Alexandre Cervinka, chef de la direction, Newtrax Technologies. Photo: Riccardo Cellere

En ce début du mois de mai, Alexandre Cervinka, chef de la direction de Newtrax Technologies, une entreprise montréalaise, se trouve dans un train en Finlande, en direction de la mine test de Sandvik, à Tampere. Le plus gros fabricant au monde d'équipements pour les mines souterraines y fait venir des clients, chaque semaine, pour qu’ils découvrent ses équipements et autres solutions d’automatisation et de numérisation.  

En avril, Sandvik a annoncé son intention d’acheter l’entreprise de haute technologie à croissance rapide de M. Cervinka, spécialisée dans les solutions Internet des objets (IDO) qui permettent de traduire visuellement les processus de l’exploitation minière sous terre grâce à la collecte minutieuse et exhaustive de données et à leur surveillance. (La transaction devrait être conclue au 2e trimestre 2019.) Cette acquisition intervient une décennie après la fondation de Newtrax qui a été créée dans le but de rendre l’extraction souterraine plus sûre et plus efficace. Mais, comme l’a reconnu M. Cervinka, « la route n’a pas été de tout repos » pour en arriver là.

Après avoir obtenu un baccalauréat en génie électrique à l’Université McGill, M. Cervinka et quelques collègues ont lancé une entreprise utilisant la technologie IDO pour tout un tas d’applications depuis le suivi de marchandises lors de leur transport, jusqu’à la surveillance des frontières. Puis, un professeur de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue leur a suggéré d’appliquer cette technologie à l’exploitation minière souterraine en roche dure. Cette intuition s’est avérée prophétique.

D’après M. Cervinka, si ce secteur était en retard par rapport aux autres en matière de numérisation et d’automatisation, c’était pour de bonnes raisons. « C’est un environnement tellement plus dynamique et dur que, par exemple, celui des mines de surface ou du pétrole ou du gaz, ou bien encore que celui d’autres industries de processus. » Déjà, il n’est pas facile d’avoir des réseaux de communication à proximité de l’endroit où les opérations ont vraiment lieu. Lorsque vous faites du sautage et du halage à l’intérieur de la mine, par exemple, l’infrastructure de contrôle se trouvant à proximité est souvent détruite. De plus, l’équipement mobile, comme les foreuses et les camions, n’était généralement pas conçu avec des capteurs, et s’il l’était, les systèmes étaient fermés de sorte que les mines ne pouvaient avoir accès aux données pour les voir en temps réel.

« C’était vraiment un cimetière de projets technologiques ayant échoué », a déclaré M. Cervinka, qui a réalisé le potentiel énorme pour les produits Newtrax quand ils ont commencé à mesurer le taux de rendement global (OEE/TRG) sous terre. Dans un cas, ils ont découvert qu’une boulonneuse utilisée pour empêcher la roche de tomber sous terre n’était non seulement utilisée que moins de 20 % du temps, mais que seuls 10 % des boulons étaient installés correctement. « La boulonneuse n’était vraiment utilisée efficacement que 2 % du temps en fin de compte », a dit M. Cervinka.

Newtrax peut surveiller en temps réel beaucoup de choses, depuis la pression des pneus des camions à la stabilité du sol et aux niveaux de l’eau, en passant par le tonnage déplacé par les camions. « Nous installons des capteurs sur la charge utile des camions, et nous mettons un écran sur le côté du camion afin que le conducteur de chargeuse puisse voir s’il a besoin d’ajouter un demi-seau supplémentaire pour que le camion soit utilisé à pleine capacité avant de remonter à la surface », a expliqué M. Cervinka. Si un aller-retour prend deux heures, ces tonnes s’additionnent. « Tout le monde est obsédé par la nécessité d’éliminer le gaspillage. Or, c’est un processus qui cause beaucoup de gaspillage », a-t-il ajouté. En donnant de la visibilité sur ce processus et sur d’autres, Newtrax permet aux opérations de procéder à des changements fondés sur des données afin d’accroître la sécurité et la productivité.

M. Cervinka est très heureux de l’acquisition par Sandvik. Newtrax conservera son siège social à Montréal tout en continuant d’exercer ses activités en tant que division distincte, et Sandvik fera la promotion de la plateforme IDO indépendante des équipementiers (OEM) de Newtrax comme source privilégiée d’une masse importante de données pour son logiciel d’optimisation des processus d’extraction minière. M. Cervinka rappelle que la société Sandvik est présente dans « environ 99 % » des plus de 700 mines de roche dure souterraines que compte la planète.

Ce partenariat laisse entrevoir des possibilités alléchantes. Les mines pourraient un jour utiliser Newtrax pour surveiller et optimiser leurs processus, puis relier ces données à des équipements automatisés rendant ainsi les opérations encore plus efficaces, compétitives et sécuritaires.

Il se pourrait que M. Cervinka veuille trouver un appartement en Finlande.