Prises dans les filets de la pandémie, les sociétés minières demandent maintenant conseil pour savoir comment réagir face aux nouvelles conditions du marché. La pandémie a généré des occasions intéressantes. Les prix des métaux sont corrects, les créances et l’équipement sont extrêmement peu coûteux, et les capitaux propres ont fait leur retour sur la scène du secteur minier. En outre, les nouvelles technologies abondent. Le travail à distance, autrefois réservé à des emplois très spécialisés, est devenu omniprésent pendant la pandémie de COVID-19. Quant à l’énergie renouvelable dans l’industrie minière, elle est devenue très demandée, autant par les actionnaires que par les citoyens du monde entier. Les sociétés minières doivent tirer parti de ce moment, tout en suivant de près le monde de demain, celui de l’après pandémie, et les changements qui l’accompagneront.
Le plus grand changement à ne pas perdre de vue est que le marché se déplace vers l’est, de l’Atlantique Nord et du Pacifique Nord vers l’Asie. D’après la société de conseils en gestion McKinsey & Company, l’Asie détiendra une part de 52 % dans le PIB mondial d’ici 20 ans, alors qu’elle n’en détenait que 33 % en 2000. Ajoutons à cela les exigences supplémentaires en termes de coût de transport de n’importe quelle mine de la planète jusqu’au marché asiatique, et tout projet minier classique devra prendre de plus en plus de précautions vis-à-vis des dépenses d’investissement (CapEx) et d’exploitation (OpEx).
Pleins feux sur le CapEx et l’OpEx
Les marchés des métaux : à l’heure actuelle, dans un contexte où l’on trouve moins de nouvelles mines, l’exploitation minière est un secteur qui ne cesse de décliner. Depuis le printemps 2020, le cours de nombreux métaux s’est montré soutenu, et le restera encore quelque temps grâce aux investissements de la Chine dans l’infrastructure. Alors que les banques commencent à imprimer des billets, l’or reprend doucement sa place de métal de sûreté. Le cuivre est en demande, comme toujours, et le nickel fait l’objet d’un regain d’intérêt alors que les véhicules électriques deviennent toujours plus populaires. Le zinc et le plomb ont, eux aussi, atteint leur cours le plus bas dans le marché en mai 2020, et commencent à remonter la pente.
C’est l’emplacement des marchés des métaux qui change vraiment la donne. Le Canada est vraiment avantagé de par sa proximité aux marchés des G7. De fait, le plus important se trouve juste au-delà d’une frontière bien située, et les deuxième et troisième plus grands sont dans une proximité immédiate à l’est et à l’ouest. Cependant, le marché asiatique séduit. S’étendant du Japon au Moyen-Orient, il abrite 60 % de la population mondiale et détient une part croissante du pouvoir d’achat international. Ainsi, il serait propice d’installer une nouvelle mine à proximité de ces marchés émergents. Toutefois, il incombera aux sociétés de réduire les frais opérationnels autant que possible afin de contrebalancer la hausse des coûts de transport. Il suffit de regarder le marché du gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie. Au vu de la croissance exponentielle de la demande en GNL comme source d’énergie en Asie, la production locale a augmenté ses importations en parallèle afin de maintenir des coûts aussi bas que possible.
Dépenses d’investissement : d’après le Fonds monétaire international (FMI), nous sommes encore en train de sortir de la récession mondiale provoquée par le confinement. Les chaînes de production sont vides et l’équipement invendu gît dans des hangars du monde entier. C’est donc le bon moment pour les sociétés minières d’envisager une modernisation, par exemple en adoptant les nouvelles technologies numériques désormais accessibles, surtout si de nouveaux équipements plus performants leur permettent de réduire leurs coûts d’exploitation.
L’énergie renouvelable est également une option intéressante. En effet, le coût des panneaux solaires ne cesse de baisser et la capacité de stockage augmente. Il suffit de regarder ce qu’a fait BHP à Escondido. La société s’est engagée à couvrir 5 térawattheures (TWh) par an de ses besoins électriques à l’aide de sources d’énergie renouvelables. La société B2Gold, de son côté, développe un projet solaire à grande échelle à sa mine de Fekola, au Mali. Les sociétés minières dirigeant des projets situés dans des latitudes comprises entre le 35° parallèle Nord et le 35° parallèle Sud doivent réellement envisager les options d’énergie renouvelable.
Le coût du capital : les coûts de la dette ont diminué, principalement en raison de la récession, et ils resteront bas pendant un certain temps. Les capitaux propres sont de nouveau disponibles, en raison de l’affermissement des marchés des métaux (mais cela exigera des dividendes). C’est donc le moment idéal de fixer certaines dettes. Par ailleurs, les sociétés minières doivent garder à l’esprit que les intérêts, contrairement aux dividendes, sont déductibles des impôts. Pour garantir un certain confort au niveau des dividendes, les marchés boursiers évaluent le rapport prix/ flux net de trésorerie. Pour les capitaux propres, il vaut mieux forer, puis forer de nouveau pour préserver le coussin le plus confortable de réserves prouvées et probables afin de s’assurer un certain confort au moment de verser des dividendes.
Le fin mot de l’histoire
La chaîne d’approvisionnement canadienne doit s’étendre plus à l’est, au-delà du Japon pour atteindre le reste de l’Asie, et ce pendant que le coût et les marchés des capitaux évoluent. Les projets miniers doivent réaligner leurs coûts, autant le CapEx que l’OpEx, sur un marché plus distant afin de faire face à une augmentation des coûts de transport, tout en restant solvables au niveau de leur flux net de trésorerie afin de répondre à la hausse des demandes de dividendes. Heureusement, en raison de la récession actuelle de la pandémie et du fait que l’on découvre moins de mines, nombreuses sont les occasions de rééquiper une mine afin de réduire les coûts.
Mauro Chiesa a à son actif plus de 35 ans d’expérience en matière de financement et de services conseils dans le domaine des projets d’extraction et d’infrastructures. Il a notamment travaillé avec des banques multinationales à New York, avec le groupe de la Banque mondiale et chez Exportation et développement Canada (EDC).
Traduit par Karen Rolland