Avec l’aimable autorisation de James Cormier-Chisholm

Les anciens cartographes représentaient les inconnues dans des zones non cartographiées comme des dragons. Aujourd’hui, les géologues sont confrontés à leurs propres dragons sur les cartes, l’inconnue étant qu’ils ignorent si les anomalies géophysiques contiennent ou non des ressources métalliques. Si les dragons n’ont jamais coûté la vie aux explorateurs des temps médiévaux, la plupart des sociétés d’exploration succomberont aux dangers de l’inconnue.

Les anomalies géophysiques ne contiennent que parfois des ressources métalliques, et les géologues forent ces anomalies à la recherche de minéralisation à valeur commerciale. Toutefois, durant les phases d’exploration, le forage de chaque anomalie géophysique est une approche systématique et coûteuse. Le forage d’anomalies multiples coûte cher. Comme le montrait une étude de 2019 de Ressources naturelles Canada (RNCan), 40,3 % du coût global, depuis le processus d’exploration jusqu’au développement de la mine commerciale, est imputable au forage au diamant. Le forage aléatoire ne permet pas de trouver des zones minérales prometteuses, et les chances de parvenir à une mine en production sont faibles. D’après la Prospectors and Developers Association of Canada (PDAC, l’association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs), seulement une zone minérale prometteuse sur 10 000 identifiées aboutira à une nouvelle mine.

Mis à part les retards saisonniers, le forage d’exploration aléatoire est un processus ouvert qui crée des retards et laisse l’impression que l’on ne trouvera jamais le bout de la ligne. Ces retards sont le moyen assuré de désenchanter les investisseurs. Un processus ouvert mène aussi à d’autres coûts d’infrastructure, notamment la construction d’une grande route, indispensable pour installer des foreuses dans de nouveaux emplacements.

L’extraction de données géologiques offre une alternative au forage d’exploration aléatoire. On peut l’utiliser comme un outil d’évaluation de la valeur potentielle du forage d’une anomalie géophysique. Cela permet de transformer un processus ouvert de forage aléatoire d’anomalies géophysiques en un processus plus ciblé.

Grâce à l’extraction de données géologiques, où les données sont classées et utilisées afin de créer une carte de prospectivité, le forage a lieu à l’endroit où les algorithmes d’extraction de données prédisent de fortes probabilités de trouver des corps minéralisés associés à certaines anomalies et à des méthodes de dosage des métaux ayant une valeur commerciale. Cette approche permet de réduire les zones de forage à moins de 1,5 % de celles utilisés pour le forage aléatoire.

L’extraction de données est une méthode de prévision plus fiable qui permet de prévoir l’interception d’un corps minéralisé dans une vaste zone, accélérant par là même le processus préconisé par le règlement NI-43-101. Les géologues auront tendance à s’impliquer davantage dans l’identification du minerai répondant aux préconisations du NI-43-101. La définition de suffisamment de corps minéralisé à cette étape entraîne une plus grande définition de la forme du corps minéralisé et permettra d’atteindre un point où l’on peut obtenir un financement de la mine.

Les centaines de puits de mines d’or historiques coïncident avec un modèle d’extraction de données sur les ressources aurifères proches de la surface, présenté sous forme de classification orange sur la carte. Cette perspective est un sous-ensemble d’une carte de prospectivité dans les provinces maritimes au Canada. Ce modèle surfacique est associé à un modèle distinct d’extraction de données relatives à l’anomalie gravimétrique plus profonde (classification en jaune) qui montre des gisements aurifères potentiels plus profonds sous-tendant les gisements de surface, lesquels contiennent plus de détails structurels en tant que classifications. Avec l’aimable autorisation d’Eureka Maps Inc.

En termes de données collectées pendant l’exploration, l’industrie et le gouvernement ne requièrent aucune information supplémentaire pour effectuer l’extraction de données géologiques. On dispose aujourd’hui de suffisamment d’informations pour effectuer ce travail d’exploration de niveau international. Les données classiques recueillies durant l’exploration, telles que des données sur la lithogéochimie, des mesures de gravité pour produire des cartes d’anomalies gravimétriques de Bouguer, des cartes de données altimétriques et, dans une moindre mesure en termes d’utilité pour l’extraction de données, des données aéromagnétiques, sont toutes utiles pour les modèles d’extraction de données. Seul le processus d’évaluation change pour identifier les anomalies contenant un corps minéralisé, mais pas les données recueillies.

Alors, à quoi ressemble le produit fini ? La figure (ci-dessus) montre une carte de classification d’une zone historique d’exploitation aurifère immédiatement au nord de l’aéroport international de Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Cette méthode combinée permet d’identifier des mines peu profondes à profondes à l’aide d’une méthodologie d’extraction de données empilées, où deux modèles totalement différents d’extraction de données sont empilés l’un sur l’autre. Un modèle d’extraction de données sur les ressources aurifères proches de la surface, reposant sur la forme du terrain et la lithogéochimie, indique les ressources aurifères à haute teneur plus faciles à atteindre. Un modèle d’anomalies gravimétriques plus profond, reposant sur des données lithogéochimiques, montre davantage de détails sur la structure de l’endroit d’où provient l’or.

Cette même technique d’empilage des différents modèles d’extraction de données fonctionne également pour le cuivre, le cobalt, le nickel, le palladium et les métaux du groupe des terres rares.

En tant que méthode d’évaluation préalable au forage, les programmes de forage se concentrant uniquement sur les zones classifiées d’où sont extraites des données sur les anomalies géophysiques censées contenir du minerai pourraient changer la donne en termes de rythme de développement de la mine, tout en réduisant d’autres impacts. L’extraction de données géologiques détient le secret de la survie face aux dragons que sont les inconnues. Elle permet aux sociétés d’exploration de ne pas tomber aveuglément dans l’antre du dragon.


 James Cormier-Chisholm est géologue et propriétaire d’Eureka Maps Inc., une société spécialisée dans l’extraction de données géologiques.

Traduit par Karen Rolland