Des mineurs de la compagnie Vale restent à deux mètres de distance les uns des autres après la mise en place par l’entreprise de mesures de distanciation. Avec l’aimable autorisation de Vale

C’est maintenant presque devenu un cliché, mais c’est toujours vrai : la COVID-19 a changé la façon de travailler, y compris dans l’industrie minière.

Si certains changements ont été importants, d’autres ont été plus simples mais ce sont tout de même des changements.

Les quarts de travail sont échelonnés afin de permettre aux mineurs de respecter la distanciation sociale dans la cage, le personnel sur site est réduit au minimum, les employés sont questionnés pour évaluer leur risque d’exposition au virus, et le personnel en déplacement doit se mettre en isolement à son retour jusqu’à ce que tout doute soit levé après avoir reçu un résultat de test négatif. Même les compagnies minières qui étaient autrefois des rivales, telles que Vale et Glencore, par exemple, coopèrent et partagent les meilleures pratiques, selon Iyo Grenon, porte-parole des Installations de nickel intégrées de Sudbury (Sudbury INO) de Glencore.

Les compagnies minières réalisent que les risques auxquels la production se trouve confrontée sont bien réels si les protocoles de sécurité ne sont pas correctement suivis. Comme on l’a vu dans l’industrie de la viande dans l’Ouest du Canada, l’apparition de cas de COVID-19 peut aboutir à de longues fermetures. Prudence et diligence sont les maîtres-mots.

C’est ainsi que certaines des plus grosses compagnies minières du pays ont poursuivi leur production depuis l’arrivée en force au Canada de la COVID-19, en mars.

Au début

Quand la pandémie a débuté, la priorité a été de s’assurer que toute personne ayant possiblement été exposée à la COVID-19 puisse s’isoler chez elle. Cela signifiait de verser aux gens leur plein salaire pendant jusqu’à 14 jours, ce qu’ont fait un certain nombre de compagnies minières.

« Nous voulions faire en sorte que ceux qui devaient continuer à se rendre au travail en personne, avaient la capacité de le faire en ayant confiance dans le fait que ceux qui travaillaient autour d’eux étaient en bonne santé, et que le risque d’être exposé au virus était réduit de manière significative, au point où nous étions à l’aise de continuer à mener nos opérations de manière responsable, » a déclaré Donald Langois, responsable la santé et de l’invalidité au travail chez Vale, pour les opérations nord-atlantiques de la compagnie, qui incluent le Canada.

Glencore a également payé les gens pour se mettre en isolement, tout en mettant en œuvre des mesures de sécurité afin de réduire les risques sanitaires pour les employés qui avaient besoin d’être sur site ou qui allaient retourner au travail plus tard, en particulier ceux avec des facteurs de risque élevés face au virus, a expliqué Doug Conroy, responsable des ressources humaines pour Sudbury INO de Glencore.

« Parce que nous avons mis en place tant de bons protocoles au cours des derniers mois, la plupart de ces personnes à haut risque sont maintenant de retour au travail car nous pensons que leurs conditions [de travail] sont propres à [les garder en sécurité], » a déclaré monsieur Conroy.

Des mineurs portent des équipements de protection individuelle (EPI) tout en travaillant sous terre à la mine Casa Berardi d’Hecla, au Québec. Avec l’aimable autorisation de Hecla Mining Company

Cela est aussi vrai pour les mines plus petites.  À la mine Casa Berardi d’Hecla Mining Company, au nord-ouest du Québec, les travailleurs ont continué à recevoir leur salaire de base durant la fermeture de la mine pendant trois semaines à la fin du mois de mois et au début du mois d’avril.

Personne n’a dû être mis à pied. Hecla a été capable de se qualifier pour l’aide du gouvernement fédéral afin de couvrir les salaires, selon la porte-parole Doris Blackburn.

« Nous étions admissibles à huit semaines de la Subvention salariale d'urgence du Canada (SSUC), que nous avons reçue au cours du deuxième trimestre de 2020, » a dit madame Blackburn. « De plus, nous sommes en train d’évaluer la situation pour voir si nous pouvons être admissibles aux subventions SSUC qui ont récemment été prolongées au-delà de la période initiale de 12 semaines.

Des précautions qui évoluent

Alors que la pandémie a progressé, les sites ont amélioré leurs approches.

Chez Glencore, la compagnie a commencé à surveiller la propagation du virus en décembre, et a constitué un petit comité pour se préparer à la possibilité que la COVID-19 ne soit pas contenue.

Jennifer Gibb, responsable de la durabilité et chef du groupe de travail sur la COVID-19 de Sudbury INO, a déclaré que cela avait permis à l’entreprise de poser rapidement des actions quand les choses ont commencé à évoluer.

« Je pense que c’est [parce que] nous avons commencé très tôt à surveiller la situation et à discuter des activités potentielles que Glencore a pu très vite mettre en place des contrôles formels comme un processus de dépistage actif, » a-t-elle ajouté.

Ce processus de dépistage implique de poser aux employés, visiteurs et entrepreneurs une série de questions avant qu’ils ne pénètrent sur un site ou dans un bâtiment administratif. Des contrôles de température sont également en place.

Il existe des procédures de dépistage similaires chez Vale. Si une personne présente des symptômes ou si elle obtient un résultat positif au test qu’elle a subi, elle ne doit pas venir au travail. « Dans la plupart des cas, les personnes ayant des symptômes doivent présenter un résultat de [test] négatif. Il y a peut-être eu quelques exceptions mais nous avons adopté une approche structurée, fondée sur les faits, » a expliqué monsieur Langois. « Nous avons recherché une expertise clinique en dehors de Vale, et nous nous sommes associés à des spécialistes cliniques qui nous ont aidés à naviguer et à prendre ces décisions en notre nom. »

Sudbury INO de Glencore a automatisé le dépistage actif dans l’un de ses sites, et prévoit de l’étendre à d’autres sites. Quand une personne entre dans le vestibule du bâtiment, elle se voit présenter un code à barres à numériser avec son téléphone intelligent, et cela l’amène à un questionnaire de dépistage. Puis, à l’aide d’une tablette dans l’entrée, on prend la température de la personne. Si la température se situe dans des limites acceptables, et que ses réponses aux questions de dépistage sont aussi acceptables, alors elle a le droit d’entrer.

Entre autres mesures communément mises en place dans l’industrie, on a intensifié le nettoyage des aires très fréquentées ainsi que des surfaces fréquemment touchées, et on a également instauré des règles de distanciation. Cela peut prendre la forme de cloisons en plexiglass ou de couloirs à sens unique.  Nombre des changements mis en place dans les mines sont du même type que ceux que l’on trouve dans les magasins d’épicerie

Mais d’autres changements spécifiques aux mines ont été aussi mis en œuvre. À Sudbury INO de Glencore, par exemple, l’entreprise a décidé d’échelonner dans le temps l’heure à laquelle les travailleurs arrivent au travail afin de rendre plus faciles les mesures de distanciation physique.

« Nous leur avons demandé de ne se présenter au travail qu’assez tôt pour pouvoir accéder aux vestiaires, se changer et descendre ensuite sous terre, » a déclaré Doug Conroy.

Cela a également permis à Glencore d’échelonner les utilisations de la cage afin de permettre une distance adéquate entre les mineurs. Monsieur Conroy a pris la mine Nickel Rim South de la compagnie comme exemple : « Nous sommes passés d’un maximum de 112 personnes dans la cage à 11 personnes, afin qu’il y ait suffisamment d’espace entre les gens pour respecter les règles de distanciation physique. Maintenant que nous portons des masques, nous autorisons 22 personnes dans une cage, » a-t-il ajouté.

À la mine Casa Berardi d’Hecla, la compagnie a fait preuve de créativité pour augmenter le nombre de personnes qu’elle pouvait mettre dans sa cage et dans ses véhicules de transport.

« Pour la cage et les véhicules de service, nous avons élaboré un système de portes tournantes en plexiglass pour protéger les travailleurs. Avec ce système, nous avons pu passer à 6 personnes au lieu de 4 dans la cage et dans les véhicules de service, » a dit madame Blackburn.

Hecla a dû augmenter le nombre d’autobus qu’elle utilise, passant de six autobus à dix, pour amener les travailleurs sur le site de la mine et les ramener. Les mesures de distanciation physique imposent de ne transporter que 26 personnes par autobus, soit environ la moitié de la capacité normale qui est de 51 personnes.

 


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Protéger les populations vulnérables

À certaines mines, poursuivre les opérations a été plus difficile que de juste gérer les complications liées à la COVID-19 dans le milieu de travail.

La mine Raglan de Glencore, située dans la région du Nunavik, dans le nord du Québec, est si éloignée qu’on y pratique le travail par navette aérienne, communément appelé « fly-in, fly-out ». À la fin du mois de mars, quand toutes les entreprises de la province ont dû fermer complètement, Glencore a dû ramener chez eux par avion tous les membres du personnel de cette mine, en gardant le strict minimum d’employés d’entretien et de maintenance.

Des employés prenant l’avion pour se rendre à la mine Raglan de Glencore et en revenir, respectent la distanciation sociale, même au moment d’embarquer. Avec l’aimable autorisation de Glencore

Il y a eu des complications supplémentaires à la mine Raglan, a expliqué Céliane Dorval, porte-parole de la mine. Les populations inuites sont particulièrement vulnérables en raison de l’accès limité aux services de santé quand leurs communautés se trouvent dans des endroits éloignés. Nombreux sont les travailleurs de la mine Raglan qui prennent l’avion pour se rendre sur place. Même avec des procédures de dépistage strictes et les tests, le risque est bien présent d’importer le virus dans les communautés inuites depuis le Sud.  

Les vols entre la mine Raglan et les communautés environnantes ont été suspendus jusqu’au 1er septembre. Cela signifie que plus de 140 employés vivant dans les communautés locales autour du site n’ont pu aller travailler pendant plusieurs mois. Tout au long de cette période, la compagnie a continué à payer leur salaire de base, a expliqué madame Dorval. 100 autres travailleurs inuits ont continué à travailler à la mine durant la pandémie, s’y rendant par avion en provenance de régions plus au Sud.

« Maintenant, nous testons aussi les gens sur place. Nous avons réalisé plus de 7000 tests, et ils sont tous revenus négatifs, » a déclaré madame Dorval.

Les changements vont bien au-delà du voyagement seulement. On a également dû apporter des modifications à l’organisation des cafétérias et autres installations d’hébergement. Par exemple, les buffets et les bars à salade ne sont plus ouverts au moment des repas car ils sont tous en libre-service. Au lieu de cela, les travailleurs font la queue pour commander leurs repas un à la fois, a expliqué madame Dorval. Dans la mine, dans les bureaux, et partout dans le complexe d’hébergement, des mesures de distanciation et de désinfection sont en place.

Fermetures pour maintenance

Les fermetures régulières pour assurer la maintenance constituent une autre difficulté pour de nombreuses mines, usines de concentration et fonderies. Étant donné que le gros du travail est spécialisé, il est nécessaire de faire venir de nombreux techniciens d’autres sites et, souvent, d’autres pays. Cela pose des problèmes particuliers à cause des restrictions de voyage imposées par la pandémie.

« [Les opérations de maintenance pendant les fermetures régulières pour maintenance] ont continué mais dans une bien moindre mesure. Par exemple, là où nous amenions d’ordinaire, dans une communauté donnée, 1000 personnes ou plus venant de l’extérieur, nous ne pouvions raisonnablement pas faire cela durant la pandémie, » a dit monsieur Langois de la compagnie Vale. « Nous avons tout revu à la baisse pour faire en sorte de retarder tout travail pouvant être retardé. Certains projets ont pu connaître du retard mais ils n’ont pas été complètement annulés, ou il se peut qu’ils aient été poursuivis mais à un rythme plus lent afin de faire en sorte que le risque [d’apporter la COVID-19] dans nos communautés soit minimisé. »

Glencore a dû procéder à des ajustements similaires au niveau de son calendrier de maintenance. Les fermetures pour maintenance ont dû être planifiées de manière très précise, a dit madame Gibb. Elles ont aussi dû être coordonnées avec les autorités sanitaires locales et le partenaire de la compagnie en matière de santé au travail, la clinique médicale NEOMO, située à Sudbury, pour s’assurer que le personnel essentiel pouvait être amené, isolé si nécessaire et testé.

Prochaines étapes

Une des difficultés rencontrées durant une longue pandémie, c’est de rester vigilant. Lorsque les choses s’étirent dans le temps, cela devient facile et même naturel pour les gens de baisser leur garde, a déclaré madame Grenon de Glencore. Prévenir la fatigue ressentie à l’égard de la COVID est un véritable défi a-t-elle ajouté.

« Nous continuons d’essayer de travailler là-dessus, et nous devons continuer de trouver de nouvelles idées créatives pour nous assurer que les gens restent prudents, » a dit madame Grenon.

Mais il y a des menaces imminentes plus graves que cela.

Madame Gibb a dit qu’à la fin du mois de mai et au début du mois de juin, le groupe de travail sur la COVID-19 de Sudbury INO s’attendait déjà à une possible seconde vague d’infections. « Nous avons commencé à discuter de la planification de la seconde vague et des stocks que nous pourrions avoir besoin de constituer. Nous avons bien avancé là-dessus, et nous avons vraiment le sentiment de nous être procuré les fournitures dont nous aurons besoin. »

Le groupe de travail tient aussi tout le monde informé sur certaines des compétences et des procédures que l’entreprise n’a mises en place que récemment. « En préparation d’une seconde vague, d’ici environ deux semaines, nous allons rafraîchir la formation sur [la recherche des contacts] juste pour nous assurer que nos compétences sont toujours bien à jour, » a déclaré madame Gibb.

Chez Vale, les dirigeants pensent aussi à l’avenir. À sa mine de Voisey’s Bay au Labrador, la compagnie a installé un laboratoire de test mobile étant donné que la mine est si éloignée.

« Nous sommes en train de mettre sur pied des installations de test privées dans certains de nos autres sites d’exploitation alors que nous nous préparons à gérer la seconde vague attendue et à y faire face, » a dit monsieur Langois. « Nous avons vu comment le fait de recevoir les résultats des tests rapidement a eu un effet [positif] pour les employés lorsque le système a vu une augmentation du nombre [de cas]. »

Les changements apportés sur plusieurs sites miniers sont là pour durer. Pour continuer à produire, il a parfois fallu s’adapter de manière radicale. Nous ne savons pas encore exactement ce qui nous attend, mais l’industrie a tiré des leçons des mois passés. Si une seconde vague se produit, ou si l’on assiste à une avancée soudaine sur le plan médical, les compagnies minières seront prêtes.

Traduit par Michèle Tirlemont