Avec l’aimable autorisation de Jason Rasevych

Aujourd’hui, les communautés autochtones du monde entier ne sont clairement plus satisfaites d’être présentées comme des parties prenantes dans les relations de type transactionnel qu’elles entretiennent avec les sociétés minières. Les détenteurs de droits fonciers traditionnels souhaitent établir un nouveau type d’entente avec toutes les entités qui participent à leur environnement, les sociétés minières y compris.

Plus qu’une question d’ESG

C’est en raison de ce lien avec la terre que l’engagement communautaire a été mis dans la même catégorie que les programmes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des sociétés minières. Si une plus grande collaboration avec les communautés autochtones offre plusieurs possibilités en termes d’ESG, il faut bien examiner en quoi une meilleure relation sous-jacente pourrait profiter à toutes les fonctions dans les sociétés minières ainsi qu’aux propriétaires terriens traditionnels.

Le permis social d’exploitation est lié à l’investissement, au risque du projet et à la composante environnementale de l’obtention du permis pour le projet. Il est également lié aux fonctions réglementaires et législatives pour les propositions de projets miniers dans de nombreux territoires. Des questions telles que la décarbonation et la gestion des ressources naturelles, la diversification des talents et même le leadership sont des domaines dans lesquels les peuples autochtones peuvent apporter leur aide aux sociétés minières afin qu’elles comprennent mieux et s’acquittent de leurs responsabilités en tant qu’intendants de la terre.

Les gouvernements souhaitant maintenir l’investissement de l’industrie font doucement évoluer leurs procédures et leur législation afin de refléter le besoin d’une consultation élargie avec les peuples autochtones, et d’une participation plus marquée de leur part. Par exemple, au Canada, des traités modernes sont négociés entre les Premières Nations et la Couronne afin de couvrir un large éventail de droits des peuples autochtones en ce qui concerne la terre, l’eau et le développement des ressources. Ils portent notamment sur l’intégration de la loi relative à la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).

Les partenariats, moteur du progrès

Les possibilités d’une collaboration entre l’industrie minière et les peuples autochtones dans différents pays en vue de faire progresser leurs stratégies et leurs objectifs commerciaux sont considérables. Mais avant que cela ne se produise, il convient d’établir un nouveau paradigme pour les Autochtones dans le secteur minier. On va fort probablement s’éloigner des ententes sur les répercussions et les avantages (ERA) classiques dans les grands projets de développement pour se rapprocher de modèles de partenariat économique et sur la base de l’équité reposant sur la communication, la confiance mutuelle et le respect. Cela prendra du temps et un certain investissement, ainsi qu’une transition dans la gouvernance.

En septembre 2021, Suncor a donné l’exemple en montrant comment intégrer une démarche de partenariat dans de futurs projets miniers. La société a annoncé la signature des ententes avec huit communautés autochtones, dont trois Premières Nations et cinq communautés Métis, dans la municipalité régionale de Wood Buffalo près de Fort McMurray, pour l’acquisition d’une participation de 15 % de TC Energy dans la société en commandite du pipeline Northern Courier. Cet actif d’une valeur d’environ 1,3 milliard de dollars assurera des revenus stables et à long terme aux communautés pour les années à venir.


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Prôner une meilleure inclusion dans les normes

Aujourd’hui, l’adoption des normes ESG est devenue une condition préalable fondamentale pour la plupart des grandes sociétés et des fonds d’investissement. Aux États-Unis, les fonds conformes aux critères ESG atteignent aujourd’hui les 40 billions de dollars américains. Au Canada, ce chiffre est d’environ 3,6 billions de dollars. Ces chiffres devraient augmenter à un rythme de 15 % par an.

Si leur portée est supposée garantir les meilleures pratiques en termes d’actions sociales, la plupart des principales normes ESG, telles que celles établies par le Global Reporting Initiative (GRI, un organisme indépendant de normalisation au niveau international) ou le Sustainability Accounting Standards Board (SASB, un organisme à but non lucratif qui établit des normes comptables à l’intention des sociétés ouvertes américaines sur les questions de la durabilité), contiennent très peu de références aux questions autochtones.

Par exemple, la norme GRI 411: Rights of Indigenous Peoples ne reconnaît la survenue d’un « incident » que si la partie affectée engage des poursuites juridiques. Plutôt que de promouvoir la voie vers la réconciliation, cette norme envoie un message aux communautés leur disant que le seul moyen d’obtenir l’attention des entreprises est de porter un litige devant le tribunal.

Si les normes SASB font référence à la DNUDPA, elles omettent de donner une orientation substantielle sur la façon de consolider ces droits dans les activités ou les procédures d’une société.

Les sociétés minières doivent envisager de faire pression pour l’évolution de ces normes en coopération avec les propriétaires terriens traditionnels afin de mieux refléter les intérêts des deux parties d’une manière qui promeut et encourage la réconciliation.

Poser les bases d’une prospérité économique et sociale mutuelle

Les sociétés minières peuvent dès à présent envisager et œuvrer en faveur de meilleures relations avec les communautés autochtones en prenant en compte ces actions supplémentaires :

» Réexaminer les cadres ESG existants, développés pour être facilement vérifiables. S’ils s’avèrent utiles du point de vue de la vérification ou de la conformité, ils ne reflètent pas bien l’importance d’une véritable consultation. Les sociétés peuvent compléter les données métriques normales par des systèmes qui enregistrent des données qualitatives, telles que le nombre et la diversité de leurs employés autochtones, la présence, le cas échéant, de membres des peuples autochtones au sein de leurs conseils d’administration ou de leurs comités, le nombre d’entreprises autochtones qui participent à leur chaîne d’approvisionnement et logistique, ainsi que le soutien financier ou les dons accordés aux projets autochtones.

» Chercher des possibilités qui s’alignent sur les objectifs et priorités à long terme des communautés locales. Pour que les projets soient réellement durables, le processus de planification doit intégrer le cycle de vie complet de la mine et au-delà afin de garantir que le site continue de constituer une valeur plutôt qu’un poids du point de vue des communautés locales une fois l’extraction achevée. Si une communauté peut profiter d’une infrastructure minière telle qu’une route, une ligne ferroviaire ou une installation électrique, les discussions doivent commencer dès que possible afin de déterminer si ces possibilités correspondent aux aspirations des communautés et de s’assurer que le développement n’entre pas en conflit avec d’autres intérêts.

» S’assurer que l’engagement est mené de manière adéquate sur le plan culturel. Les informations doivent être communiquées aux communautés d’une manière adaptée culturellement parlant, et dans leur langue autochtone afin qu’elles puissent prendre des décisions éclairées relatives au consentement.

» Assurer une gouvernance diversifiée. La création de sièges destinés aux représentants autochtones dans les conseils d’administration et dans d’autres postes à responsabilité au sein des sociétés minières donnera une plus grande confiance dans l’objectif et l’orientation des projets miniers. Cela leur conférera une place prépondérante dans les procédures décisionnelles, dont celles liées à l’atténuation des répercussions environnementales et sociales.

On assiste à un éveil global concernant les questions touchant aux communautés autochtones. Si certains thèmes sont communs aux différents pays, il n’y a pas de solution universelle quant à la manière dont les relations et les rôles entre les communautés et les sociétés minières doivent être structurés. Les sociétés minières doivent renforcer leur flexibilité au niveau de leur planification, et se présenter aux discussions en étant prêtes à écouter, à apprendre et à concrétiser leurs résultats.

 Jason Rasevych, membre de la Première Nation de Ginoogaming, est directeur national des services autochtones à Deloitte Canada.