Great Panther Mining a lancé dans son exploitation brésilienne le concours Safety Olympics. Tous les deux mois, l’équipe gagnante remporte le trophée Gold Hat et, à la fin de l’année, les grands gagnants reçoivent 100 000 réaux brésiliens (l’équivalent de 17 500 dollars) pour le financement d’initiatives relatives à la sécurité, que l’équipe peut investir comme bon lui semble. Avec l’aimable autorisation de Great Panther Mining

Aujourd’hui plus que jamais, les sociétés minières de tous bords s’efforcent d’améliorer les protocoles de sécurité, dans l’objectif d’éliminer toute blessure ou accident mortel avec perte du temps de travail. Dans cette optique, les sociétés minières ont investi dans des formations supplémentaires en matière de sécurité et dans des évaluations de la gestion des risques, tout en adoptant des mesures de rendement en matière de sécurité qui récompensent les accomplissements et visent à normaliser les pratiques exemplaires.

Malgré une baisse considérable des taux de fréquence des blessures, et une diminution constante des décès dans les mines, des incidents prenant une tournure tragique continuent d’entraîner la mort de mineurs chaque année dans des sociétés minières canadiennes. D’après les données fournies par l’association des commissions des accidents du travail du Canada (ACATC), 30 personnes travaillant dans l’industrie minière canadienne sont décédées sur leur lieu de travail en 2019, et 53 personnes en 2018. Il n’est donc pas surprenant de constater que le rendement du Canada en matière de sécurité est encore moyen à l’échelle mondiale. C’est ce que constate un expert en sécurité, Corrie Pitzer, président et directeur général de Safemap International, une société de Vancouver spécialisée dans la transformation et la gestion stratégique de la sécurité, qui propose ses consultations à des sociétés minières du Canada et du monde entier. Il a tiré cette conclusion sur la base de ses expériences dans l’industrie et de ses interactions avec des sociétés minières. Par ailleurs, fait-il remarquer, si de nombreuses sociétés canadiennes s’efforcent d’améliorer leurs indicateurs de rendement en matière de santé et de sécurité et sont largement en avance par rapport à d’autres en termes d’approche et de pratiques, beaucoup de sociétés minières accusent encore l’équivalent d’une décennie de retard dans ce domaine.

« Dans certains domaines du secteur minier, on considère que si les contrôles suffisants existent et que les employés les respectent, il ne devrait pas y avoir de problème. La réalité est malheureusement bien plus complexe », déclarait-il. « Nombre de catastrophes se produisent même lorsque les gens respectent les procédures. C’est le degré de préparation des employés pour faire face au risque et se concentrer sur le risque qui fait la différence entre certaines organisations canadiennes et d’autres, à la pointe dans ce domaine. »

Mike Parent, vice-président des services à Sécurité au travail dans le Nord (STN), lui-même ancien mineur de fond, expliquait qu’il lui a fallu des années pour vraiment jauger le nombre de risques auxquels sont exposés les mineurs de fond quotidiennement, et ce, alors même qu’il travaillait dans une organisation très rigoureuse et bénéficiait d’une orientation complète sur son lieu de travail. « Les risques sont multiples. Par exemple, des chutes de roches et des machines peuvent nous écraser, des choses invisibles à l’œil nu peuvent nous empoisonner », indiquait-il. « Des risques majeurs peuvent aussi se développer dans une zone de la mine dont personne n’est conscient. » Il peut s’agir, par exemple, d’une accumulation d’eau souterraine pouvant entraîner une coulée de matériaux de déblai qui pourrait tout écraser sur son passage.

Pour identifier les principaux risques dans les mines souterraines et déterminer les causes fondamentales et les contrôles nécessaires afin d’éviter de futurs accidents de se produire, le gouvernement de l’Ontario, en collaboration avec l’industrie minière de l’Ontario, a lancé une étude approfondie en 2014 qui, selon M. Parent, oriente le Canada dans la bonne direction. Le rapport final identifiait six domaines importants, à savoir les risques en matière de santé et de sécurité, les nouvelles technologies, la préparation aux situations d’urgence et le sauvetage dans les mines, les enjeux liés à la formation, à la compétence et à la main-d’œuvre, et les systèmes de responsabilité interne (SRI). Ce rapport fournissait 18 recommandations, en cours de mise en œuvre par le gouvernement et d’autres parties prenantes de l’industrie pour réduire les risques professionnels. Le ministère du travail de l’Ontario a également organisé un atelier dédié à l’évaluation des risques dans le secteur des mines à ciel ouvert en 2016, et publié un résumé des résultats de son étude.

« Mieux vaut prévenir que guérir. Il est préférable de comprendre d’où peuvent émaner les échecs potentiels et quels contrôles probables doivent être mis en place plutôt que de devoir étudier la situation sur la base des accidents », indiquait M. Parent. « À l’avenir, on doit s’intéresser aux risques majeurs et s’assurer que des contrôles efficaces sont en place pour protéger [les employés]. » Le numéro un des risques identifiés dans l’évaluation des risques dans les mines souterraines concerne le contrôle des pressions de terrains (secousses, chutes de roches sous terre), suivi de l’équipement mobile impliquant de petits ou gros véhicules et des piétons.

Pour réduire les risques en matière de sécurité, la culture est essentielle

M. Parent indiquait que la déconnexion au niveau de la culture de l’entreprise constitue un autre problème empêchant le secteur minier canadien d’améliorer ses résultats dans le domaine de la sécurité. Après avoir mené une étude pilote sur un outil de vérification des SRI (un concept qui a fait son chemin depuis l’étude initiale de 2014) dans six mines de l’Ontario, M. Parent et son équipe ont constaté que les mines affichant le plus mauvais rendement en matière de sécurité d’application présentaient également le plus grand écart de perception entre les travailleurs et les dirigeants en termes de ce qui fonctionnait ou pas. « Nous avons fini par comprendre que les employés aiment participer et souhaitent voir des dirigeants qui sont réellement présents et comprennent ce qu’il se passe dans l’exploitation », indiquait-il. « Par expérience, lorsque les dirigeants sont réellement à l’écoute de ce qu’il se passe, ils sont mieux à même de faire face aux réalités du lieu de travail. Ces exploitations sont généralement les plus performantes. »

Pour Great Panther Mining, une société productrice d’or et d’argent ayant des actifs au Mexique, au Brésil et au Pérou, gérer les questions de culture implique de remédier à l’absence de dialogue et d’informations entre la direction et les travailleurs de terrain, mais aussi de personnaliser les messages liés à la sécurité afin d’atteindre les cultures des différents lieux de travail dans ce domaine. D’après le directeur de l’exploitation de la société, Fernando Cornejo, l’équipe de direction doit bien comprendre les particularités culturelles du pays et adapter les messages en fonction si elle cherche à promouvoir des changements qui amélioreront le comportement qu’il convient d’adopter pour garantir la sécurité. « Dans notre cas, la culture brésilienne est très différente de la mexicaine. Ainsi, l’approche adoptée pour faire comprendre aux [travailleurs] ce que l’on essaie d’appliquer en matière de sécurité changera en fonction du pays », indiquait-il. Par exemple, au Mexique, l’objectif est de responsabiliser les employés et de les inciter à s’exprimer s’ils considèrent que les conditions dans lesquelles ils travaillent sont peu sûres. Au Brésil, où les employés sont plus véhéments, l’objectif est d’aligner cette énergie sur l’évaluation des risques à l’aide d’outils dédiés à la sécurité.

En 2020, Great Panther a lancé au Brésil le programme Safety Olympics, un concours qui promeut, entre autres, la sensibilisation des employés à la sécurité (il sera élargi à ses autres exploitations). Ce programme accorde des points pour l’utilisation d’outils dédiés à la sécurité et récompense les groupes qui obtiennent les plus hauts scores. Les groupes réalisant les meilleurs scores remportent une prime en espèces qu’ils peuvent investir dans leur propre lieu de travail et site, comme bon leur semble. La société encourage également chacune des mines à nommer trois candidats pour son Kenneth W. Major Award for Safety Excellence (le prix annuel Kenneth W. Major pour l’excellence en matière de sécurité). Ancien directeur de la société, M. Major était un fervent défenseur de la sécurité. Il est décédé en 2018.

« L’évolution des dirigeants dans l’industrie minière implique en partie d’admettre que rien ne sert de punir. [Mieux vaut] récompenser les employés et leur offrir des motivations, de manière à les encourager à agir dans ce sens », expliquait M. Cornejo. « La reconnaissance a un fort impact sur les employés. »

Créer une atmosphère où les employés sur le terrain se respectent les uns les autres est un élément puissant dans le développement d’une culture de la sécurité. Maura Kolb, directrice de l’exploration à Treasury Metals, dirige des équipes d’exploration depuis 10 ans. « Si l’on pense aux personnes avec lesquelles on travaille, si on les respecte et on fait attention les uns aux autres, ce niveau d’attention fait des merveilles et le système de réponse interne fonctionne bien », indiquait-elle. « On a arrêté de se demander pourquoi l’on se préoccupe de la sécurité alors que l’on devrait en faire une simple case à cocher. »

À son poste actuel, elle a développé, aux côtés de son équipe, 14 stratégies qui fonctionnent bien pour modérer les erreurs qui peuvent aboutir à des blessures dans le travail sur le terrain en cours dans le nord-ouest de l’Ontario. En planifiant les tâches et en organisant des rassemblements tous les matins, par exemple, elle s’assure que les membres de l’équipe ont une idée précise de ce qui doit être fait chaque fois qu’ils vont sur le terrain. « J’essaie aussi de participer aux rassemblements en petits groupes chaque matin et aux inspections de terrain sur le site », indiquait-elle. « Les blessures arrivent lorsqu’on est occupé(e) et que l’on manque de rigueur. La communication constante nous aide réellement à ne pas en arriver là. »

L’anticipation afin d’éviter les risques sur le terrain fait également toujours partie des priorités de la société. Au vu des feux de forêts qui se sont déclenchés cet été près des sites d’exploration, son groupe a engagé une réunion avec le ministère du développement du Nord, des mines, des richesses naturelles et des forêts de l’Ontario. « Des [représentants] du ministère sont venus sur le site pour effectuer un examen [unique] des pratiques que nous avons mises en place avec nos entrepreneurs en forage pour atténuer le risque de déclencher un feu lors d’une activité de forage », indiquait-elle.

Mme Kolb expliquait qu’il peut être bénéfique que d’autres personnes voient les choses sur le terrain de temps à autre, car elles perçoivent des risques potentiels que l’équipe peut ne pas remarquer. Elle inspecte elle-même d’autres lieux de travail, ce qui l’aide à discerner les zones de risques sur son propre site, que l’équipe pourrait avoir sous-estimées.

Pour atteindre une atmosphère de sécurité totale, chaque employé(e) doit être conscient(e) de sa propre sécurité et de celle de ses partenaires sur le terrain. « Ce n’est pas nécessairement à la ou au responsable de suggérer un changement. Tout le monde peut le faire », déclarait-elle. « Sur le plan de la sécurité, nous sommes tous égaux, et c’est la culture que doit adopter notre industrie. »

Éliminer le « secret entourant les risques »

D’après M. Pitzer, pour renforcer la sécurité de l’exploitation minière de manière générale, l’industrie doit réduire l’importance qu’elle accorde aux résultats en termes de rendement et à l’élimination totale des taux de blessures ou d’accidents entraînant des pertes de temps. « Même sans blessure ou accident, les catastrophes [peuvent tout de même] arriver quelques secondes plus tard », indiquait-il.

De fait, c’est en travaillant avec des chefs de file de l’industrie dont les taux de blessures entraînant des pertes de temps étaient excellents qu’il a observé des niveaux croissants de « risques gardés secrets » se frayant un chemin dans les attitudes des sociétés envers la sécurité. « Les gens hésitent de plus en plus à chambouler leurs projets lorsqu’une société fonctionne bien. Ceci met une pression considérable sur les employés, surtout sur ceux en première ligne », ajoutait-il. « Nous avons découvert des risques mortels importants dont les employés refusaient de parler par peur d’avoir à transmettre des mauvaises nouvelles. »

En définissant la « sécurité » comme la volonté de faire face à un risque, les sociétés développent une culture qui, à terme, protégera ses employés, expliquait M. Pitzer. Ceci implique de trouver le bon équilibre entre les stratégies de sécurité et la découverte, l’analyse et le contrôle des risques. Dans ce contexte, les superviseurs au niveau opérationnel doivent être formés « à encourager et à inviter les personnes à exprimer » leurs préoccupations. « La responsabilité ne se limite pas au respect des règles. Les employés doivent bien comprendre qu’ils ont l’obligation d’arrêter de travailler si leurs activités deviennent dangereuses. »


 

Mike Parent et Corrie Pitzer se sont exprimés à l’occasion du CIMVTL21. Vous pouvez accéder à leurs présentations (et aux autres du congrès) sur le site Internet de l’académie de l’ICM.

Pour consulter les évaluations des risques en matière de santé et de sécurité dans le secteur minier, et les analyses des causes fondamentales émanant de l’étude de 2014, rendez-vous sur le site Internet de Sécurité au travail dans le Nord.

Traduit par Karen Rolland