d’une exposition accrue dans tout le secteur », déclarait M. Galea.

David Galea, le directeur de l’excellence opérationnelle à la mine souterraine Lac des Îles de North American Palladium, indiquait que la transition technologique de la mine a modifié la composition, et non le nombre d’employés sur le site. Avec l’aimable autorisation de North American Palladium« Nous avons appris que pour maintenir l’automatisation, un soutien technique solide est nécessaire », expliquait M. Galea. « On aura toujours besoin d’employés sous terre pour inspecter, refaire le plein de carburant et lubrifier les machines automatisées, ainsi que pour s’assurer que l’environnement de travail est propre et que l’on a une bonne gestion des effectifs. » On a aussi désormais besoin de plus de techniciens de l’instrumentation et d’électriciens pour soutenir le réseau et la technologie, ainsi que pour entretenir l’infrastructure souterraine.

La société a récemment embauché un nouvel ingénieur électrique en formation qui vient d’obtenir son diplôme d’une université de la région et était également inscrit dans un institut technique. D’après M. Galea, les sociétés minières devront établir des liens avec les écoles techniques à l’avenir afin de pouvoir répondre à la demande croissante.

« Automatisation ou pas, la demande de compétences dans les domaines technologiques entourant les systèmes de commande et l’équipement électrique à batterie ne fera qu’augmenter dans tous les domaines, pas uniquement dans le secteur minier. Ce n’est guère différent d’un technicien ou d’une technicienne en automobile moderne, qui doit désormais posséder des connaissances électroniques plus approfondies qu’un mécanicien ou une mécanicienne formé(e) il y a 30 ans », expliquait-il.

M. Galea reconnaissait que les sites miniers isolés tels que Lac des Îles vont indéniablement rencontrer des difficultés pour satisfaire cette demande. « Les personnes ayant une formation en technologie sont souvent un atout pour de nombreux secteurs, et elles n’ont donc que l’embarras du choix quant au secteur et au lieu de travail qu’elles choisiront. Avec de telles options, les exploitations minières, et notamment les sites miniers reculés, devront trouver des manières uniques et créatives d’attirer et de maintenir en poste ce type de personnes talentueuses. »

Un nouveau contrat social

M. Cosbey de l’IGF indiquait que l’incidence de l’automatisation et de la numérisation sur l’emploi se fera ressentir très durement dans les mines reculées du nord du Canada, qui trouvent leur principale source de main-d’œuvre au sein des communautés autochtones. « On aura bien moins d’emplois au niveau local, car les emplois éliminés concerneront des fonctions semi-qualifiées de niveau moyen auxquels on forme généralement les locaux », expliquait-il. « On les remplace par des emplois hautement qualifiés qui requièrent une éducation spécialisée. Il est plus difficile de former des locaux à ce genre d’emplois. »

Tout comme celles établies dans des provinces à faibles revenus confrontées à une pénurie de travailleurs qualifiés dans des pays étrangers, les sociétés minières opérant dans les régions du nord du Canada rencontreront un « problème au niveau de leur permis social d’exploitation », prévoyait M. Cosbey. La capacité des sociétés minières à exploiter en toute légitimité dans un lieu spécifique dépend depuis longtemps des emplois qu’elles offrent aux fournisseurs et employés locaux (et des impôts sur le revenu qui suivront pour les gouvernements). Avec moins d’emplois offerts, les sociétés vont devoir imaginer un « nouvel accord » avec les communautés locales.

« On entraîne une dégradation certaine de l’environnement, on modifie leur façon de vivre en amenant sur leurs lieux de vie des centaines de camions et en bouleversant les habitudes migratoires des animaux sauvages dont ils dépendent ; en échange, que leur donne-t-on ? », indiquait M. Cosbey. Les réinventions potentielles du contrat social comprennent le partage des infrastructures, par exemple en offrant aux villages et aux villes l’accès à l’eau potable ou l’Internet haut débit.

M. Swart de Deloitte reconnaissait aussi ce problème et signalait d’autres scénarios possibles de partage des richesses pour offrir de nouvelles valeurs aux communautés au-delà de simples emplois. Il pensait notamment à un partenariat avec un hôpital ou un établissement scolaire pour offrir des soins de santé ou un enseignement « télécommandé » de classe mondiale.

« Les ressources humaines ne sont plus le seul domaine concerné. Il convient d’introduire les autres fonctions de l’organisation », expliquait-il. « La semaine dernière, nous nous sommes entretenus avec une société minière confrontée à ce problème précis. Si le thème au cœur de notre discussion concernait l’avenir de l’emploi, le plus intéressant est que la société minière a fait venir son directeur des techniques informatiques, son dirigeant principal des ressources humaines (DPRH) et son dirigeant principal de la durabilité. Ces trois domaines différents étaient réunis dans la pièce, tous confrontés au même problème. »


Traduit par Karen Rolland