L’exploitation à ciel ouvert Lac des Îles a vu le jour en 1993, et sa production souterraine a commencé en 2006. Aimablement fournies par North American Palladium

Durant une bonne partie de l’année 2015, la situation est plutôt morose pour la société North American Palladium (NAP). Le 16 avril, son cours à la bourse chute à tel point que le New York Stock Exchange (NYSE, la principale plateforme d’échanges de la bourse de New York) suspend les négociations des actions de la société. En août, NAP connaît une restructuration financière qui entraîne le rachat de 92 % de la société par Brookfield Capital Partners ; en septembre cette même année, NAP est contrainte de licencier 13 % de son personnel, pour ne garder que 422 personnes.

Mais revenons-en à 2018. La mine Lac des Îles de la société, située à 90 kilomètres (km) au nord-ouest de la baie Thunder, en Ontario, budgétise 613 employés pour l’année 2018, ce qui représente une hausse de 45 % par rapport à 2015. C’est grâce à eux que la société, qui  affiche des records successifs de production souterraine, connaît un revirement de génération et retrouve sa rentabilité.

L’exploitation à ciel ouvert Lac des Îles voit le jour en 1993, date à laquelle elle produit à peine plus de 3 000 tonnes par jour de minerai à la zone Roby. La mise en service d’une nouvelle usine de concentration à la fin de l’année 2002 permet d’augmenter la production à 15 000 tonnes par jour. La production souterraine à la mine commence en 2006 à l’aide d’une rampe d’accès depuis la mine à ciel ouvert. Cette mine, ainsi que l’exploitation Stillwater dans le Montana, sont les deux seuls principaux producteurs de palladium au monde, un métal que l’on utilise principalement dans les convertisseurs catalytiques des automobiles. Après la crise financière de 2008 et la chute des prix des métaux en résultant, la mine est placée en mode de soins et maintenance. Les travaux à la mine reprennent en 2010, et comprennent notamment un projet de développement souterrain impliquant le fonçage d’un puits pour commencer l’extraction dans la zone Offset, récemment découverte sous la zone Roby.

« À mesure que le projet avançait, comme dans tous les projets de l’époque, le calendrier et le budget ont malheureusement fini par doubler », déclarait Jim Gallagher, chef de la direction actuel de NAP. En 2013, les investissements ne courent pas les rues, la revalorisation des prix du palladium est à un point mort et la production connaît des interruptions. Brookfield Capital Partners accorde alors un prêt à la société de sorte qu’elle puisse poursuivre le développement de sa mine souterraine. Ancien directeur de l’exploitation minière à l’international chez Hatch et dirigeant pendant de longues années chez Falconbridge, Jim Gallagher fait son entrée dans la société fin 2013 en tant que directeur de l’exploitation. « Tout comme Brookfield, j’ai bien perçu la valeur de cet actif, dont le corps minéralisé présentait selon moi un fort potentiel. »


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Des changements sont cependant incontournables, à commencer par la méthode d’exploitation par longs trous à grande échelle qu’utilise NAP depuis longtemps. « C’est une méthode d’exploitation intéressante qui est renforcée par le remblayage », indiquait Bryan Wilson, directeur général de la mine. Toutefois, NAP ne dispose pas d’usine de remblayage. « Nous procédions au remblayage avec un enrochement non consolidé, ce qui entraînait des ruptures lors de l’abattage au toit, créant de grandes quantités de morts-terrains constitués de refus de crible. Nous avions vraiment beaucoup de mal à honorer nos engagements en matière de tonnage avec la quantité de refus de crible que nous générions dans nos chantiers. Il devenait par ailleurs très difficile de fixer les panneaux secondaires en raison de la quantité de matériaux de remblayage non consolidés de part et d’autres des panneaux primaires. »

La société doit donc trouver une autre méthode d’exploitation minière. La première méthode envisagée à la mine Lac des Îles est baptisée modèle boîte à chaussures. « Essentiellement, nous sommes passés de la méthode d’exploitation minière en coupe transversale du toit (éponte supérieure) au mur (éponte inférieure) à la méthode d’exploitation longitudinale le long du toit », expliquait M. Wilson, mais cette nouvelle méthode s’avère rapidement irréalisable.

L’équipe explore ensuite l’idée d’une méthode d’exploitation en sous-niveaux avec foudroyage. « Beaucoup de mines utilisent cette méthode, mais le foudroyage n’était pas une option pour notre mine ; ainsi, nous avons adopté une version modifiée de l’exploitation en sous-niveaux, baptisée méthode d’exploitation par sous-niveaux abattus (SLS, de l’anglais sublevel shrinkage). C’est une méthode qui consiste à combler les vides par remblayage avec des stériles », précisait M. Wilson. Il suit les recommandations des groupes d’experts-conseils Itasca et SRK Consulting, qui évaluent tous deux les aspects géotechniques du développement. Pour étudier la méthode SLS en action, une équipe d’ingénieurs de la mine Lac des Îles se rend en juillet 2015 dans l’État du Queensland, en Australie, pour visiter quatre mines qui l’utilisent. « L’équipe s’est montrée très généreuse ; elle a partagé avec nous toutes ses données techniques et de production », se rappelait M. Wilson.

NAP se laisse vite charmer par la méthode SLS et en septembre 2016, la société procède à l’extraction du premier minerai de la mine à l’aide de cette méthode. Ceci marque un changement fondamental. « Nous avons dû redévelopper nos sous-niveaux », indiquait M. Wilson. « Il nous a fallu comprendre ce qu’impliquait cette nouvelle méthode d’exploitation minière ; nos mineurs connaissaient bien la méthode d’exploitation par longs trous, mais ils ont dû découvrir la méthode SLS. Aujourd’hui, 75 % du minerai souterrain est extrait à l’aide de cette méthode. Nous utilisons encore l’exploitation par longs trous aux extrémités du corps minéralisé. »

Cette méthode présente également d’autres avantages. « Le modèle boîte à chaussures risquait de laisser 40 % du corps minéralisé dans les étais de mine et les seuils », indiquait M. Wilson. « La méthode SLS nous permet d’extraire 100 % du minerai. » En outre, la fragmentation s’est bien améliorée. « En 2014, nous avions beaucoup de gros engins sur le site, tels que les chargeurs-transporteurs Cat R2900. Nous avions besoin de ces machines pour déplacer les morts-terrains constitués de refus de crible. » L’amélioration de la fragmentation à la mine permet de passer à des engins requérant moins de chevaux-puissance, mais qui déplacent encore de grandes quantités de roches. « Les améliorations en termes de remblayage des chambres et de chargement des camions étaient tout simplement incroyables », indiquait M. Wilson. « En outre, les vides créés par la méthode SLS nous permettent de déposer sous terre les stériles générés par le développement ; ainsi, plus besoin de les remonter à la surface. »

Les machines utilisant moins de chevaux-puissance simplifient aussi les exigences en termes d’aérage de la mine. « Une étude que nous avons menée montre que pour le genre d’équipement imposant que nous avons dans la mine, l’aérage requiert une grande puissance. La méthode SLS nous a permis de répondre aux besoins en termes de productivité avec des machines plus petites, et de réduire la demande en aérage. »

À l’automne dernier, la société atteint un autre tournant important. L’usine de concentration recommence à tourner à plein temps après un programme de fonctionnement en alternance de deux semaines sur quatre et ce, grâce à l’agrandissement de l’installation de gestion des résidus à la mine.

L’adoption du numérique

Outre les changements au niveau de la méthode d’exploitation minière, la société connaît également une révolution numérique. En tablant sur un réseau de fibre optique installé dans la mine en 2015, un certain nombre de technologies sont ajoutées, notamment des étiquettes d’identification par radiofréquence (IFR) pour l’équipement et le personnel. « Cette année, nous élargissons notre réseau souterrain et créons un réseau de densité supérieure de manière à pouvoir localiser nos engins et notre personnel avec une plus grande précision », expliquait David Galea, directeur de l’excellence opérationnelle chez NAP. « Nous commençons également à envisager l’automatisation souterraine. »

Les données opérationnelles sont maintenant accessibles en temps réel. « Cela n’englobe pas toutes les données que nous souhaiterions aujourd’hui, mais certaines choses peuvent se faire en temps réel, comme le suivi de l’équipement et du personnel par exemple », indiquait M. Galea. « En termes de densité de réseau, nous pouvons voir à quel endroit l’équipement passe les différents niveaux d’accès. Nous augmentons cette densité de manière à pouvoir observer les mouvements de l’équipement entre les niveaux, ou à chaque niveau. » L’exploitation étend son réseau aux zones supérieures également, où la société extrait des débris. « Le contrôle entourant les activités de coordination a rendu le développement et l’organisation de notre calendrier quotidien plus homogènes », indiquait M. Galea.

Les données sont envoyées dans une salle de commande située en face des bureaux du directeur de la mine et du directeur de l’entretien ; ainsi, la planification cadre mieux avec les activités souterraines et les ajustements peuvent être faits rapidement. « Cette nouvelle salle de commande change réellement la donne ; en effet, on peut maintenant voir où se trouvent tous les équipements, et observer ce qu’il se passe en temps réel », expliquait M. Wilson.

Les retombées, expliquait M. Wilson, sont considérables. « En 35 ans d’expérience dans l’exploitation, on a observé pour la première fois au mois de février une production très régulière. Au jour le jour, nous ne sommes jamais tombés en dessous des 6 200 tonnes par jour. La production classique dans une mine connaît des hauts et des bas, des bons et des mauvais jours. »

La société compte environ le même nombre d’employés en souterrain qu’en 2015, indiquait M. Wilson. « C’est une bonne nouvelle car nous avons augmenté notre production souterraine de 50 % depuis 2015, pour atteindre plus de 6 000 tonnes par jour ; cette année-là, notre production était de 3 000 à 4 000 tonnes par jour. » Par ailleurs, la mine commence des travaux d’essai avec un chargeur-transporteur autonome de Sandvik dans l’espoir de réduire le temps d’immobilisation dans les activités, par exemple au moment des changements de poste. M. Gallagher ajoutait que NAP explore également les possibilités qu’offre le transport automatisé jusqu’à la surface ; en effet, la société envisage de procéder à l’extraction à grande échelle du minerai restant dans d’anciennes zones minières plus proches de la surface.

Si l’on observe les points forts de l’exercice 2017, on constate que la société parvient à surmonter les obstacles. La production souterraine pour l’année est de 5 198 tonnes par jour en moyenne, ce qui représente une augmentation de 39 % par rapport à l’année 2016, où la production moyenne était de 3 736 tonnes par jour. Au dernier trimestre 2017, le taux de production souterraine atteint 6 200 tonnes par jour. Le coût de la production par tonne pour l’année est de 57 $, soit une baisse de 10 $. Le flux net de trésorerie de NAP est désormais positif.

« L’année 2017 a été décisive pour la société, mais je pense que ce n’est que le début », indiquait M. Wilson. « Nous avons beaucoup de choses en préparation. »

Comme l’indiquait M. Galea, la société a encore beaucoup à faire. « On ne peut se contenter de dire que l’on a remis la société sur pied et s’arrêter là », déclarait-il. « Ceci reviendrait à renoncer à profiter de toutes les portes qui s’ouvrent encore à nous. »