Des techniciens de laboratoire de Mines Agnico Eagle procèdent à des tests virologiques de la COVID-19. Avec l’aimable autorisation de Mines Agnico Eagle.

Dans le cours normal des choses, diriger un laboratoire d’examens médicaux ne fait pas partie des activités que la plupart des sociétés minières s’attendent à mener. Pourtant, en 2020, c’est une pratique que deux sociétés minières canadiennes ont mise en place pour pouvoir poursuivre leurs opérations.

New Gold et Mines Agnico Eagle dirigent des centres de dépistage de la COVID-19, où sont pratiqués des prélèvements sur les employés, les entrepreneurs et les visiteurs. Les résultats des tests PCR (réaction en chaîne par polymérase, ou tests virologiques) sont traités par des laboratoires sur le site.

New Gold a acheté trois unités de dépistage rapide (aussi appelé laboratoires d’équipement de dépistage) à la société Precision Biomonitoring de Guelph, en Ontario, pour la somme de 200 000 dollars chacun. Deux d’entre elles sont actuellement utilisées sur son site minier de Rainy River. La troisième a été achetée pour les 16 communautés autochtones voisines, notamment celles qui sont membres du Grand Conseil du Traité n° 3. Agnico dispose de quatre lieux de dépistage et de traitement : à sa mine Meliadine et son complexe minier Meadowbank dans le Nunavut, à son aéroport central de Val-d’Or dans la région de l’Abitibi, au Québec, et à son aéroport de Mirabel, également au Québec. L’équipement sur ces sites vient de la société GuardRX de Trois-Rivières, au Québec.

Réactions rapides

Les sociétés minières ont agi rapidement pour l’acquisition du matériel de dépistage.

« Il nous a fallu environ un mois », déclarait Jean-Michel Fortin, directeur des finances, des services généraux et de la chaîne logistique pour le Nunavut à Agnico. « Le 5 avril 2020, notre premier laboratoire était sur pied, alors que la COVID avait commencé [à se propager] en mars. » Il ajoutait que Medialine était le premier site à avoir reçu l’équipement. Val-d’Or a obtenu son équipement de dépistage en juin, suivi de Meadowbank en novembre, et de Mirabel en décembre.

Beth Borody, directrice du développement durable à New Gold, s’est également mise au travail au début du printemps 2020, et cherchait des moyens d’équiper la société d’appareils de dépistage. À ce moment-là, expliquait-elle, le gouvernement fédéral cherchait à donner son aval pour un dispositif de dépistage spécifique (le SpartanCube). New Gold décidait « que la société ne pouvait attendre qu’un dispositif soit approuvé, et qu’elle devait trouver d’autres solutions », aboutissant sur un partenariat avec Precision Biomonitoring. Les deux sociétés ont travaillé de pair pour obtenir l’approbation de Santé Canada pour le dépistage de la COVID-19.

« Nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire pour accélérer le processus, et avons collaboré avec les communautés autochtones locales qui entourent notre exploitation de Rainy River. Nous devions obtenir l’approbation pour ces dispositifs. Nous en avions besoin pour que la mine puisse continuer à fonctionner, et pour montrer aux communautés vivant à proximité que nous faisions ce qu’il fallait et que nous étions responsables vis-à-vis d’elles. »

New Gold a collaboré avec les chefs locaux pour faire pression sur Santé Canada et pour plaider leur cause auprès des représentants officiels des gouvernements. Leurs efforts ont été récompensés. Le gouvernement a approuvé leurs unités de dépistage. New Gold les a installées et la société a commencé à effectuer des tests de dépistage à la fin de l’été 2020.

« Nous avons la grande chance d’avoir été les premiers à recevoir les appareils, et nous sommes la première société au Canada à pouvoir réellement pratiquer des dépistages rapides [grâce à eux]. Notre but n’était pas nécessairement d’être les premiers, mais le fait est que nous avons ouvert la voie au dépistage rapide dans un contexte privé. Ce n’est pas quelque chose auquel nous nous attendions en 2020 », déclarait Mme Borody.

Les unités de New Gold ont, comme elle les décrit, la taille d’une enceinte Bluetooth. Chacune d’elles peut effectuer neuf tests simultanément et fournir les résultats en environ deux heures et demie. Ces appareils, qui fonctionnent sur batterie, utilisent un téléphone portable (fourni) pour se relier au nuage. On peut installer les machines sur n’importe quelle surface dure et lavable pouvant être stérilisée. La société a embauché deux infirmières supplémentaires pour administrer les tests de dépistage ainsi que deux autres techniciens de laboratoire pour les traiter, portant ainsi l’équipe médicale participant au processus de dépistage à quatre infirmières et quatre techniciens de laboratoire.

Statistiques et données relatives aux tests

Dernièrement, New Gold a testé environ 200 employés par semaine, et a effectué approximativement 4 000 tests au total (le matériel pour les tests, et notamment les écouvillons et les réactifs, coûte environ 80 dollars par test, mais les unités ont été envoyées avec suffisamment de matériel pour tester 1 100 personnes). Depuis janvier, tous les employés qui ont été testés étaient négatifs.

« Le ministère de la santé publique d’Ontario est tenu informé de nos activités. Si nous dépistons un cas positif, nous devons en informer Santé publique Ontario. Nous suivons bien évidemment toutes les exigences de Santé publique Ontario en matière de suivi des contacts et d’isolement, et nous assurons que toutes les étapes requises ont été effectuées », indiquait Mme Borody.

Cette capacité à tester les employés a permis à la société de reprendre ses activités sur le site minier, après une suspension volontaire de deux semaines fin mars liée aux déplacements hors du Canada, une situation qui concernait une grande partie de la main-d’œuvre locale.

« Nous avons décidé de ne pas travailler à pleine capacité opérationnelle, car 40 % des personnes vivent dans le camp. Nous ne souhaitions pas reprendre l’intégralité des activités avant d’avoir en main ces appareils et de pouvoir procéder au dépistage. Il était donc très important pour nous d’acquérir ces dispositifs afin de pouvoir reprendre les activités à pleine capacité. Nous voulions offrir ce degré de confiance à nos employés et nos entrepreneurs, ainsi qu’aux communautés environnantes, et leur montrer que nous faisions tout ce qui était en notre pouvoir pour protéger notre site de la COVID-19 et assurer la sécurité de tous. »


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Si New Gold n’a dépisté aucun cas positif chez ses employés (avant que nous ne mettions sous presse), Agnico a vécu une réalité bien différente. Depuis avril 2020, la société a mené plus de 40 300 tests dans son exploitation du Nunavut ; à la mi-janvier 2021, 18 cas positifs étaient rapportés.

« Nous menons environ 250 tests par jour, notamment sur toutes les personnes arrivant par avion sur le site ainsi que les seconds dépistages », indiquait M. Fortin.

D’après lui, les tests effectués à Mirabel donnent des résultats en trois heures, ce qui signifie que les employés savent s’ils sont positifs ou non à la COVID-19 avant de décoller. Les personnes qui sont négatives sont autorisées à embarquer. Si un cas présumé est détecté, le suivi de contact commence et les représentants officiels de la santé publique provinciale sont informés. En outre, les employés arrivant sur le site sont testés une seconde fois cinq jours plus tard, pour s’assurer que tout virus en incubation et non détecté est découvert. Au total, 30 personnes travaillent (sur des postes différents) dans les quatre sites de tests de la société.

M. Fortin ne nous a pas communiqué les données exactes des unités de tests autoventilées d’Agnico, qui sont installées dans des remorques achetées spécifiquement à cet effet dans chacun des sites. Cependant, il nous indiquait que pendant les deuxième et troisième trimestres 2020 (T3 et T4 2020), la société avait investi 5 millions de dollars américains dans des protocoles relatifs à la COVID-19 dans toutes ses exploitations. Il convient de noter que toutes les unités doivent être équipées de systèmes d’aérage afin d’éviter la propagation aérienne du virus.

La sécurité de la communauté

Agnico Eagle a aussi dû continuer à payer les employés qui ne travaillent pas et ne reviendront pas travailler dans un proche avenir, ce qui représentait un coût supplémentaire. Étant donné la géographie du Nunavut et l’isolement de nombre de ses communautés, le système de santé de la région est fragile. Ne voulant pas imposer de pression supplémentaire ni introduire de cas de COVID-19 dans les communautés autochtones voisines, Agnico Eagle a renvoyé chez eux les travailleurs dès le début de la pandémie. Ils y sont encore aujourd’hui, tout en percevant 75 % de leur salaire de base.

La société a proposé à ses employés de percevoir l’intégralité de leur salaire en contrepartie d’une participation à la Good Deeds Brigade (la brigade des bonnes actions) d’Agnico Eagle et en travaillant sur des projets communautaires.

« C’est une situation qui profite à tout le monde. Les employés peuvent percevoir le reste de leur salaire tout en aidant et en soutenant des initiatives communautaires. C’est important pour nous en raison de l’isolement de ces communautés. Nous voulons nous assurer que les initiatives communautaires ou celles à but non lucratif sont aussi soutenues », déclarait Natalie Frackleton, directrice des communications externes à Agnico Eagle.

« Nous avons dû suspendre cette initiative en novembre en raison de l’apparition de cas au Nunavut. Les premiers cas sont apparus dans la communauté, mais [le programme] a repris le 14 décembre, une fois la situation stabilisée. »

En termes de soutien aux communautés locales, Agnico Eagle a fait savoir que les avions arrivant dans le Nunavut chaque jour permettaient à la société d’aider à la distribution des vaccins et à la logistique dans le nord du Canada.

Si New Gold n’a pas encore officiellement mis en place son dispositif de test dédié à la communauté, la société et son partenaire communautaire travaillent actuellement de pair sur la formation et la phase de création nécessaires avant de commencer le dépistage.

Comme l’expliquait Mme Borody, New Gold a fait une promesse à ses voisins autochtones alors qu’ils s’efforçaient, ensemble, de faire pression sur les autorités. « Nous avons convenu que si les appareils étaient approuvés, nous prendrions à notre charge la responsabilité et le coût de l’achat d’un troisième appareil ainsi que tous les besoins pour l’exploitation de cet appareil (les écouvillons, les réactifs, les éprouvettes). Nous nous sommes aussi engagés à trouver une façon d’aider au dépistage de la communauté et à donner le troisième appareil aux communautés », indiquait-elle. « Nous avons donc pu tenir la promesse que nous avions faite aux communautés. »

Même si l’écouvillonnage nasal n’est pas très agréable, ni Mme Borody ni M. Fortin n’ont constaté de refus de la part des employés concernant le dépistage de la COVID-19. Au contraire, les réactions ont plutôt été positives.

« Nous présentons ce dépistage comme un bien pour la santé de tous. Nous voulons protéger nos employés. Nous voulons protéger nos communautés. Nous sommes dans un site isolé, c’est donc très important pour nous. Il est primordial de minimiser les chances d’introduire le virus sur le site, et de continuer à protéger nos communautés. De manière générale, ce dépistage est bien reçu », indiquait M. Fortin.

« Nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre [lorsque nous avons commencé le dépistage] », expliquait Mme Borody. « Nous sommes très satisfaits du nombre de personnes qui se portent volontaires [pour se faire tester]. Il y a eu des vagues. Lorsque l’école a commencé, davantage de personnes se portaient volontaires. Lorsque nous avons obtenu le premier dispositif, nous avons constaté un pic. Tout ceci est fortement lié à ce qu’on lit dans la presse, ainsi qu’au nombre de cas annoncés dans la région. Mais nous avons un nombre régulier de volontaires qui viennent dans la semaine se faire dépister. »

Traduit par Karen Rolland