Lors du congrès virtuel de l’année dernière, Mark Cutifani, à l’époque directeur général d’Anglo American, déclarait ne plus présenter l'entreprise comme une société minière dont la tâche est « de creuser des trous dans le sol », mais comme étant spécialisée dans les métaux et les minéraux. Plutôt que d’essayer de faire accepter « l’exploitation minière » dans la conscience populaire, Anglo American a changé d’identité en présentant non plus la méthode de production, mais les produits eux-mêmes.

Cette stratégie, expliquait-il, s’inscrivait dans un projet à plus long terme visant à préparer la société à un avenir où on la considérerait comme un acteur pertinent de la transition vers une économie circulaire générant moins d’émissions de dioxyde de carbone (CO2). « La question n’est pas de dire à la société ce dont elle a besoin, mais bien de comprendre où va le monde et d’être un élément déclencheur pour parvenir plus tôt à la transition. »

À l’époque, la pandémie révélait au public l’équilibre fragile sur lequel reposent les chaînes d’approvisionnement mondiales. Depuis, le bouleversement des marchés de l’énergie et des matières premières provoqué par l’invasion de l’Ukraine par la Russie nous a rendus bien plus sensibles à nos vulnérabilités et nos forces, mais aussi à celles de nos alliés démocratiques.

Deux sondages de mars 2022 menés par Abacus Data pour le compte de l’association minière du Canada (AMC) ont clairement montré l’importance du recadrage de l’industrie. Lorsqu’on leur a demandé leurs impressions du secteur minier, 73 % des personnes interrogées avaient une opinion favorable sur les sociétés minières opérant au Canada, et 80 % du même ensemble de personnes interrogées avaient une opinion favorable sur les producteurs de métaux et minéraux au Canada. S’il y a une distinction à établir ici, au-delà de la formulation de la question, je suis trop obtus pour la percevoir.

La même entreprise avait mené un autre sondage quelques jours plus tôt, portant sur le rôle du gouvernement canadien dans le soutien à la production de minéraux critiques. On en compte actuellement 31 indispensables à la sécurité économique du pays, sa transition vers une économie à faible émission de carbone et comme source d’approvisionnement pour ses pays partenaires (le cuivre, l’uranium et la potasse font partie de la liste ; l’or, l’argent et le charbon en sont exclus). Près de neuf personnes interrogées sur dix étaient d’avis que le Canada doit jouer un rôle plus important dans la production de minéraux critiques pour les marchés mondiaux.

Pour sa part, le gouvernement canadien est en train d’élaborer une stratégie qui couvre chaque étape de la chaîne de valeur des minéraux critiques, à savoir l’exploration, l’exploitation minière, le traitement, la fabrication et la fabrication avancée ainsi que le recyclage. L’étape de consultation publique a commencé à la mi-juin et durera jusqu’à mi-septembre. La stratégie finale devrait être prête d’ici la fin de l’année.

Face à une superpuissance dominante en Chine et un fournisseur de ressources naturelles belligérant en Russie, dans le contexte d’une transition énergétique visant la neutralité carbone, la production de minéraux se retrouve à l’ordre du jour. Les travaux déterminés et à long terme menés par celles et ceux dans l’industrie canadienne qui s’efforcent de devenir des producteurs responsables ont permis au secteur de devenir un acteur pertinent. S’il eût été préférable que les enjeux ne soient pas si élevés, il n’en reste pas moins que c’est un progrès considérable. Et si cela implique de se débarrasser de messages tels que le traditionnel If you can’t grow it, you have to mine it (tout ce qui ne peut être cultivé doit être extrait du sol), qui évoque le caractère inévitable des trous à creuser, qu’il en soit ainsi.

Traduit par Karen Rolland