Martine Paradis, vice-présidente au génie et à l’environnement, , Nouveau Monde Graphite. Photo: Marc-Antoine Hallé

À la mine Matawinie de Nouveau Monde Graphite, au Québec, le développement s’est fait un peu différemment. Dès le début, les considérations environnementales ont été placées au premier plan. Il ne s’agissait pas simplement de se conformer aux réglementations, mais d’aller au-delà.

Il n’en a pas fallu davantage pour éveiller la curiosité de Martine Paradis.

Que ce soit dans son rôle de conseillère dans l’industrie où on la mandatait pour régler des problèmes existants et atténuer leurs effets, ou bien en tant qu’autorité de réglementation où elle était chargée de détecter les problèmes, Mme Paradis a été habituée aux situations problématiques durant sa carrière. Nouveau Monde Graphite lui a offert un horizon bien différent, une possibilité de bien faire les choses dès le début.

« C’est drôle car, pendant toute ma carrière, j’ai toujours eu la mission de changer des critères techniques fondamentaux de la mine alors qu’elle était déjà en exploitation, car elle ne répondait pas aux réglementations ou aux critères de conformité environnementale », expliquait Mme Paradis. « Aujourd’hui, on procède différemment ; on commence par les considérations environnementales. »

Elle a donc quitté son emploi de conseillère et est devenue vice-présidente au génie et à l’environnement à Nouveau Monde Graphite. Dans ce nouveau rôle, Mme Paradis est chargée de s’assurer que la conception de la mine prend en compte l’avenir environnemental du site. Elle accorde une attention toute particulière à la gestion des résidus miniers et des stériles.

La mine Matawinie, située à environ 150 kilomètres au nord de Montréal, devrait extraire quelque 100 000 tonnes par an de graphite à haute teneur sur une durée de vie estimée à 25 ans. À l’égard de cette durée de vie estimée, le coût du projet est de 350 millions de dollars. Il affiche des réserves minérales probables de près de 60 mégatonnes, contenant 4,35 % de graphite. Toutefois, c’est sans doute la décision de la société d’équiper la mine d’un parc de véhicules entièrement électriques qui la rend unique ; mais l’approche accordant la priorité à l’environnement adoptée par la société va plus loin.

D’après Mme Paradis, le projet Matawinie de Nouveau Monde est, à bien des égards, une étude de cas visant à envisager l’exploitation minière de manière plus holistique. L’industrie peut se montrer relativement conservatrice lorsqu’il s’agit de changer des habitudes de longue date. L’approche adoptée par Nouveau Monde implique un coût initial supérieur.

Mme Paradis citait comme exemple la décision de Nouveau Monde de désulfurer ses résidus miniers en isolant tout le soufre des sous-produits inutilisables et en contenant ces résidus sulfureux (qui représentent environ 20 % des résidus totaux) dans une pile de résidus secs composée d’alvéoles de stockage individuelles.

Pour créer cette pile, on entrepose d’abord les stériles de manière à créer une alvéole de stockage, qui sert de réceptacle pour les résidus miniers sulfureux. Ces résidus qui contiennent du soufre auront été préalablement séparés du reste des résidus, puis séchés. Une fois placés dans l’alvéole, les résidus sulfureux peuvent ensuite être compactés. Enfin, chaque alvéole sera entourée des résidus non sulfureux. Ces alvéoles individuelles constitueront par la suite une seule pile d’élimination mixte. Les couches extérieures empêchent l’oxygène de pénétrer dans la couche centrale de composés sulfuriques et sont conçues de manière à ce que l’eau s’écoule autour des alvéoles à travers les stériles et les résidus non sulfureux plus poreux et non compactés. En l’absence d’un bassin de décantation des résidus, il n’est pas nécessaire de construire de digue à stériles, qui pourrait ultérieurement céder.

En contenant les minéraux qui s’oxydent et, par là même, modifient l’acidité dans le milieu environnant, Nouveau Monde élimine le problème avant même qu’il n’apparaisse.

« Il faut être visionnaire et faire preuve d’ouverture d’esprit pour le comprendre. Les dépenses d’investissement et d’exploitation liées à la désulfuration sont extrêmement élevées ; cette méthode implique également de filtrer et d’empiler les résidus secs afin d’éviter de devoir construire des digues », indiquait-elle. « Cela entraîne des coûts de gestion des résidus miniers élevés. »

En tant que conseillère, elle a souvent été témoin de fausses économies découlant de l’absence de telles initiatives dès le départ et de tentatives de faire face aux défaillances ou à d’autres problèmes à mesure qu’ils se produisaient. Cette approche ne fait que reporter les coûts, et « je ne suis pas certaine que l’on économise au final », ajoutait-elle.

Nouveau Monde prévoit également de remblayer la mine avec des stériles et des résidus miniers, ce qui réduira l’empreinte de la mine et les coûts liés au stockage en toute sécurité des résidus et des stériles extraits de la mine.

Mme Paradis espère que la conception de la mine servira de modèle pour de futurs projets miniers. Elle a incontestablement attiré l’attention du gouvernement et des autorités réglementaires de la province. « Le ministère s’est vraiment intéressé à notre projet et se réjouit qu’une mine fasse preuve de [cette ouverture d’esprit] », indiquait-elle. « Il suffirait qu’une mine ou deux adoptent cette approche pour encourager les autres. »

D’après Mme Paradis, Nouveau Monde est un précurseur dans sa gestion de l’environnement. Cette pratique est vouée à devenir la norme dans l’exploitation minière, notamment à mesure que les gouvernements et les autorités réglementaires exigent toujours davantage que l’industrie accorde la priorité aux questions d’ordre environnemental.

« Tout le monde ne verra pas forcément les avantages dans l’immédiat, mais les choses avancent, et elles avancent vite », déclarait-elle.         Traduit par Karen Rolland